Mgr Francesco Follo

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La loi et son accomplissement : l’amour, par Mgr Francesco Follo

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Méditation pour le 6e dimanche du Temps Ordinaire

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1) L’amour est l’accomplissement de la loi.

Au début de la messe de ce VIème dimanche du temps ordinaire (Année A), le prêtre prononce cette prière: « O Dieu, toi qui révèles la plénitude de la loi à travers la justice nouvelle fondée sur l’amour, fais en sorte que le peuple chrétien, rassemblé pour t’offrir le sacrifice parfait, soit cohérent avec les exigences de l’Évangile et devienne pour tout homme signe de réconciliation et de paix » (Collecte, VIème dimanche de l’année A).

Avec cette prière qui résume bien la Liturgie de la Parole d’aujourd’hui, l’Église nous invite à prier pour que la loi évangélique de l’amour guide le penser et l’agir de l’homme, c’est à dire de chacun d’entre nous. Quand manque l’amour, tout devient difficile, lourd, souvent inacceptable et il n’y a pas de règle humaine qui puisse tenir devant celui qui n’aime pas et qui ne sent pas dans son cœur la voix de Dieu qui est amour. Pour cela, la liturgie nous fait prier cette collecte que l’on peut utiliser tous les ans: « O Dieu, toi qui veux habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce, alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure[1] ».

En effet dans l’Évangile d’aujourd’hui, le Christ ne nous offre pas simplement des règles mises à jour ou améliorées parce que plus complètes. En disant: « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (Mt 7, 17), Jésus affirme vouloir accomplir la Loi et les Prophètes[2]. Le Rédempteur accomplit pleinement la loi parce qu’en l’observant, il l’accomplit et parce qu’en indiquant l’amour comme fondement de la loi, il la complète : tout est accompli dans l’amour.

N’oublions pas que tous les commandements sont l’expression de l’amour de Dieu et la source de l’amour entre nous. Ils sont les piliers fondamentaux de la vie, qui permettent de construire son chemin vers le ciel, comme par exemple nous le rappelle le Siracide qui enseigne: « Si tu le veux, tu peux observer les commandements de Dieu, ils te protégeront; si tu as confiance en Lui, toi aussi tu vivras. Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu: étends la main vers ce que tu préfères. La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une et l’autre leur est donnée selon leur choix. Car la sagesse du Seigneur est grande, fort est son pouvoir et il voit tout. Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît toutes les actions des hommes. Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne la permission de pécher » (Si 15, 16-21 – 2ème lecture de la messe d’aujourd’hui).

Il est important de rappeler que la Loi (la Torah remise à Moise) est déjà avant tout un don que Dieu a fait à son peuple dans le but de faire connaître sa volonté salvifique. Une illustration de cette pensée peut se trouver dans le long psaume 118 (119) où l’on chante les louanges de la loi et qui nous fait prier ainsi : « Sois bon pour ton serviteur et je vivrai, j’observerai ta parole. Ouvre mes yeux : je regarderai les merveilles de ta loi. Fais-moi comprendre et que je garde ta loi, que je l’observe de tout cœur » (Ps 118, 17-18, 34-36).

Aujourd’hui, avec la nouvelle Loi, Jésus, nouveau Moise, nous donne des commandements qui nous enseignent à construire notre vie et notre rapport avec le Seigneur dans l’amour, comme une réponse d’amour à son amour infini, unique vraie source de salut. Le salut vient du Seigneur ; il vient de l’amour et non de l’observance de la loi, il vient de Dieu et non de nos œuvres. Nos œuvres et l’observance des préceptes sont nécessaires mais dans la foi et dans l’amour. Dans la foi, en sachant que c’est le Seigneur qui nous donne toute grâce et tout salut : ainsi nous sommes heureux de vivre dans l’humilité et dans la vérité devant Dieu. Dans l’amour, en étant passionnément amoureux de Dieu parce qu’il nous a conquis ; dans l’amour qui est partage et don de nous-même au prochain, en excluant de juger, de nous sentir meilleur, de nous confronter aux autres, de les mépriser et de les exclure – si cela dépend de nous – du salut du Seigneur. Attitude typique des pharisiens qui est aussi la nôtre avec toutes les formes de pharisaïsme que nous portons en nous.

 

2) Eh bien ! moi je vous dis...

Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui répète plusieurs fois : « Eh bien ! moi je vous dis… », mais il ne le fait pas pour s’opposer à l’Ancien Testament ; le Seigneur ne veut pas d’une observance formelle de la loi qui n’implique pas le cœur. Sachant bien que ce qui contamine l’homme ce sont les violences, les jugements, les adultères qui sortent de son cœur, il est venu « porter à son accomplissement » la loi ancienne. Il s’est entièrement donné, offert à la volonté du Père, il est ressuscité des morts et il nous a donné un esprit nouveau. On n’entre pas dans le Royaume de Dieu en observant méticuleusement la loi, comme le faisaient les scribes et les pharisiens: aujourd’hui une « justice supérieure »  est possible: « Soyez saint comme je suis saint » (Lev 19, 2).

La « justice des scribes et des pharisiens » connaissait, comme la nôtre, les limites de la chair, parce qu’elle était fondée sur des œuvres qui avaient perdu le parfum de la gratuité et qui étaient devenues lettre morte, sans Esprit.

Les paroles de Jésus le montrent dans l’Évangile d’aujourd’hui: « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et que si quelqu’un commet un  meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu » (Mt 5, 21s).

Avec ces mots, on dirait que Jésus prononce des paroles absurdes comme : « Une pensée qui effleure à peine l’esprit, c’est comme tuer un homme. » Le pape François a clairement rappelé cette forme facile et subtile d’homicide que sont les médisances et les rancœurs: « Celui qui dans son cœur déteste son frère est un meurtrier. Nous sommes habitués aux bavardages, aux commérages. Mais combien de fois nos communautés et même nos familles deviennent un enfer où l’on manie cette criminalité qui consiste à tuer son frère et sa sœur avec sa langue ».

Ce sont des paroles paradoxales mais qui révèlent le mal qui court dans le cœur de chacun: si nous ne sommes pas capables de « penser bien » comme s’illusionner que nous puissions « accomplir le bien »? Combien de messes et de prières, combien de bonnes paroles et de bons conseils, combien de regards humbles, mais où est notre cœur? Qu’en est-il de notre prochain: notre père, notre mère, nos frères et sœurs de sang, nos voisins de maison et de travail, nos frères et sœurs de communauté? Tués dans le cœur, enterrés et oubliés.

Ce n’est pas notre « bon cœur » mais notre « cœur » (c’est à dire la racine de notre être) qui doit changer.

Le but de la loi de Dieu n’est pas autre chose que de protéger, de cultiver et de faire fleurir l’humanité de l’homme. Pour cela – je le répète – Jésus « commande » un unique saut de qualité: la conversion du cœur.

La conversion du cœur est vécue par les vierges consacrées grâce à la consécration et à la persévérance sur un chemin où, en chacune d’elles (mais cela vaut aussi pour chacun de nous), le Christ est tout: « Nous sommes tous du Seigneur et le Christ est tout pour nous: si tu désires guérir tes blessures, il est le médecin; si tu es accablé par l’ardeur de la fièvre, il est la source d’eau fraîche; si tu te trouves opprimé par tes fautes, il est la justice; si tu as besoin d’aide, il est la puissance; si tu as peur de la mort, il est la vie: si tu désires le paradis, il est le chemin; si tu fuis les ténèbres, il est la lumière; si tu es à la recherche de quoi manger, il est la nourriture » (Saint Ambroise de Milan, De Virginibus, PL 16, 99).

La vocation des vierges est un appel à faire fleurir et à accomplir dans le Christ leur humanité grâce à leur vertu angélique. (cf rituel de consécration des vierges, n° 24 « Tu les appelles à se tenir en ta présence comme les anges devant ta face). A cet égard, Saint Cyprien écrivant aux vierges affirme justement : « Ce que nous serons un jour, vous commencez déjà à l’être. Vous, vous jouissez déjà dans ce monde de la gloire de la résurrection, vous passez à travers le monde sans en être contaminées. Tant que vous persévérez chastes et vierges, vous êtes semblables aux anges de Dieu » (De habitu virginum, 22: PL 4, 462).

Heureux celui qui fait ses choix de vie à la lumière de la loi du Seigneur et implore avec insistance dans sa prière que le Seigneur lui donne la force de garder sa loi dans le cœur et de l’observer dans la vie de tous les jours.

 

 

 

Lecture patristique

Saint Jean Chrysostome (+ 407)

Homélie sur la trahison de Judas, 2, 6

PG 49, 390-391.

 

Le Christ a donné sa vie pour toi et tu continues à détester celui qui est un serviteur comme toi. Comment peux-tu t’avancer vers la table de la paix? Ton Maître n’a pas hésité à endurer pour toi toutes les souffrances, et tu refuses même de renoncer à ta colère! Qu’est-ce qui te retient, dis-moi? L’amour est la racine, la source et la mère de tous les biens. « Un tel m’a gravement offensé, dis-tu, il a été tant de fois injuste envers moi, il m’a menacé de mort! » Eh bien! Qu’est-ce que cela? Il ne t’a pas encore crucifié comme les Juifs ont crucifié le Seigneur.

 

Si tu ne pardonnes pas les offenses de ton prochain, ton Père qui est dans les cieux ne te pardonnera pas non plus tes fautes. Que dit ta conscience quand tu prononces ces paroles : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié (Mt 6,9), et celles qui suivent ? Le Christ n’a pas fait la différence. Son sang, il l’a versé aussi pour ceux qui ont versé le sien. Pourrais-tu faire quelque chose de semblable? Lorsque tu refuses de pardonner à ton ennemi, c’est à toi que tu causes du tort, pas à lui. Tu as pu, en effet, le faire souffrir souvent dans la vie présente, mais toi, ce que tu te prépares, c’est un châtiment irrémissible, au jour du jugement. Car personne ne s’attire plus sûrement l’inimitié de Dieu, et ne lui inspire plus d’aversion, que l’homme rancunier, celui qui a le coeur enflé et dont l’âme brûle de colère.

 

Eh bien! Écoute ce que dit le Seigneur: Lorsque tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande (Mt 5,23-24). Mais tu dis: « Vais-je laisser là l’offrande et le sacrifice? » « Certainement, répond-il, puisque le sacrifice est justement offert pour que tu vives en paix avec ton frère. »

 

Si donc le but du sacrifice est la paix avec ton prochain, et que tu ne sauvegardes pas la paix, il ne sert à rien que tu prennes part, même par ta présence, au sacrifice. La première chose que tu aies à faire c’est bien de rétablir la paix, cette paix pour laquelle, je le répète, le sacrifice est offert. De celui-ci, alors, tu tireras un beau profit. Car le Fils de l’homme est venu dans le monde pour réconcilier l’humanité avec son Père. Comme Paul le dit: Maintenant Dieu a réconcilié avec lui toutes choses (Col 1,22), par la croix, en sa personne, il a tué la haine (Ep 2,16). Aussi celui qui est venu faire la paix nous proclame-t-il également bienheureux, si nous suivons son exemple, et il nous donne son nom en partage. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9).

 

Eh bien! Ce qu’a fait le Christ, le Fils de Dieu, réalise-le aussi autant qu’il est au pouvoir de l’homme. Fais régner la paix chez les autres comme chez toi. Le Christ ne donne-t-il pas le nom de fils de Dieu à l’ami de la paix?

 

Voilà pourquoi la seule bonne disposition qu’il requiert de nous à l’heure : c’est que nous soyons réconciliés avec nos frères. Il nous montre par-là que de toutes vertus la charité est la plus grande.

1 En latin: « Deus, qui te in rectis et sincéris manére pectóribus ásseris, da nobis tua grátia tales exsístere, in quibus habitáre dignéris »

[2] Pour les Hébreux, la Loi avec les préceptes ou enseignements du Seigneur ainsi que les paroles de ses serviteurs (les Prophètes justement) indiquait la Bible. En complément d’information, je rappelle que la Bible Hébraïque a 39 livres ainsi divisés:

  • La Torah (Pentateuque)
  • Les Prophètes a) antérieurs (Josué, Juges, 1-2 Samuel, 1-2 Rois) b) postérieurs (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, et les 12 prophètes mineurs);
  • Tous les autres écrits: Psaumes, Proverbes, Job, Cantique des Cantiques, Daniel, Ruth, Qohélet, Esther, Esdras, Néhémie, 1-2 Chroniques, Lamentations

La Bible Chrétienne comprend 73 livres :

L’Ancien Testament, 46 livres:

1- Le Pentateuque (correspond à la Torah hébraïque: Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome).

2- Les livres historiques (Josué, Judith, Ruth, 1-2 Samuel, 1-2 Rois, 1-2 Chroniques, Esdras, Néhémie, Tobie, Judith,  Esther, 1-2 Maccabées).

3- Les livres sapientiaux (Job, Psaumes, Proverbes, Qohélet, Cantique des Cantiques, Sagesse, Sirac).

4- Les livres prophétiques. a) majeurs (Isaïe, Jérémie, Lamentations, Baruch, Ézéchiel, Daniel) b) mineurs (Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie).

Le Nouveau Testament, 27 livres:

1- Les Évangiles (Matthieu, Marc, Luc, Jean).

2- Les Actes des Apôtres.

3- Les Lettres (Romains, 1-2 Corinthiens, Galates, Éphésiens, Philippiens, Colossiens, 1-2 Thessaloniciens, 1-2 Timothée, Tite, Philémon, Hébreux, Jacques, 1-2 Pierre, 1-2-3 Jean, Jude).

4- L’Apocalypse.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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