« Jésus, le Crucifié, est ressuscité ! Il vient au milieu de ceux qui le pleurent, enfermés dans leurs maisons, remplis de peur et d’angoisse. Il vient au milieu d’eux et leur dit: « La paix soit avec vous ! » Il montre les plaies de ses mains et de ses pieds, la blessure de son flanc : ce n’est pas un fantôme, c’est lui, le même Jésus qui est mort sur la croix et qui était dans le tombeau. Devant les yeux incrédules des disciples, il répète : « La paix soit avec vous ! ». »: le pape François a introduit par ses paroles de paix, annonçant la victoire définitive du Christ sur la mort, son message de Pâques, avant la bénédiction Urbi et Orbi de midi, depuis la loggia des bénédictions de la basilique vaticane, Place Saint-Pierre, ce dimanche de Pâques, 17 avril 2022, en présence de quelque 100 000 personnes.
« Lui seul peut le faire. Lui seul a le droit aujourd’hui de nous annoncer la paix », a insisté le pape: « Permettons à la paix du Christ d’entrer dans nos vies, dans nos foyers, dans nos pays ! »
Ses paroles ont d’abord été pour l’Ukraine: « Que la paix règne pour l’Ukraine tourmentée, si durement éprouvée par la violence et la destruction de la guerre cruelle et insensée dans laquelle elle a été entraînée. Puisse une nouvelle aube d’espoir se lever bientôt sur cette terrible nuit de souffrance et de mort ! Choisissons la paix. Arrêtons de montrer nos muscles pendant que les gens souffrent. S’il vous plaît, ne nous habituons pas à la guerre, engageons-nous tous à réclamer la paix, depuis nos balcons et dans les rues ! Que ceux qui ont la responsabilité des nations écoutent le cri de paix du peuple. Qu’ils écoutent cette question inquiétante posée par des scientifiques il y a près de soixante-dix ans : « Allons-nous mettre fin à l’humanité, ou l’humanité renoncera-t-elle à la guerre ? » (Manifeste Russell-Einstein, 9 juillet 1955). »
Puis le pape a poursuivi son tour du monde de la paix: « Que la paix règne au Moyen-Orient, lacéré par des années de division et de conflit. En ce jour glorieux, demandons la paix pour Jérusalem et la paix pour ceux qui l’aiment (cf. Ps 121 [122]), chrétiens, juifs et musulmans. Puissent les Israéliens, les Palestiniens et tous les habitants de la Ville Sainte, ainsi que les pèlerins, connaître la beauté de la paix, vivre dans la fraternité et accéder librement aux Lieux Saints dans le respect mutuel des droits de chacun. »
Puis il a ajouté le nom de pays lacérés par les guerres: « Que la paix et la réconciliation règnent pour les peuples du Liban, de la Syrie et de l’Irak, et en particulier pour toutes les communautés chrétiennes vivant au Moyen-Orient. »
Le pape a cité la Libye, le Yémen, la Birmanie (le Myanmar), l’Afghanistan, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, et les inondations Afrique du Sud. Il a mentionné les peuples d’Amérique latine, le chemin de réconciliation de l’Église catholique canadienne et des peuples autochtones.
Le pape a donné la bénédiction « à la Ville et au Monde », qui confère l’indulgence plénière aux conditions prévues par l’Eglise, notamment de communion et de confession sacramentelles, même en liaison par les media.
Le pape venait de saluer la foule nombreuse en faisant le tour de la Place Saint-Pierre en voiture blanche découverte, pour la première fois depuis Pâques 2019.
Il avait auparavant présidé la messe de Pâques sur le parvis de la basilique vaticane transformé par les fleurs des Pays-Bas en jardin de la résurrection.
Samedi soir, le pape a confié la présidence de la Veillée de Pâques au cardinal Giovanni Battista Re, mais il a conféré le baptême à 7 catéchumènes et il a donné l’homélie en s’adressant à la délégation ukrainienne.
Voici la traduction officielle en français du message prononcé en italien.
AB
Message du pape François
Chers frères et sœurs, joyeuses Pâques !
Jésus, le Crucifié, est ressuscité ! Il vient au milieu de ceux qui le pleurent, enfermés dans une maison, remplis de peur et d’angoisse. Il vient au milieu d’eux et dit : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19). Il montre les plaies de ses mains et de ses pieds, la blessure de son côté : ce n’est pas un fantôme, c’est précisément Lui, le même Jésus qui est mort sur la croix et qui a été déposé dans le tombeau. Devant les regards incrédules des disciples, il répète : « La paix soit avec vous ! » (v. 21).
Nos regards sont aussi incrédules, en cette Pâques de guerre. Nous avons vu trop de sang, trop de violence. Nos cœurs se sont remplis aussi de peur et d’angoisse, tandis qu’un grand nombre de nos frères et sœurs ont dû s’enfermer pour se défendre contre les bombes. Nous avons du mal à croire que Jésus soit vraiment ressuscité, qu’il ait vraiment vaincu la mort. Serait-ce peut-être une illusion ? Un fruit de notre imagination ?
Non, ce n’est pas une illusion ! Aujourd’hui plus que jamais retentit l’annonce pascale si chère à l’Orient chrétien : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! » Aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin de Lui, au terme d’un Carême qui semble ne pas vouloir finir. Nous avons derrière nous deux ans de pandémie, qui ont laissé des traces profondes. Il était temps de sortir ensemble du tunnel, main dans la main, en rassemblant nos forces et nos ressources… Et au lieu de cela, nous démontrons qu’en nous il n’y a pas encore l’esprit de Jésus, il y a encore l’esprit de Caïn, qui regarde Abel non pas comme un frère, mais comme un rival, et pense à la façon de l’éliminer. Nous avons besoin du Crucifié Ressuscité pour croire en la victoire de l’amour, pour espérer en la réconciliation. Aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin de Lui, qu’il vienne parmi nous et nous dise encore : « La paix soit avec vous !».
Lui seul peut le faire. Lui seul a le droit de nous annoncer la paix aujourd’hui. Jésus seul, parce qu’il porte les plaies, nos plaies. Ses plaies sont deux fois les nôtres : les nôtres parce qu’elles Lui ont été faites par nous, par nos péchés, par notre dureté de cœur, par notre haine fratricide ; et les nôtres parce qu’il les porte pour nous, il ne les a pas effacées de son Corps glorieux, il a voulu les garder en lui pour toujours. Elles sont un sceau ineffaçable de son amour pour nous, une intercession perpétuelle pour que le Père céleste les voie et qu’il ait pitié de nous et du monde entier. Les plaies dans le Corps de Jésus ressuscité sont le signe de la lutte qu’il a menée et vaincue pour nous, avec les armes de l’amour, afin que nous puissions avoir la paix, être en paix, vivre en paix.
En regardant ces plaies glorieuses, nos yeux incrédules s’ouvrent, nos cœurs endurcis s’ouvrent et laissent entrer l’annonce pascale : « La paix soit avec vous ! ».
Frères et sœurs, laissons la paix du Christ entrer dans nos vies, dans nos maisons, dans nos pays !
Qu’il y ait la paix pour l’Ukraine martyrisée, si durement éprouvée par la violence et par la destruction de la guerre cruelle et insensée dans laquelle elle a été entraînée. Qu’une nouvelle aube d’espérance se lève bientôt sur cette terrible nuit de souffrance et de mort ! Que l’on choisisse la paix. Que l’on arrête de montrer les muscles pendant que les gens souffrent. S’il vous plaît, s’il vous plaît : ne nous habituons pas à la guerre, engageons-nous tous à demander la paix, depuis les balcons et dans les rues ! Paix ! Que ceux qui ont la responsabilité des Nations entendent le cri de paix des gens. Qu’ils entendent cette question inquiétante posée par les scientifiques, il y a presque soixante-dix ans : « Allons-nous mettre fin à la race humaine, ou l’humanité saura-t-elle renoncer à la guerre ? » (Manifeste Russell-Einstein, 9 juillet 1955).
Je porte dans mon cœur toutes les nombreuses victimes ukrainiennes, les millions de réfugiés et de déplacés internes, les familles divisées, les personnes âgées restées seules, les vies brisées et les villes rasées. J’ai dans les yeux le regard des enfants devenus orphelins et fuyant la guerre. En les regardant, nous ne pouvons pas ne pas entendre leur cri de douleur, avec celui des nombreux autres enfants qui souffrent dans le monde entier : ceux qui meurent de faim ou par manque de soins, ceux qui sont victimes d’abus et de violences et ceux qui ont été privés du droit de naître.
Dans la douleur de la guerre, des signes encourageants ne manquent également pas, comme les portes ouvertes de nombreuses familles et communautés qui accueillent des migrants et des réfugiés dans toute l’Europe. Que ces nombreux actes de charité deviennent une bénédiction pour nos sociétés, parfois dégradées par tant d’égoïsme et d’individualisme, et qu’ils contribuent à les rendre accueillantes pour tous.
Que le conflit en Europe nous rende également plus attentifs face à d’autres situations de tension, de souffrance et de douleur, qui affectent trop de régions du monde et que nous ne pouvons, ni ne voulons oublier.
Qu’il y ait la paix pour le Moyen-Orient, déchiré par des années de divisions et de conflits. En ce jour glorieux, demandons la paix pour Jérusalem et la paix pour ceux qui l’aiment (cf. Ps 121 [122]), chrétiens, juifs et musulmans. Puissent Israéliens, Palestiniens et tous les habitants de la Ville Sainte, avec les pèlerins, faire l’expérience de la beauté de la paix, vivre en fraternité et accéder avec liberté aux Lieux Saints dans le respect réciproque des droits de chacun.
Qu’il y ait la paix et la réconciliation pour les peuples du Liban, de la Syrie et de l’Irak, et en particulier pour toutes les communautés chrétiennes qui vivent au Moyen-Orient.
Qu’il y ait la paix aussi pour la Libye, afin qu’elle trouve la stabilité après des années de tensions, et pour le Yémen, qui souffre d’un conflit oublié par tous, avec sans cesse de nouvelles victimes : que la trêve signée ces derniers jours puisse redonner espoir à la population.
Demandons au Seigneur ressuscité le don de la réconciliation pour le Myanmar, où perdure un scénario dramatique de haine et de violence, et pour l’Afghanistan, où les dangereuses tensions sociales ne s’apaisent pas et, où une crise humanitaire dramatique est en train de martyriser la population.
Qu’il y ait la paix pour tout le continent africain, afin que cessent l’exploitation dont elle est victime et l’hémorragie causée par les attaques terroristes – en particulier dans la zone du Sahel – et qu’elle rencontre un soutien concret dans la fraternité des peuples. Que l’Éthiopie, frappée par une grave crise humanitaire, retrouve la voie du dialogue et de la réconciliation, et que cessent les violences en République démocratique du Congo. Que la prière et la solidarité de manquent pas pour les populations d’Afrique du Sud orientale, touchées par des inondations dévastatrices.
Que le Christ ressuscité accompagne et assiste les populations d’Amérique latine, qui dans certains cas ont vu empirer, en ces temps difficiles de pandémie, leurs conditions sociales, exacerbées également par des cas de criminalité, de violence, de corruption et de trafic de drogue.
Demandons au Seigneur ressuscité d’accompagner le chemin de réconciliation que l’Église catholique du Canada réalise avec les Peuples autochtones. Que l’Esprit du Christ ressuscité guérisse les blessures du passé et dispose les cœurs à la recherche de la vérité et de la fraternité.
Chers frères et sœurs, chaque guerre porte en elle des séquelles qui impliquent toute l’humanité : des deuils au drame des réfugiés, à la crise économique et alimentaire dont on voit déjà les signes avant-coureurs. Face aux signes persistants de la guerre, comme aux nombreuses et douloureuses défaites de la vie, le Christ, vainqueur du péché, de la peur et de la mort, exhorte à ne pas s’abandonner au mal et à la violence. Frères et sœurs, laissons-nous vaincre par la paix du Christ ! La paix est possible, la paix est un devoir, la paix est la responsabilité première de tous !