Mosaïque du Bon Pasteur à Ravenne © Wikimedia Commons / Meister des Mausoleums der Galla Placidia in Ravenna

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Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, par Mgr Francesco Follo

Il les connaît, elles le suivent

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Le bon et vrai Berger donne la vie pour ses brebis aujourd’hui et pas seulement dans un temps passé. Chaque jour dans la Messe il se donne lui-même à nous à travers nos mains.

Voici la méditation des lectures de ce IVème Dimanche de Pâques, 8 mai 2022, par Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO.

« Avec l’invitation à accueillir l’amour du Christ, le Bon Pasteur qui donne sa vie pour chacun de nous. Nous recevons la vie et nous la méritons en l’offrant ».

IVème dimanche de Pâques – Année C –  8 mai 2022

Ac 13, 14. 43-52 ; Ps 99 ; Ap 7, 9. 14b-17 ; Jn 10, 27-30

Préambule

Dans l’Évangile de Saint Jean, le Christ parle de lui-même comme le Pain de vie (chap. 6), la Lumière du monde (chap. 8) et dans le bref extrait d’aujourd’hui (chap. 10) comme le Bon et vrai Pasteur qui a trois caractéristiques : il donne sa vie pour ses brebis, les connaît et elles le connaissent, il est au service de l’unité.

Pour comprendre cette image qui était claire autrefois et qui l’est encore pour ceux qui viennent du monde rural, mais qui n’est pas si évidente aujourd’hui pour ceux qui vivent dans les zones urbaines, il est utile de rappeler qu’à l’époque de la vie terrestre du Christ, à la tombée de la nuit, les bergers conduisaient leur troupeau dans un grand enclos commun pour y passer la nuit.

Le matin, chaque berger criait un appel particulier et les brebis, reconnaissant sa voix, le suivait avec confiance en dehors de l’enclos sans jamais se tromper.

1) Le vrai berger donne sa vie.

La figure du berger et de son troupeau à laquelle Jésus se réfère, se trouve déjà dans l’Ancien Testament. Yahvé est le berger qui fait paître son troupeau (Is 40, 11) et dans le cours de l’histoire, il le confie successivement à ses serviteurs Abraham, Moise, Josué, aux Juges et aux rois d’Israël. Ces derniers cependant, n’ont pas souvent obtempéré volontiers à leur devoir et alors Ézéchiel, dans un texte qui se lisait pendant la fête de la Dédicace, prononça son fameux oracle : « Malheur aux bergers d’Israël qui se paissent eux-mêmes !… Je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin… la brebis perdue, je la ramènerai à la bergerie ; je ferai un bandage à celle qui est blessée et je soignerai celle qui est malade… Je susciterai à la tête de mon troupeau un berger unique. » (Ez 34, 1,11,16,23)

Et voilà cette prophétie qui se réalise : des siècles après, pendant la fête de la Dédicace, Jésus se définit lui-même comme le vrai bon Berger qui prend finalement soin avec amour du troupeau d’Israël. A la différence des mercenaires pour qui les brebis ne comptent pas du tout, Lui, le vrai Berger connaît bien celles qui lui appartiennent, il en prend soin avec amour et elles écoutent sa voix.

Connaître et écouter sont des verbes qui indiquent un dialogue profond, une communion dans l’existence, pas seulement dans les idées. Donc entre Jésus, le Berger, et ses disciples, les brebis que son Père lui a données, il y a une profonde communion. Jésus est le Berger parce qu’il donne (offre) sa vie pour ses brebis pour leur donner la vie éternelle et personne ne pourra les lui arracher.

Rien, ni les anges, ni les hommes, ni la vie, ni la mort, ni le présent, ni l’avenir, rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ, nous répète l’apôtre Paul (cf Rm 8, 38). La force et la consolation de cette parole absolue « rien » est tout de suite redoublée par le verbe « nous arrachera » qui n’est pas au présent mais au futur pour indiquer une histoire entière, aussi longue que le « temps » de Dieu. L’homme, chaque « brebis humaine », est pour le Christ une passion éternelle.

Pour toutes et pour chacune d’entre elles, il a « payé » de sa vie et il les maintient dans son amour qui l’a conduit comme un agneau à l’abattoir. Le Bon Berger est en même temps l’Agneau. Nous lisons ainsi en Jean 2, 36 : « Voici l’agneau de Dieu ! » ; et l’Apocalypse nous révèle ainsi : « L’Agneau sera leur berger et il les conduira vers des sources d’eaux vives » (Ap 7, 17). Jésus poursuit sa vocation de Berger qui guide et qui garde ses brebis, non de l’extérieur, mais de l’intérieur de la condition humaine faite de faiblesses et d’épreuves et symbolisée par l’agneau : lui-même l’a partagée jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur la croix. En la vivant avec amour, il en a fait jaillir une possibilité de vie et de vie pleine et éternelle.

Si l’Agneau Jésus s’identifie avec le Berger, c’est parce que personne ne peut conduire aux sources de la vie sans se faire guide du troupeau. Ce guide qui conduit les brebis aux pâturages de la vie, c’est l’Agneau qui s’est immolé parce qu’il aime personnellement chacune de ses brebis : il connaît le nom de chacune et il a soin de chacune d’entre elles.

2) Écouter et suivre celui qui nous connaît.

Dans le bref extrait de l’évangile d’aujourd’hui, l’Agneau-bon Pasteur indique deux caractéristiques de ses brebis : elles l’écoutent et elles le suivent. Si nous voulons donc être le sel et la lumière du monde, même dans un monde qui change comme on a l’habitude de dire aujourd’hui, nous ne devons pas avant tout nous épuiser en recherches et projets divers : la voix de Jésus a déjà résonné et la direction du chemin est déjà tracée. Il nous est demandé à chacun personnellement et en communion les uns les autres, d’être avant tout fidèle à sa présence que nous devons aussi apporter au monde.

Nous, les brebis du Christ, nous l’écoutons parce que seulement lui a les paroles de la vie éternelle, une vie pleine, une vie qui ne meurt pas et humblement nous le suivons parce que nous savons que nous sommes aimés de lui. Encore aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps, il se présente lui-même comme source inépuisable de vie : « Moi, je leur donne la vie éternelle. »

Entrer en relation avec lui signifie apprécier la vie dans sa plénitude : même dans la fragilité, dans le péché, dans la douleur ou dans la violence subie, il est offrande d’Amour. Lui en premier, dans sa condition humaine, a expérimenté que jusque dans la mort est présent un Amour qui redonne la Vie. Et c’est seulement Lui, le don de l’amour qui n’abandonne personne, le don de la vie qui ne meurt pas, le don de l’Amour plus fort que tout, même de la mort.

Cet amour pour être connu nous demande d’engager notre cœur. On ne connaît vraiment que ceux qu’on aime. C’est l’amour qui est capable d’aller au delà de toutes les évidences. C’est une connaissance intime de l’intérieur. C’est une connaissance de l’être. C’est une connaissance dans l’amour. Mais le bon Berger demande aussi à être écouté. Dans l’écoute on engage l’esprit, l’intelligence, la vertu d’obéissance. La vraie écoute se fait obéissance qui conduit à le suivre.

En le suivant nous engageons notre volonté qui est capable de faire avancer nos pas derrière celui que nous écoutons et que nous aimons. Et en le suivant nos pas ne vacillent pas, c’est lui qui nous conduira à de verts pâturages, même si pour cela nous devons traverser une vallée obscure…nous n’aurons pas peur parce qu’Il est avec nous. (Cf Ps 23)

Marcher derrière le Christ bon Berger a une dimension nuptiale. Le thème de l’alliance nuptiale enrichit celui du Bon berger que nous suivons en vivant avec lui une unité profonde.

Dans l’Ancien Testament (cf. Osée 1-3 ; Is 54 et 62 ; Jr 2 et 3 ; Ez 16 et 23 ; Ml 2, 13-17 ; Ruth, Tobie, Cantique des Cantiques) on trouve souvent l’image de l’alliance nuptiale pour exprimer le rapport entre Dieu et son peuple.

Même dans le Nouveau Testament, on parle de cette alliance nuptiale et le thème du Christ époux émerge surtout dans les paraboles du Royaume (cf. Mt 22, 2 ; 25, 1 ; Lc 12, 38).

Pas d’étonnement, donc, si même Saint Paul recourt à l’image des noces pour illustrer le rapport entre le Christ et la communauté chrétienne : « J’éprouve à votre égard autant de jalousie que Dieu. Je vous ai fiancés à un époux unique, pour vous présenter au Christ, comme une vierge pure. » (2 Cor 11, 2)

De cette alliance Saint Paul a mis en évidence la fidélité absolue de Dieu : « Si nous lui sommes infidèles, lui demeure fidèle. » (2 Tim 2, 13) ; « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables. » (Rm 11, 29 ; 1, 9)

Une façon spéciale et particulière de suivre le Christ Berger et Époux est celle des vierges consacrées dans le monde. Ces femmes témoignent par le don total d’elles-mêmes et par l’accueil total du Christ que l’amour nuptial entre le Christ et l’Église est reconnaissable à ce que l’Un accomplit pour l’Autre. Le Christ se donne tout entier pour elle – sa chair – en la purifiant et en la sanctifiant par le baptême et la Parole, en l’aimant comme son propre corps, en la nourrissant  (Eucharistie, banquet nuptial) et en la soignant (guidée par le Bon Berger).

A cet égard les paroles que le pape émérite leur a adressées à l’occasion du congrès de 2008 sont éclairantes. Benoît XVI, faisant référence au thème « Un don dans l’Église et pour l’Église » dit : « A la lumière de cela, je désire vous confirmer dans votre vocation et vous inviter à croître de jour en jour dans la compréhension d’un charisme si lumineux et si fécond aux yeux de la foi, si obscur et si inutile aux yeux du monde. » Et il ajouta : « Que votre vie soit un témoignage particulier de charité et un signe visible du Royaume futur. (Cf Rite de la consécration de la Vierge, 30) Faites en sorte que de votre personne irradie toujours la dignité d’être épouse du Christ, qu’elle exprime la nouveauté de l’existence chrétienne et l’attente sereine de la vie future. Ainsi, avec la rectitude de votre vie, vous pourrez être les étoiles qui orientent le chemin du monde. »

Les vierges consacrées témoignent qu’il n’y a pas deux amours, l’un divin et l’autre humain, mais seulement deux aspects du même amour. Il est donc juste d’affirmer qu’amour nuptial et amour virginal sont deux visages de l’unique amour de Jésus Christ.

Ces femmes sont épouses pour appartenir uniquement dans un pur et exclusif amour nuptial au Christ-Époux (la chasteté), pour être guidées par le Christ-Bon pasteur (l’obéissance) et pour se confier seulement au Christ-Seigneur (la pauvreté).

Lecture Patristique

Saint Clément d’Alexandrie (150 – 215)

Le Pédagogue, 9, 83,3 85,a

SC 70, 258-261

Malades, nous avons besoin du Sauveur; égarés, de celui qui nous conduira; assoiffés, de la source d’eau vive; morts, nous avons besoin de la vie; brebis, du berger; enfants, du pédagogue; et toute l’humanité a besoin de Jésus.

Si vous le voulez, nous pouvons comprendre la suprême sagesse du très saint Pasteur et Pédagogue, qui est le Tout-Puissant et le Verbe du Père, lorsqu’il emploie une allégorie et se dit le Pasteur des brebis; mais il es t aussi le Pédagogue des tout-petits.

C’est ainsi qu’il s’adresse assez longuement, par l’intermédiaire d’Ézéchiel, aux anciens, et qu’il leur donne l’exemple salutaire d’une sollicitude bien adaptée: Je soignerai celui qui est boiteux, et je guérirai celui qui est accablé; je ramènerai celui qui s’est égaré, et je les ferai paître sur ma montagne sainte (cf. Ez 34,16). Oui, Maître, donne-nous en abondance ta pâture, qui est la justice. Oui, Pédagogue, sois notre Pasteur jusqu’à ta montagne sainte, jusqu’à l’Église qui s’élève au-dessus des nuages, qui touche aux cieux! Et je serai, dit-il, leur Pasteur, et je serai près d’eux (cf. Ez 34,14). Il veut sauver ma chair en la revêtant de la tunique d’incorruptibilité et il a consacré ma peau par l’onction. Ils m’appelleront, dit-il, et je dirai: Me voici (cf. Is 58,9). Tu m’as entendu plus vite que je ne l’aurais cru, Seigneur. S’ils traversent, ils ne glisseront pas (cf. Is 43,2), dit le Seigneur. Nous ne tomberons pas dans la corruption, en effet, nous qui traversons pour aller vers l’incorruptibilité (cf. 1Co 15,42), puisqu’il nous soutiendra. Il l’a dit et il l’a voulu.

Tel est notre Pédagogue: bon avec justice. Je ne suis pas venu pour être servi, dit-il, mais pour servir (Mt 20,28). C’est pourquoi, dans l’Évangile, on nous le montre fatigué, lui qui se fatigue pour nous, et qui promet de donner sa vie en rançon pour la multitude (Mt 20,28). Il affirme que, seul, le bon Pasteur agit ainsi.

Quel magnifique donateur, qui donne pour nous ce qu’il a de plus grand: sa vie! O le bienfaiteur, l’ami des hommes, qui a voulu être leur frère plutôt que leur Seigneur! Et il a poussé la bonté jusqu’à mourir pour nous!

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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