A la question, qui brûle bien des lèvres, de savoir s’il démissionnera un jour, le pape François répond : « C’est le Seigneur qui commande ». Si le pape jésuite sent que le Seigneur lui « dit quelque chose » à travers « une inspiration », il fera « un discernement pour voir ce que demande le Seigneur ».
Au cours de la conférence de presse pendant le vol de retour du voyage apostolique au Canada (24 au 30 juillet 2022), vendredi 29 juillet 2022, le pape François a répondu aux questions de Caroline Pigozzi, de Paris Match, l’interrogeant sur une possible démission.
« C’est au Seigneur de le dire. Le jésuite cherche à faire la volonté du Seigneur, et même le pape jésuite doit faire de même », a-t-il insisté. « Il se peut que le Seigneur veuille m’envoyer dans un coin, c’est son affaire, c’est lui qui commande ».
Quant à savoir s’il se sent davantage pape ou jésuite, François répond « Je me sens serviteur du Seigneur, avec l’habitude du jésuite ». La papauté n’est pas une « spiritualité », mais un « service », que chacun porte « avec sa propre spiritualité, avec ses propres grâces, avec sa propre fidélité et ses propres péchés ».
Voici la question de Caroline Pigozzi (Paris Match) et la réponse du pape François :
Ce matin, vous avez rencontré à l’archevêché, comme chaque fois que vous vous rendez dans un pays, les membres locaux de la Compagnie de Jésus, votre famille. Il y a neuf ans, en rentrant des JMJ au Brésil, le 28 juillet 2013, je vous avais demandé si vous vous sentiez encore jésuite. Votre réponse avait été positive. Le 4 décembre dernier, après avoir vu les jésuites de la Grèce, à Athènes, vous avez expliqué ceci : « Quand on lance un processus, il faut le laisser se développer, laisser l’œuvre grandir et ensuite, il faut se retirer. Tous les jésuites doivent en faire autant, aucune œuvre ne leur appartient parce que cela appartient au Seigneur ». Saint-Père, cette déclaration pourrait-elle un jour être également valide pour un pape jésuite ?
Je crois que oui, oui.
Cela veut-il dire que vous pourriez vous retirer comme les jésuites ?
Oui, oui ; c’est une vocation.
D’être pape ou d’être jésuite ?
C’est au Seigneur de le dire. Le jésuite cherche – il cherche, il ne le fait pas toujours, il ne peut pas, il cherche – à faire la volonté du Seigneur, et même le pape jésuite doit faire de même. Quand le Seigneur parle, si le Seigneur te dit « avance », tu avances ; si le Seigneur te dit « va dans le coin », tu vas dans le coin. Mais c’est le Seigneur…
Mais vous semblez dire qu’on attend la mort, à ce point…
Mais nous attendons tous la mort !
Je veux dire, vous ne vous retirez pas avant…
Ce que dit le Seigneur. Le Seigneur peut dire : « Donne ta démission ». C’est le Seigneur qui commande. Il y a quelque chose de saint Ignace, c’est important : quand quelqu’un était fatigué, malade, qu’il disait à saint Ignace : « Je ne peux pas prier », il le dispensait de la prière. Mais il ne dispensait jamais de l’examen de conscience : deux fois par jour, regarder ce qui s’est passé… Ce n’est pas une question de péchés ou d’absence de péchés, non : « Quel esprit m’a animé aujourd’hui ? ». Notre vocation disait : « chercher ce qui s’est passé aujourd’hui. Si – c’est une hypothèse – je vois que le Seigneur me dit quelque chose, une inspiration de ceci ou de cela, je dois faire un discernement pour voir ce que demande le Seigneur. Il se peut que le Seigneur veuille m’envoyer dans un coin, c’est son affaire, c’est lui qui commande. Je crois que c’est cela, la façon religieuse de vivre d’un jésuite : se tenir dans le discernement spirituel pour prendre des décisions, pour choisir des voies de travail et également pour choisir ses engagements. Le discernement est la clé dans la vocation du jésuite. C’est important, ceci. Saint Ignace était très ferme sur ce point, parce c’était sa propre expérience du discernement spirituel qui l’a conduit à la conversion. Et les exercices spirituels sont vraiment une école de discernement. C’est ainsi que le jésuite doit être, par vocation, un homme de discernement, discerner les situations, discerner sa propre conscience, discerner les décisions à prendre. Et c’est pourquoi il doit être ouvert à tout ce que le Seigneur lui demande. C’est un peu notre spiritualité.
Mais maintenant, vous sentez-vous davantage pape ou davantage jésuite ?
Je n’ai jamais mesuré cela ! Jamais ! Je me sens serviteur du Seigneur, avec l’habitude du jésuite, parce qu’il n’existe pas de spiritualité papale, cela n’existe pas. Chaque pape avance avec sa propre spiritualité. Pensez à saint Jean-Paul II, avec sa belle spiritualité mariale, qu’il avait avant et qu’il avait en tant que pape. Pensez à tous les papes qui ont développé leur propre spiritualité. La papauté n’est pas une spiritualité, c’est un travail, c’est une fonction, c’est un service, mais chacun le porte avec sa propre spiritualité, avec ses propres grâces, avec sa propre fidélité et ses propres péchés. Mais il n’y a pas de spiritualité papale, c’est pour cela qu’il n’y a pas de comparaison entre la spiritualité jésuite et la spiritualité papale parce que la seconde n’existe pas. Tu as compris ? Merci, merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat