Messe des Rameaux, 14 avril 2019 © Vatican Media

Messe des Rameaux, 14 avril 2019 © Vatican Media

« Elevons les cœurs et pas seulement les rameaux », par Mgr Follo

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« La mort du Christ, remplie d’une douceur inattendue »

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Avec l’invitation à vivre le dimanche des Rameaux comme un accueil du Christ qui entre dans notre vie avec la richesse de son pardon.

 

 

Les Rameaux et la Croix

 

1) Elevons les cœurs et pas seulement les rameaux.

Ce dimanche, appelé dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, nous entrons dans la Semaine Sainte et Grande, où la liturgie nous fera revivre le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du notre Seigneur Jésus Christ. C’est une semaine sainte et tragique, mais également la semaine de la victoire et du triomphe, non seulement parce que le Christ y entre en triomphateur accueilli par le peuple, mais surtout parce qu’il en sort victorieux : ressuscité. L’amour triomphe, gagne, et ce non « malgré » la croix mais « à travers » (grâce à) la croix.

« Ce qui fait croire est la croix, mais ce en quoi nous croyons est la victoire de la croix, la victoire de la vie » (Pascal). « La croix est l’image plus pure et plus haute que Dieu a donné de lui-même. Pour savoir qui est Dieu, je dois m’agenouiller aux pieds de la croix » (Karl Rahner).

La Croix est au centre de la liturgie d’aujourd’hui et, en y participant, nous montrons que nous n’avons pas honte de la Croix du Christ , nous ne la craignons pas. Bien au contraire nous l’aimons et la vénérons, parce qu’elle est signe de réconciliation, signe de l’amour, qui est plus fort que la mort : elle est le signe du Rédempteur mort et ressuscité pour nous. Celui qui croit en Jésus crucifié et ressuscité porte la croix comme preuve indubitable que Dieu est amour. Avec le don total de soi, donc avec la Croix, notre Sauveur a vaincu définitivement le péché et la mort. Pour cette raison, accueillons le Rédempteur dans la joie, « marchons, nous aussi, avec celui qui va vers sa passion et imitons ceux qui allaient à la rencontre en fête. Non pas pour étendre devant lui, le long de son chemin, des rameaux d’olivier ou de palme, des tapis ou autre chose du même genre, mais pour étendre humblement et avec une humble prostration nos personnes » (Saint André de Crète).

Donc, comme la foule en fête d’il y a un peu moins de 2000 ans, accueillons aujourd’hui Jésus qui entre à Jérusalem et, en disciples, accompagnons-le dans sa Pâque en priant : « Dieu, Tout-puissant et Eternel, qui, pour donner aux hommes un exemple d’humilité, tu as voulu que notre Sauveur subisse la mort sur la croix, accorde-nous dans ta bonté, de faire nôtre l’enseignement de sa passion et de participer à sa résurrection ».

2) La passion selon Saint-Luc  et les autres Evangélistes.

Pour nous aider à s’approprier l’enseignement de la passion du Christ, la liturgie d’aujourd’hui nous présente l’histoire de la passion selon Saint-Luc, qui la raconte en faisant émerger la miséricorde divine. A ce propos il est utile de rappeler que chaque évangéliste (Marc, Mathieu, Luc et Jean) rédige son évangile selon son propre point de vue théologique et catéchétique.

Selon Saint -Marc, Jésus est le serviteur souffrant qui meurt pour tous, il est l’abandonné. Le Christ abandonné est le grain semé qui, en mourant, porte beaucoup de fruits. Le cri d’abandon : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » (Mc 15,34), n’est pas un cri de désespoir. En fait, l’abandon par le Père devient immédiatement un abandon au Père, et cet abandon total permet la réconciliation universelle, à partir du moment où le bon larron est ramené « chez lui », à la maison : au paradis ; depuis Jean à qui une mère est donnée, jusqu’à la Mère à qui un fils nouveau est donné. Cela arrive grâce au fait que Jésus remet son âme au Père dans un geste d’abandon total et de confiance amoureuse. De cette façon, comme il l’avait promis, de la Croix le Rédempteur attire tous à lui, à lui et à son Père dans une profonde communion qui est consommée (portée à plénitude) dans l’immolation à Dieu le Père.

En ce qui concerne l’évangile selon Saint Mathieu, nous voyons que l’Apôtre et Evangéliste répond principalement à cette question : « qui est coupable de la mort de Jésus ? ».

Selon Saint-Mathieu, tous contribuent à la mort du Seigneur. Tous participent à ce drame : directement ou indirectement ; en agissant et en n’agissant pas. Mais il y a surtout un passage de la passion racontée par cet Apôtre qu’il me semble très important de mettre en évidence. Il s’agit de celui dans lequel Saint Mathieu raconte ce qui arrive juste après la mort de Jésus (27,51-53). Après la narration de cette mort, il y a une série d’expressions qui appartiennent seulement à cet évangéliste : 51 Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux (cela, on le trouve aussi chez Saint Marc, mais les locutions propres à Mathieu viennent ensuite), de haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens ». Quel message veut faire passer Saint Mathieu ? Il veut dire que, grâce à la mort de Jésus, la domination et le pouvoir de la mort sont écrasés. Pour l’évangéliste Mathieu, la mort de Jésus est surtout la bonne et joyeuse nouvelle (= Évangile) que le pouvoir du péché et de la mort, jusqu’ à ce moment, dévastateur et total, est vaincu. Il est donc possible de vivre une histoire différente, une histoire de salut. Cette possibilité nous est donnée aujourd’hui. L’important est de ne pas fuir loin du Christ, mais de rester à ses côtés, en veillant avec lui et en priant le Père avec lui. De cette façon, nous achevons l’exode, le chemin guidé par le Christ, le Moïse neuf et vrai, qui nous conduit à la vie pour toujours.

Pour saint Jean, Jésus est l’homme conscient  et qui va volontairement  à la rencontre de son destin. Même s’il est exécuté, il est, Lui, le vrai roi. Il est souverain de lui-même et lance un défi : « J’offre ma vie pour la reprendre à nouveau. Personne ne peux me l’enlever » (Jn 10,17-18). Synthétiquement, selon Saint Jean, pour Jésus la croix n’est pas un extrême abaissement mais une « élévation ». En effet, le verbe grec utilisé par l’Apôtre  (« upsozènai ») exprime l’élévation d’un roi au trône. L’élévation de Jésus sur la croix est donc une exaltation royale dans laquelle, tandis que le roi élevé au trône domine avec le contraint, Jésus-Roi domine avec la douceur en attirant : « Moi, quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32). La condamnation à mort par la crucifixion de Jésus n’a pas été un hasard, un accident. Le Christ lui-même a voulu offrir sa vie ainsi, être le dernier des derniers, partager la condition des plus défavorisés, méprisés et malheureux : les esclaves, non considérés comme des hommes.

Enfin, la Croix est la révélation suprême de l’amour du Père. Ceci explique la complète liberté de Jésus et sa parfaite conscience. Le Christ remplit l’œuvre du salut non pas comme une victime résignée et impuissante mais comme celui qui connaît le sens des évènements et les accepte librement. Ceci est le sommet de l’amour et le modèle de chaque vrai amour : le don complet de soi-même.

Analysons  maintenant, rapidement, l’histoire de la passion qui nous est proposée cette année. Saint Luc montre Jésus, surtout, comme celui qui pardonne à tous et est miséricordieux avec tout le monde.

Cet évangéliste présente, sinon d’une manière complètement positive, du moins d’une manière miséricordieuse, les différents  personnages : les disciples sont restés fidèles à Jésus dans les épreuves (Lc 22,28);  dans le Gethsémani, ils s’endorment une seule fois et non trois fois (Id 22,39-46) et c’est un sommeil de tristesse ; les ennemis ne présentent pas de faux témoins comme dans les autres évangiles (Id 22,66-70) ; Pilate tente de le libérer  trois fois parce qu’il est innocent (Id 23,13-25); le peuple souffre pour ce qui arrive (Id 23,27) et même un des deux larrons à côté du Christ est bon (Id 23,39-43).

Dans le récit de Saint Luc, Jésus se préoccupe de tous : il guérit l’oreille du serviteur pendant l’arrestation (Id 22,50-51), il se préoccupe du sort des femmes pendant qu’il monte sur le Calvaire (Id 23,28-31), pardonne à ceux qui le flagellent et le mettent sur la croix (Id 23,34), et promet le paradis au larron repenti (Id 23,43). Le Rédempteur en Saint Luc est celui qui comprend ses ennemis : ils agissent de cette façon parce qu’ils vivent dans le noir et dans les ténèbres, sinon ils ne pourraient pas agir de façon aussi criminelle. Avec ce regard de miséricorde le Christ prie sur la croix : « Père, pardonne-les parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » (Id 22,34).

En voulant mettre en évidence la miséricorde divine, Saint Luc raconte la passion du Christ comme l’histoire de la conversion. C’est la conversion du Seigneur, qui se retourne et regarde Pierre, et Pierre se sent alors pénétré d’un regard de pardon, grâce auquel il se souvint et pleura : ces larmes de douleur montrent la conversion du premier des apôtres. Regardons le Christ, et laissons-nous regardés par lui, comme Pierre a fait. Alors, la Croix que nous contemplons dès ce début de la Semaine Sainte sera source de conversion et de vie nouvelle, donnée par la miséricorde.

Mais dès le début de l’évangile de Luc, nous pouvons voir la miséricorde en action. En Jésus Christ la miséricorde de Dieu s’étend de génération en génération à tous ceux qui le craignent, selon le Magnificat de la Vierge Marie. En rendant visite à Marie, Dieu c’est rappelé de sa miséricorde, comme il l‘avait promis. En Marie la miséricorde mit sa tente messianique, répondant à l’attente de tous les pauvres d’Israel, les anawim, dont nous sommes les descendants spirituelles, et comme eux nous sommes appelés à nous abandonner à l’alliance miséricordieuse.

A la fin de l’évangile de Saint Luc nous contemplons encore la miséricorde en action et tout devient miracle.  L’oreille est rattachée au serviteur, Pierre pleure pour sa trahison, Jésus est reconnu  « juste » par Ponce Pilate, le procurateur païen, les femmes sont consolées, le larron pendu à la croix est pardonné et la foule rentre à la maison en se frappant la poitrine.

3) La mort du Christ est remplie d’une douceur inattendue.

L’important c’est qu’en assistant au spectacle dramatique de la passion du Fils de Dieu qui meurt sur la croix pout et par amour, nous reconnaissons l’Amour Aimé qui se donne et pardonne.

En cela, les vierges consacrées dans le monde nous donnent un vrai témoignage. Leur vocation est de ne pas détourner le regard de leur Epoux sur la croix, de rester avec Marie, la Mère Vierge, aux côtés du Christ, là et partout où il souffre encore aujourd’hui, et meurt. Ces femmes ont choisi de vivre dans la recherche du visage du Christ, dans l’écoute de sa voix, dans l’accomplissement de sa volonté, pour être fécondes grâce au don de l’esprit et générer l’éternelle Parole dans le cœur. Cachée dans le Christ, leur vie est consacrée pour être une louange constante de la gloire divine, une  voix suppliante pour les nécessités des frères, don offert pour toute l’Eglise.

Le jour de leur consécration, en recevant le crucifix, chacune d’entre elles a dit :  « Avec joie je reçois ce signe : sur la croix le Seigneur m’a aimé et a donné sa vie pour moi ». Le jour des Rameaux et pendant la Semaine Sainte, elles nous invitent à nous unir à elles dans cette acceptation du Christ et de sa Croix pour la porter dans le monde comme un signe de l’Amour de Jésus pour l’humanité.

Lecture Patristique

Saint Cyrille d’Alexandrie (+ 444)

Commentaire du livre d’Isaïe, 4, 2 (PG 70, 967-970)

Voici qu’un roi régnera selon la justice, et les chefs gouverneront selon le droit (cf. Is 32,1). Le Verbe, Fils unique de Dieu, a toujours été, avec le Père, le roi de l’univers, et il a mis sous ses pieds toutes les créatures, visibles et invisibles. Mais si un habitant de la terre se dérobait à sa royauté, s’y soustrayait et méprisait son sceptre parce qu’il serait tombé au pouvoir du démon et serait retenu dans les filets du péché, alors ce ministre et ce dispensateur de toute justice le ramènerait sous son joug, car tous ses chemins sont droits.

 

Ce que nous appelons ses chemins, ce sont les préceptes de l’Évangile grâce auxquels, en recherchant toutes les vertus, en ornant notre tête des joyaux de la piété, nous obtenons la palme de notre vocation céleste. Oui, ces chemins sont droits, il n’y a rien en eux d’oblique ou de tortueux, mais ils sont directs et d’accès facile. Car il est écrit: Le sentier du juste, c’est la droiture, et son chemin a été bien dégagé (cf. Is 26,7). Car si le chemin de la Loi est rude, s’il oblige à traverser quantité de types et de figures, et s’il est d’une difficulté insurmontable, le chemin des préceptes évangéliques est uni et ne présente absolument rien de rocailleux. Donc les chemins du Christ sont droits, et lui-même a construit la cité sainte, l’Église où lui-même habite. En effet, il demeure dans ses saints et nous sommes devenus les temples du Dieu vivant, parce que nous avons le Christ en nous-mêmes, par notre participation à l’Esprit Saint.

 

Le Christ a donc fondé l’Église, et il est lui-même la pierre de fondation sur laquelle, comme des pierres de grand prix, nous sommes assemblés pour édifier un temple saint, la demeure de Dieu dans l’Esprit. L’Église est absolument indestructible, elle qui a le Christ pour assise et pour base inébranlable. Voici, dit-il, que je pose en Sion une pierre angulaire, une pierre choisie et de grande valeur; celui qui lui donne sa foi ne connaîtra pas la honte (1P 2,6). Quand il a fondé l’Église, le Christ a délivré son peuple de la captivité. En effet, nous qui étions, sur la terre, opprimés par la tyrannie de Satan et du péché, il nous a sauvés et délivrés, il nous a soumis à son propre joug, sans verser ni rançon, ni gratification. Comme le dit son disciple Pierre: Ce qui vous a libérés de la vie sans but que vous meniez à la suite de vos pères, ce n’est pas l’or ni l’argent, car ils seront détruits: c’est le sang précieux du Christ, l’Agneau sans défaut et sans tache (1P 1,18-19). Car il a donné pour nous son propre sang, si bien que nous n’appartenons plus à nous-mêmes, mais à celui qui nous a rachetés et sauvés.

 

Donc, en bonne justice, ceux qui transgressent la juste règle de la vraie foi sont accusés par la voix des saints de renier le Seigneur qui nous a rachetés.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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