Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

Exode, chemin de liberté vers la Terre définitive : le Ciel, par Mgr Francesco Follo

À la suite du Christ

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« Le Christ nous a libérés pour nous donner la liberté des enfants de Dieu. Pour être libre, derrière Jésus, il faut cheminer selon l’Esprit ». Cela comporte quelques exigences, explique Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, dans sa méditation des lectures de dimanche 26 juin prochain.

Pour suivre le Christ, il souligne trois caractéristiques : « le détachement par rapport aux choses », « le détachement par rapport aux personnes » et « le détachement par rapport à soi-même qui n’est pas réductible à l’histoire passée ». L’être humain est construction de demande, désir d’infini, ouverture à la promesse de Dieu. 

Voici la méditation proposée par Mgr Francesco Follo :

Exode, chemin de liberté vers la Terre définitive : le Ciel

XIIIème Dimanche du temps ordinaire – Année C – 26 juin 2022

1 R 19, 16b.19-21 ; Ps 15 ; Ga 5, 1.13-18 ; Lc 9, 51-62

1) Le chemin définitif vers Jérusalem.

Le chapitre 9 de Saint Luc, dont la dernière partie nous est proposée par la liturgie de la Messe d’aujourd’hui, rapportent quelques moments importants de la vie du Christ qu’il est utile de rappeler.

Je les évoque rapidement.

Avant tout, Jésus envoie en mission les Douze Apôtres. Ils ont écouté et accueilli sa prédication et donc à leur tour ils peuvent la diffuser (cf Lc 9, 1-6). A leur retour, il les implique dans la multiplication des pains qui n’est pas seulement une anticipation symbolique de l’Eucharistie, mais aussi une vraie et profonde révélation de Jésus et de son existence ainsi qu’une vraie révélation de l’acte eucharistique. Pour l’évangéliste Saint Luc, la distribution des pains, la dernière Cène et la cène d’Emmaüs sont les piliers qui manifestent la logique de l’existence de Jésus: une vie qui se donne. (cf ibid. 9, 10-17)

Puis Pierre reconnaît Jésus comme le Christ, le Messie attendu par le peuple d’Israël (cf ibid. 9, 18-21). Et c’est un moment très important parce que Jésus est reconnu comme le Christ de Dieu. Cependant comme pour le comprendre pleinement, la mort et la résurrection sont nécessaires, Jésus commence à annoncer aux siens son propre destin de passion (cf ibid. 9, 22-23). C’est une vocation qui demande certains renoncements. Qui veut suivre Jésus doit comme Lui renoncer à sa propre vie, pour la retrouver ensuite (cf ibid. 9, 23-26).

Ensuite, pour soutenir ses Apôtres sur ce chemin, Jésus donne un « avant goût » de sa gloire future à ses trois Apôtres préférés: c’est la Transfiguration (cf ibid. 9, 28-36). Descendu de la montagne, il révèle encore une fois sa puissance contre le malin (guérison du garçon épileptique: ibid 9, 37-43) et annonce à nouveau sa passion et sa mort (cf ibid. 9, 43-45), mais les disciples ne comprennent pas et se mettent à discuter pour savoir lequel d’entre eux est le plus grand (cf ibid 9, 43-45).

Et nous voici à la fin du chapitre 9. Cet extrait (v. 51-62), lu pendant la liturgie de ce dimanche, décrit la ferme décision du Christ d’accomplir son exode en se rendant à Jérusalem et donne trois réponses à la façon dont le disciple doit suivre le Maître.

Il vaut la peine de noter que dans cette partie définitive de l’exode du Christ vers le Père, les gestes de miséricorde, les miracles et les enseignements continuent.

2) Les exigences d’un chemin à la suite du Christ.

Jésus prend la route vers Jérusalem où – avec lucidité, courage et décision – il va donner sa vie pour ceux qui le tuent (cf ibid. 9, 51). Le fils de Dieu chemine résolument vers Jérusalem, il tourne son visage, ferme et décidé (en effet le texte grec utilise cette expression :  » Son visage devenu de pierre », qui a été traduite par « Jésus prit la ferme décision ») vers sa Pâques de libération pour nous. C’est un chemin fait non sans grande fatigue mais avec fermeté, et c’est un libre chemin de liberté.

Le Christ nous a libérés pour nous donner la liberté des enfants de Dieu. Pour être libre, derrière Jésus, il faut cheminer selon l’Esprit en observant les commandements que Dieu nous a donnés par amour. Les dix commandements ne sont pas un hymne au « non », ils sont un « oui ». Un « oui » à Dieu, un « oui » à l’amour, et si je dis « oui » à l’amour, je dis « non » au non-amour, mais le « non » est une conséquence de ce « oui » qui vient de Dieu et qui nous fait aimer.

Redécouvrons et mettons en pratique les Dix Paroles de Dieu (en grec « logoi » qui est presque toujours traduit par « commandement »  mais qui littéralement signifie « parole »). Disons « oui » à ces « dix voies d’amour » perfectionnées par le Christ, pour défendre l’homme et le guider vers la vraie liberté.

  

Ensuite si nous voulons vivre avec plénitude ces « voies », il ne nous reste qu’à suivre le Christ dans son exode à Jérusalem qui n’est pas seulement la Jérusalem de la Terre Sainte mais aussi celle du Ciel.

Suivre le Christ comporte au moins trois caractéristiques.

La première caractéristique est celle du détachement ou du rapport vrai avec les biens matériels.

En effet dans l’évangile d’aujourd’hui, nous voyons un homme qui, le long de cette route vers la liberté, demande à Jésus de pouvoir le suivre. Cet homme est déjà conscient du fait que suivre le Christ implique une vie itinérante: « Je te suivrai partout où tu iras. » (Ibid. 9, 57). Mais il y a quelque chose d’autre qu’il doit savoir: ce n’est pas simplement la pauvreté matérielle qui nous est demandée, ni simplement la fatigue d’une vie itinérante. Le premier don que Jésus nous fait si nous le suivons dans la pauvreté, c’est celui de la liberté par rapport aux choses: si nous voulons les posséder, elles nous possèdent, si nous en faisons la finalité de notre vie, nous sommes utilisés comme leur moyen de production. Si en revanche elles ne sont pas la fin mais un moyen, nous pouvons les utiliser et elles deviennent utiles. Elles sont utiles pour avoir une vie humaine qui est une vie de fils et de frères. C’est une vie de communion, alors que trop souvent on lutte même jusqu’à la mort. La première condition pour suivre le Christ, c’est d’être une personne libre, le premier don que Dieu veut nous faire, c’est la pauvreté spirituelle. Et si quelqu’un est appelé, même la pauvreté matérielle est un grand don de Dieu. Cette pauvreté signifie que nous ne sommes pas ce que nous possédons, sinon nous nous identifions avec les choses qui deviennent notre dieu ou pour être plus précis, nos idoles, l’objectif à cause duquel nous détruisons les autres et à la fin nous mêmes.

La seconde caractéristique concerne le rapport avec les autres et le fait que rien ne soit mis avant Dieu.

Devant la demande de Jésus: « Suis-moi » pour vivre dans la lumière et dans l’amour, le deuxième homme de l’Évangile d’aujourd’hui demande un délai. La réponse de Jésus est catégorique: « Laisse  les morts enterrer leurs morts. » (Ibid. 9, 59-60). Certainement il s’agit d’un langage paradoxal. Il n’est pas question d’enterrer ou non ses proches. Il est question de se rendre compte qu’il y a là quelque chose de nouveau qui fait perdre son éclat à tout le reste.

J’espère ne pas me tromper si j’affirme que c’est une invitation à la chasteté à laquelle nous sommes tous appelés: aucune personne, aucun devoir, aucune affection n’est absolu. Seul Dieu, que nous n’avons jamais vu, est absolu. Tout le reste est relatif et surtout ne doit jamais être possédé. Cette relation d’amour réciproque, c’est à dire cet amour même que Dieu a pour nous, amour gratuit fait de don, est le même amour que nous avons pour l’autre, fait de don réciproque et de pardon. 

Si la première caractéristique pour suivre le Christ est le détachement par rapport aux choses et la deuxième le détachement par rapport aux personnes, la troisième est le détachement par rapport à soi-même qui n’est pas réductible à l’histoire passée. L’être humain est construction de demande, désir d’infini, ouverture à la promesse de Dieu. 

En effet dans le troisième dialogue, nous lisons qu’un autre inconnu est disposé à suivre Jésus mais il demande le temps de saluer les gens de sa maison. Le verbe grec signifie saluer et laisser. Jésus répond avec une espèce de proverbe. « Quiconque met la main à la charrue et puis regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » Si le paysan veut labourer, il va droit, il ne peut se permettre de regarder en arrière. En d’autres mots, suivre le Christ ne supporte ni délais, ni  distractions, ni nostalgie. Dit de façon synthétique, suivre le Christ est un choix de liberté qui provient du détachement des choses et des personnes ainsi que de la confiance en Dieu.

3) Suivre le Christ pour les vierges consacrées dans le monde.

Nous comprenons avec l’esprit mais aussi avec le cœur que suivre Jésus signifie donc s’enraciner dans sa parole et accueillir sa personne de Messie et de Fils de Dieu sans réserve, sans mettre avant Lui nos pensées et nos affections familiales.

A cet égard, les vierges consacrées dans le monde témoignent qu’aucune affection ne vient avant Dieu. C’est la chasteté de l’âme et du corps, leur être « épouse » d’un Dieu à aimer de manière absolue. A la première place, il y a Dieu. Se tourner en arrière est regret, hésitation. Le choix pour le Christ est une conversion continue que la virginité rend constante et transforme en offrande, en sacrifice qui plaît à Dieu.

Suivre Jésus virginalement veut dire le suivre inconditionnellement. Suivre le Christ exige une fidélité et un amour qui mettent toujours Dieu et son Royaume à la première place. Le résultat est une vie féconde et joyeuse. En effet le Rédempteur a dit: « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. En effet qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perd sa vie à cause de moi la sauvera » (Lc 9, 23-24). Suivre le Christ est donc un chemin de croix non parce que la douleur et la mort doivent être l’aboutissement ultime de la vie mais parce que, comme pour le Christ, mystique grain de blé tombé dans la terre, de cette mort rédemptrice doit naître une vie nouvelle.

 

Ainsi chaque sacrifice fait pour suivre le Fils de Dieu, ne signale pas simplement un chemin de mortification stérile, mais ouvre la vie à une existence qui se renouvelle sans cesse dans la grâce et rend la personne capable de parcourir le chemin de la liberté la plus vraie, celle qui nous est donnée dans le Christ. Les personnes consacrées nous en donnent le témoignage de façon particulière pour que tous les chrétiens puissent répondre à cette vocation: « Vous, frères, c’est à la liberté que vous avez été appelés. Seulement que cette liberté ne donne aucune prise à la chair! Mais, par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres… Écoutez-moi: marchez sous l’impulsion de l’Esprit… » 

La vocation de chacun de nous d’aller à la suite du Christ est vocation à la liberté authentique, qui est don du Père dans le Fils par l’intermédiaire du Saint Esprit, lequel illumine et conduit à la plénitude de la vie.

Lecture Patristique

Saint Hilaire (+ 367)

Commentaire sur les psaumes, ps 139, 12

CSEL 22, 784-785.

Sûr d’être protégé au jour du combat, le Christ fait aussi cette prière: Seigneur, n’accorde rien au pécheur à l’encontre de mon désir (cf. Ps 139,9). Lui qui a dit: Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé (Jn 6,38), est également pressé de réaliser la tâche entreprise par obéissance, non sans toutefois nous rappeler qu’il peut exercer librement sa volonté.

Il veut, en vérité, ce qu’a voulu le Père. Par ces paroles: Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé, Jésus montre, en effet, qui est celui qui l’a envoyé et à qui il obéit, sans pourtant supprimer son vouloir propre. Il aspire donc à accomplir toutes les volontés de son Père. Il s’empresse aussi de réaliser tout ce que lui-même désire voir accompli dans sa passion, de peur qu’un pécheur ne prenne les devants pour le déjouer.

Il a ardemment désiré (Lc 22,15) manger la Pâque avec ses disciples. Il a célébré à la hâte le repas de la Pâque. Désirant boire le calice de sa passion, il a dit: Est-ce que je vais refuser la coupe que mon Père m’a donné à boire (Jn 10,11)? Quand les hommes qui le cherchaient se présentèrent pour se saisir de lui et demandèrent qui était Jésus, il s’avança de lui-même. Sachant qu’il devait boire la coupe de vinaigre, il demanda à la boire et, aussitôt après y avoir bu et après avoir ainsi mené à bonne fin son grand dessein, il dit: Tout est accompli (Jn 19,30), mettant dans ces mots toute sa joie de voir réalisé ce qu’il désirait tellement.

Dans les psaumes, le Christ avait souvent prié pour que sa vie soit préservée du glaive. Il avait annoncé qu’aucun de ses os ne serait brisé. Il avait prédit que sa tunique serait tirée au sort (Ps 21).

Il prie pour que tout cela se réalise selon son désir, afin que l’on croie en l’accomplissement des prophéties. Il ne veut pas que les pécheurs aient la possibilité d’agir sur un de ces événements, ni d’empêcher la célébration de la Pâque si ardemment désirée, ou qu’ils n’osent pas lui présenter la coupe de sa passion. Car la première réponse que le Sauveur avait adressée aux pécheurs venus l’arrêter, les avait tous terrassés.

Il ne faut pas que manque le vinaigre qui doit lui être offert, que le soldat lui perce le côté avant qu’il ne rende l’esprit, ni qu’il trouve dans la lenteur de sa mort un motif pour lui briser les os.

Il veut qu’aucune prophétie ne soit retranchée, et que rien de ce qu’il attend ne soit laissé au bon plaisir du pécheur. Il veut que s’accomplissent en lui tous les événements annoncés dans les prophéties et que lui-même désire. Et il prie pour leur réalisation, non qu’ils puissent ne pas s’accomplir, mais afin que les hommes comprennent que ces prophéties le concernaient.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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