Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, propose cette méditation , invitant les lecteurs de Zenit à « comprendre de plus en plus que nous sommes faits à l’image de la Trinité. La preuve la plus forte de cette vérité est que seul l’amour nous rend heureux, car nous vivons en relation avec l’amour et nous vivons pour être aimés ».
A ceux qui objectent que « le mystère de la Trinité ne sert à rien pour la vie quotidienne », Mgr Follo répond : « au contraire, ces Trois Personnes divines sont pour nous les plus intimes dans la vie quotidienne : elles ne sont pas hors de nous, comme l’épouse ou le mari, mais elles sont en nous. Elles demeurent en nous (Jn 14,23), nous sommes leur « temple » et nous demeurons en Elles ».
Voici le texte de la méditation pour le dimanche 12 juin prochain :
La Trinité et sa demeure.
Solennité de la Sainte Trinité – 12 juin 2022
Pr 8, 22 ; Ps 8 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12 -15
1) Le signe de croix et la Trinité
Aujourd’hui nous sommes appelés à fêter le mystère de la très Sainte Trinité. Pour aider à vivre et à célébrer cette fête de l’amour, avant de commenter l’Evangile d’aujourd’hui, je rappelle que la profession de foi en Dieu-Trinité – Père, Fils et Saint-Esprit – est liée au signe de croix. Cette pratique de piété « est et reste le geste fondamental de la prière du chrétien… Le signe de croix est surtout un évènement de Dieu : le Saint Esprit nous conduit au Christ et le Christ nous ouvre la porte vers le Père. Dieu n’est plus le Dieu inconnu ; il a un nom. Nous pouvons l’appeler, et Lui, Il nous appelle » (Benoît XVI).
Avec le signe de croix, nous nous immergeons en Dieu-Trinité, comme l’indique le texte grec de l’Evangile selon Saint-Mathieu (Mt 28,19). En fait, en envoyant ses disciples en mission dans le monde entier, le Christ leur demande de baptiser « au nom du Père, du Fils et du Saint- Esprit.
Tout d’abord, quelques explications sur le texte grec de « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit». Le grec de ce passage ne comporte pas la préposition « en », qui veut dire « dans », c’est-à-dire qu’il n’utilise pas la préposition « au nom » de la Trinité – comme il est d’usage de dire, par exemple, lorsqu’un ambassadeur parle « au nom » de son gouvernement, c’est-à-dire par autorité, et représentation de celui qui l’envoie.
Par contre, le texte grec utilise les mots de : « eis to onoma », c’est-à-dire : « vers ou dans le nom ». Ils expriment un mouvement « vers » ou « dans » le nom, aussi vers l’intimité de la Trinité, vers l’intérieur du nom. Donc, faire le signe de croix est une immersion dans le nom de la Trinité, une insertion en Son nom, une interpénétration de l’être de Dieu et de notre être qui est immergé dans le Dieu-Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, comme par exemple, dans le mariage où deux personnes deviennent une seule chair, elles deviennent une nouvelle et unique réalité avec un seul et nouveau nom » (Ibid.).
« Faire » le signe de croix, c’est aussi dire « oui » à Jésus-Christ qui a souffert pour nous et qui, dans son corps offert pour nous, a rendu visible l’amour de Dieu jusqu’au don total de Lui- même pour nous.
En outre, « faire » le signe de croix est se remettre sous la protection de la croix qui, comme un bouclier, nous défend dans les grandes et petites adversités de la vie, en général, et de la journée en particulier. La croix est un signe de la passion, mais, en même temps, elle est aussi un signe de la résurrection : elle est, pour ainsi dire, le pilier du salut que Dieu nous offre, le pont sur lequel nous surmontons l’abysse de la mort et toutes les menaces du mal et par lequel nous pouvons arriver jusqu’à Lui.
Enfin (mais ces raisons de faire le signe de croix ne sont pas les seules), en faisant le signe de croix – au moins le matin – nous remercions Dieu le Père pour la nouvelle journée qu’il nous concède, nous prions le Christ et lui confions notre vie; nous demandons au Saint Esprit d’illuminer toutes nos actions quotidiennes. En bref, nous commençons la journée sous le signe de l’amour trinitaire en entrant dans la communion d’amour de Dieu le Père, du Fils et du Saint Esprit.
2) La Trinité selon l’Evangile d’aujourd’hui.
Commentons maintenant le très bref texte évangélique (Jn 16.12-15) de la Messe de ce dimanche de la Trinité. L’étroit rapport d’amour, de connaissance et de communion entre le Père, le Fils et le Saint Esprit émerge de ces quelques versets. Les paroles de Jésus nous font immerger dans le mystère de la Trinité avec cette exigence de fond qui est la connaissance de la vérité qui n’est autre qu’amour. Il nous faut toujours comprendre plus que Dieu est Père, c’est-à-dire source féconde, qu’Il est Fils, c’est-à-dire Parole faite chair, amour proche et fraternel, et qu’Il est Esprit c’est-à-dire amour aimant qui nous fait expérimenter la vérité de l’amour.
Il est souvent objecté que le mystère de la Trinité ne sert à rien pour la vie quotidienne. Au contraire, ces Trois Personnes divines sont pour nous les plus intimes dans la vie quotidienne : elles ne sont pas hors de nous, comme l’épouse ou le mari, mais elles sont en nous. Elles demeurent en nous (Jn 14,23), nous sommes leur « temple » et nous demeurons en Elles.
Toute notre vie se déroule dans le signe et dans la présence de la Trinité. Au début de la vie, nous avons été baptisés « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Toujours au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit, nous avons été confirmés, les époux unis par les liens du mariage et les prêtres consacrés par l’évêque. A la fin de notre vie, aspirons à ce que l’on prie avec ces mots près de notre lit : « Ame chrétienne, pars de ce monde : au nom du Père qui t’a créé, du Fils qui t’a racheté et du Saint Esprit qui t’a sanctifié ».
Croire à la Trinité, c’est croire que Dieu est amour, parce que de l’éternité Il a « en son sein » un Fils, le Verbe, qu’il aime avec un amour infini, c’est-à-dire avec le Saint Esprit. Comme le rappelle Saint-Augustin, il y a toujours trois réalités ou sujets dans chaque amour : un qui aime, un qui est aimé et l’amour qui les unit. Ce grand et saint évêque écrivait : « Dieu le Père est l’Aimant, le Fils est l’Aimé et le Saint Esprit est l’Amour ».
Le Dieu chrétien est un et trois parce qu’il est communion d’amour et il est aussi la réponse à certains athées qui disent que Dieu serait une projection que l’homme fait de lui-même, comme quelqu’un qui échange sa propre image reflétée dans une flaque d’eau ou d’un lac avec une personne différente. Ceci pourrait être valable pour une autre idée de Dieu mais pas celle du Dieu chrétien. Quel besoin l’homme aurait-il de se scinder en trois personnes : Père, Fils, et Saint Esprit si Dieu n’est autre que la projection que l’homme se fait de sa propre image?
A l’objection qui dit que ce mystère de la Trinité est trop difficile, je réponds avec l’invitation à célébrer humblement le Dieu tel qu’Il est, en Lui rendant hommage d’une constante reconnaissance. Dieu un et Trois nous a non seulement créé à son image et à sa ressemblance mais il a pris amoureusement possession de notre personne et l’a élevée à une grandeur démesurée : le Père nous a adopté dans son Fils incarné; le Verbe illumine notre intellect par sa lumière, le Saint Esprit nous a élu pour son habitation.
3) La Trinité en nous.
A ce point, nous pouvons nous demander comment garder ce Temple de chair de l’Esprit : pas seulement en évitant le pêché qui profane cette demeure et offense Dieu mais aussi en vivant en la grâce de Dieu et en cultivant un cœur pur et docile à l’Esprit.
Il est vrai qu’avec le Baptême, nous sommes tous devenus Temple, c’est-à-dire demeure sacrée de l’Esprit Saint.
Mais il est pareillement vrai que la « femme » a en elle des connotations spécifiques, qui l’ont rendue symbole du rapport nuptial entre Dieu et son peuple, déjà dans l’Ancien Testament,: des caractéristiques physiques, grâce auxquelles dans le langage courant le mot « vierge » est appliqué quasi exclusivement à la femme: des caractéristiques psychiques et spirituelles, liées à sa connaturelle capacité de s’ouvrir à l’accueil et de se donner avec fidélité (cfr Mulieris Dignitatis, n 20). Donc, plus pour la femme que pour l’homme la virginité consacrée a une valeur de signe et de réalité.
A cet égard, la prière solennelle de consécration des vierges nous aide. Elle dit : « Seigneur notre Dieu, toi qui veux habiter ceux qui te sont consacrés, tu aimes les cœurs libres et purs. Pose ton regard sur ces filles qui déposent dans tes mains la proposition de virginité de laquelle tu es l’inspirateur, pour te faire une offrande pure…..Par le don du Saint Esprit qu’elles soient prudentes dans la modestie, sages dans la bonté, austères dans la douceur, chastes dans la liberté. Ferventes dans la charité elles ne mettent rien avant ton amour ; qu’elles vivent dans les louanges sans aspirer à la louange ; qu’’elles te donnent à Toi seul la gloire dans la sainteté du corps et dans la pureté de l’esprit : qu’elles te craignent avec amour, qu’elles te servent par amour… Qu’elles possèdent tout en toi, Seigneur, parce qu’elles t’ont choisi toi seul, au-dessus de tout. »
Par grâce, nous les chrétiens nous tous sommes un Temple, où Dieu prend sa demeure. Mais les vierges consacrées témoignent d’une façon particulière d’être la demeure sacrée de Dieu. A cet égard, déjà au Moyen Age, Jean de Ford synthétise l’enseignement de l’Eglise: « Le Temple de Dieu est saint et je fais référence à toute l’Eglise des saints qui vivent soit dans un état conjugal, soit dans un état de veuvage ou dans un état de chasteté virginale. Mais la partie plus intérieure de ce Temple, ou, pour ainsi dire, le « sancta sanctorum » est occupée par celles qui, libres des liens conjugaux grâce à la pureté, aspirent aux plus hauts sommets de la virginité » (Sermo 52)
Lecture Patristique
Saint Hilaire de Poitiers (315 – 367)
Sur la Trinité, 12, 55-56 PL 10, 469-472
Selon saint Paul, ton Esprit Saint, mon Seigneur et mon Dieu, scrute et connaît tes profondeurs (cf. 1Co 2,10). Quand il intercède pour moi, il te parle à ma place par des cris inexprimables (cf. Rm 8,26). Rien, en dehors de toi, ne scrute ton mystère. Rien qui soit étranger ou extérieur n’est assez puissant pour mesurer la profondeur de ton infinie majesté. Tout ce qui pénètre en toi est de toi; rien de ce qui est étranger à toi n’a le pouvoir de te scruter.
Que ton Esprit Saint vienne de toi par ton Fils unique, je ne le perçois pas sensiblement, mais j’en ai la conviction. Car, dans le domaine spirituel qui est le tien, mon esprit est obtus, comme l’assure ton Fils unique: Ne sois pas étonné si je t’ai dit qu’il vous faut renaître. Car le vent souffle où il veut: tu entends le bruit qu’il fait mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’eau et de l’Esprit (Jn 3,7-8).
Je crois en ma nouvelle naissance sans la comprendre, et je suis déjà certain de vérités qui m’échappent. Sans que je comprenne comment, je renais, et ma nouvelle naissance s’accomplit réellement. Rien n’empêche l’Esprit de parler quand il veut et là où il veut. Le motif de sa venue et de son départ nous reste inconnu, même si j’ai la conviction de sa présence.
Jean, ton Apôtre, nous enseigne que tout a été fait par ton Fils qui était auprès de toi au commencement, qui est Dieu et Verbe de Dieu (cf. Jn 1,1-3). Et saint Paul énumère tout ce qui a été créé en lui, au ciel et sur la terre, êtres visibles et puissances invisibles ; il souligne que tout a été créé dans le Christ et par le Christ (cf. Col 1,16-17). Quant à l’Esprit Saint, il a jugé suffisant d’affirmer qu’il est ton Esprit.
Pour moi, je penserai comme ces deux hommes (Jean et Paul) que tu as choisis, et avec eux, je ne dirai rien sur ton Fils unique qui dépasse les capacités de mon intelligence: je me contenterai de dire qu’il est né. De même, avec eux, je ne dirai rien de ton Esprit Saint qui dépasse les ressources naturelles de l’homme: je déclarerai seulement qu’il est ton Esprit. Je ne veux pas d’une vaine querelle de mots: je m’en tiens à professer fermement une foi inébranlable.
Je t’en prie, mon Dieu, conserve intacte la ferveur de ma foi, et, jusqu’à mon dernier soupir, donne-moi d’exprimer ce qui est ma conviction, de garder toujours ce que j’ai professé dans le Symbole lors de ma nouvelle naissance, quand j’ai été baptisé dans le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Accorde-moi de t’adorer, toi notre Père, et ton Fils qui ne fait qu’un avec toi; fais que je reçoive ton Esprit Saint, qui procède de toi par ton Fils unique.
J’ai, en faveur de ma foi, un témoin autorisé, celui qui déclare: Père, tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi (Jn 17,10). Ce témoin, c’est mon Seigneur Jésus Christ, lui qui demeure en toi, lui qui vient et qui est toujours auprès de toi, étant toujours Dieu, pour les siècles des siècles. Amen.