Homélie de S.E. Mgr José Rodríguez Carballo, O.F.M., Secrétaire du Dicastère pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique Célébration eucharistique à la Basilique de Santa Maria Majeur, le 2 février 2023
Chers frères et sœurs, que le Seigneur vous donne la paix !
Coïncidant avec la fête de la Présentation de Jésus au Temple, nous célébrons, comme chaque année, la Journée mondiale de la vie consacrée pour son XXVIIe anniversaire.
En tant que consacrés, nous voulons, surtout en ce jour, rendre grâce au Seigneur et, avec les mots de Marie, la consacrée par excellence, chanter notre Magnificat à Celui qui est le Bien, le Tout-Bon, le Bien Suprême, parce qu’Il nous a fait participer à un bel héritage et à une mission non moins belle : celle de reproduire en nous la forme historique de Jésus, obéissant, pauvre et chaste. Qu’un hymne d’action de grâce s’élève de nos lèvres et de nos cœurs, aujourd’hui et toujours, parce que Jésus s’est penché sur notre petitesse.
La fête de la Présentation est également appelée « fête de la rencontre » : la rencontre de Marie, Joseph et Jésus avec le peuple d’Israël, représenté par Syméon et Anne. Une rencontre entre des jeunes : Marie, Joseph et Jésus, et des personnes âgées : Syméon et Anne. Une rencontre entre des personnes pleines de vie. D’un côté, Syméon, dont il est dit que « l’Esprit Saint était sur lui » (Lc 2, 25), et Anne qui, en tant que prophétesse, était une femme inspirée par Dieu. D’autre part, il y a Joseph et Marie qui ont été mus par le désir d’accomplir ce qui est prescrit par la Loi du Seigneur (Lc 2, 22. 23. 24.27). Et au centre de cette rencontre se trouve Jésus, qui est celui qui fait bouger les uns et les autres, les vieux et les jeunes.
Cette année, le thème de la Journée de la vie consacrée est « Sœurs et frères pour la mission ». Ce thème nous rappelle certainement la centralité de la mission dans la vie consacrée, nous existons pour la mission, en fait, nous sommes nous-mêmes la mission, mais il nous avertit aussi que la mission, dans la vie religieuse et dans certaines autres formes de vie consacrée, n’est concevable que dans la fraternité. Le thème de cette année nous rappelle que la fraternité est le message central du christianisme et l’un des piliers de la vie consacrée. Contre la tentation d’une mission à clé individualiste, l’Église, comme nous le rappelle souvent le pape François, est appelée à être une Église sortante, en mission, sans oublier que nous sommes tous frères et sœurs. Et dans ce contexte, il nous rappelle que la vie consacrée, en particulier la vie religieuse, doit aussi être une vie consacrée en sortie, en mission, mais toujours en fraternité : « Tous frères », car c’est seulement ainsi que nous pouvons nous présenter avec un visage prophétique dans cette société profondément marquée par l’individualisme.
La fraternité, qui est certainement un don, est aussi un engagement que chacun de nous prend avec sa propre profession. C’est pourquoi être des bâtisseurs de fraternité, se sentir membre d’une famille qui part de sa propre communauté mais qui ne connaît pas de limites de culture ni même de foi, est l’un des défis les plus urgents pour tous ceux qui se sentent disciples de Jésus et, en particulier, pour la vie consacrée. Être des artisans de la fraternité universelle, sans tomber dans la tentation de la réduire à une vague abstraction ou à une vision fermée et étouffante de l’amour chrétien. Être artisans d’une fraternité sans frontières, libres de tout désir de dominer les autres, ne faisant qu’un avec les plus petits et cherchant à vivre en harmonie avec tous (cf. Ft, 4).
Tout cela sera possible si nous savourons la grâce et la joie de la mystique de la rencontre, et si nous nous entraînons constamment à l’art de construire la fraternité entre des frères et des sœurs différents par leur culture et leur âge, qui assument ensemble la mission que le Seigneur a confiée à son Église et à la vie consacrée elle-même. Ce n’est qu’à travers notre engagement personnel et communautaire à construire des fraternités missionnaires que nous pourrons confesser par notre vie que Dieu est amour et que nous, personnes consacrées, croyons en l’amour. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons être la lumière qui éclaire ceux qui vivent dans les ténèbres et dans les ombres de la mort (cf. Lc 2, 32), des phares pour ceux qui vivent en haute mer, des flambeaux pour ceux qui traversent une nuit noire, et des veilleurs du matin annonçant le retour du jour.
Mais tout cela à condition que le Christ soit au centre de nos communautés/fraternités. C’est en lui que nous pouvons rencontrer l’autre, le reconnaître, l’accueillir et l’embrasser comme frère et sœur, en le reconnaissant comme un don de Dieu pour moi. C’est en lui, et seulement par lui et en communion profonde avec lui, que l’Esprit reposera sur nous (cf. Ac 2, 17-21) et que nos jeunes prophétiseront, et que nos anciens auront des rêves et des visions (cf. Joël 2, 28). Ce n’est que s’il est le centre de notre fraternité et de notre mission que nous pourrons respecter les différences sans perdre la communion, reconnaître la dignité des autres, les aimer et leur montrer le visage miséricordieux du Père avec pardon et miséricorde. C’est seulement à partir de lui que nous pourrons trouver l’harmonie, créée par l’Esprit, entre l’observance et la prophétie, dont nous parle l’Évangile que nous avons entendu et proclamé, et que nous pourrons créer des communautés/fraternités dynamiques et missionnaires ; des communautés/fraternités créatives, habitées par la joie et le partage des dons reçus ; des communautés ouvertes à la voix du Dieu de l’histoire qui nous parle aussi à travers nos frères et sœurs. Ce n’est que s’il est au centre de nos fraternités que nous pourrons surmonter la tentation de construire des communautés murées, avec les portes bien fermées, comme les disciples avant la Pentecôte, et éviter le danger de construire des communautés sectaires, des communautés fermées, des communautés figées. Ce n’est qu’à partir de lui et sous l’impulsion de l’Esprit qu’il sera possible de faire se rencontrer les anciens et les jeunes, où les jeunes accueilleront la sagesse des anciens et les anciens sauront accueillir la prophétie des jeunes. Ce n’est qu’à partir de lui que nous nourrirons la soif d’horizons, sachant que les murs nous enferment et que les horizons nous font grandir, nourrissent la fidélité créative et dynamique, tout en nous éloignant des prophètes de malheur, contre lesquels Benoît XVI nous a déjà mis en garde, lorsqu’il nous a invités à ne pas nous joindre à ceux qui ne parlent que de mort et de fin.
La fête d’aujourd’hui nous invite à mettre Jésus au centre de notre vie et, comme lui, à aller à la rencontre des gens et à goûter avec eux la joie qui habite nos cœurs parce que nous nous savons aimés par le Seigneur, malgré notre petitesse et notre vulnérabilité, ou peut-être à cause d’elles. Fête de la présentation de Jésus au Temple, fête de la rencontre. Regardons la vie consacrée comme une fête de la rencontre avec le Seigneur et avec le peuple. De notre être missionnaire, partons, avec des lampes allumées, pour montrer aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui la beauté de croire en Jésus et de le suivre
Par la main de Marie, que nous invoquons de manière particulière aujourd’hui en tant que Salus Popoli Romani, et du juste et bon Joseph, qui présente aujourd’hui Jésus au Temple, approchons-nous et accueillons Jésus dans nos communautés afin qu’elles soient de véritables fraternités éclairées par la lumière qu’est le Christ lui-même, et toujours animées par la volonté de rencontrer les frères et sœurs que le Seigneur nous donne, et avec eux partir en mission jusqu’aux extrémités de la terre. Fiat, fiat, amen, amen.