Sanctuaire marial de Ta' Pinu (Gozo, Malte) © Vatican Media

Sanctuaire marial de Ta' Pinu (Gozo, Malte) © Vatican Media

« Vous êtes un trésor dans l’Église et pour l’Église » (traduction complète)

Message depusi le sanctuaire de Ta’ Pinu, à Gozo

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« La joie de l’Eglise c’est évangéliser » a répété deux fois le pape François en s’adressant à al foule présente sur le parvis du sanctuaire marial de Ta’ Pinu, sur l’île de Gozo dont le nom signifie aussi « joie » en italien.

Il y a une autre phrase que le pape a répétée aussi deux fois devant quelque 3 000 personnes: « Vous êtes un trésor dans l’Église et pour l’Église. »

Le pape a fait la traversée – une heure 10 – du grand port de La Valette en catamaran jusqu’au port de Mgarr, sur cette île du Nord-Ouest de Malte, ce samedi 2 avril. Le pape s’est rendu, d’abord en voiture fermée, puis en papamobile au sanctuaire qui se trouve en dehors de la ville à une dizaine de kilomètres.

Quatre témoignages

Le pape Jean-Paul II, dont c’est l’anniversaire de la mort, y a célébré la messe le 26 mai 1990 – le pape François a évoqué cette visite. Et, en 2010, le pape Benoît XVI y a offert à la Vierge une rose d’or, cadeau réservé aux pontifes romains.

Le pape a d’abord prié la Vierge en silence dans la chapelle de la Vierge Marie, puis il a prié à voix haute les trois Ave Maria, prière qui caractérise le sanctuaire, en remettant à son tour à la Vierge une rose d’or.

Sur le parvis du sanctuaire, le pape, accueilli par les paroles de l’évêque, Mgr Gregory Teumi, a ensuite écouté le témoignage de Sandi, qui souffre de sclérose en plaque et a souffert du covid, et celui de son mari Domenico. Elle était aussi accompagnée de leur fille Nicole, du mari de celle-ci, et de leur petite fille, Thea. Le pape les a remerciés de leur témoignage de persévérance.

Jennifer Cauchi a ensuite témoigné de la façon dont la Vierge Marie l’a comme attirée dans ce sanctuaire qu’elle ne cesse de fréquenter depuis.

Francesco Pio Attard a ensuite déclaré: « Plus que jamais, notre Eglise est appelée à être prophétique, à offrir une alternative à l’indifférence, à être la compagne des cœurs blessés, à donner une réponse aux questions sur la vie et la mort… »

« Un trésor dans l’Eglise et pour l’Eglise »

« Vous êtes un trésor dans l’Église et pour l’Église », leur a répondu le pape François, interrompu par les applaudissements, alors il a insisté: « Je le redis à voix haute : vous êtes un trésor dans l’Eglise et pour l’Eglise. » Et les applaudissements ont repris.

Mais le pape a averti: « Pour le préserver, il convient de revenir à l’essence du christianisme : l’amour de Dieu, moteur de notre joie, qui nous fait sortir et parcourir les routes du monde ; et l’accueil du prochain, qui est notre plus simple et plus beau témoignage dans le monde, et avancer ainsi, en parcourant les routes du monde, car la joie de l’Eglise c’est évangéliser. »

Une seule famille

Le pape commentait l’Evangile de Jean qui rapporte les paroles du Christ en croix à sa Mère et à S. Jean: « Femme voici ton fils! » « Voici ta Mère ». Le pape a expliqué: Combien il est important dans l’Église de s’aimer les uns les autres et d’accueillir son prochain ! Le Seigneur nous le rappelle à l’heure de la Croix, dans l’accueil mutuel de Marie et de Jean, exhortant la communauté chrétienne à ne pas perdre cette priorité. »

Il a précisé: « Nous sommes sauvés par le même sang, nous sommes une seule famille, alors accueillons-nous les uns les autres, aimons-nous et soignons les blessures des uns et des autres. Faisons « synode », « marchons ensemble ». Dieu est présent là où règne l’amour ! »

Le pape a exhorté à vivre l’Evangile tout court: « C’est l’Evangile que nous sommes appelés à vivre : accueillir, être experts en humanité, allumer des feux de tendresse quand le froid de la vie plane sur ceux qui souffrent. »

Seconde traversée

Après la prière du Notre Père et la bénédiction finale, le pape a salué des personnes du diocèse et il est reparti pour le port de Mgarr d’où il est parti en ferry pour le port de Cirkewwa, soit une traversée de 20 minutes. Il a ensuite parcouru quelque 21 kilomètres jusqu’à la nonciature apostolique. Il y était attendu à 20h, mais le programme, malgré la vigilance de l’organisateur des voyages pontificaux, Mgr George Jacob Koovakad, avait pris une heure de retard.

Dimanche matin, le pape y rencontrera les jésuites, avant de se rendre à la grotte de S. Paul, puis d’aller présider la messe à Floriana. Dans l’après midi, il rencontrera des migrants.

Voici la traduction officielle de l’allocution du pape François prononcée en italien.

AB

Sanctuaire marial de Ta' Pinu (Gozo, Malte) © Vatican Media

Sanctuaire marial de Ta’ Pinu (Gozo, Malte) © Vatican Media

Prière au sanctuaire marial de Ta’ Pinu, île de Gozo

Homélie du pape François

Samedi 2 avril 2022

Près de la croix de Jésus se trouvent Marie et Jean. La Mère qui donné le jour le Fils de Dieu pleure sa mort alors que les ténèbres enveloppent le monde. Le disciple bien-aimé, qui avait tout quitté pour le suivre, est maintenant aux pieds du Maître crucifié. Tout semble perdu, tout semble fini pour toujours. Et alors qu’il prend sur lui les plaies de l’humanité, Jésus prie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46 ; Mc 15, 34). Cette prière est aussi la nôtre dans les moments de la vie marqués par la souffrance. C’est la prière qui, chaque jour, monte de vos cœurs vers Dieu, Sandi et Domenico : merci pour la persévérance de votre amour et merci pour votre témoignage de foi !

Et pourtant, l’heure de Jésus – qui, dans l’Évangile de Jean, est l’heure de sa mort sur la Croix – n’est pas la fin de l’histoire, mais elle marque le début d’une vie nouvelle. Car sur la croix, nous contemplons l’amour miséricordieux du Christ qui nous ouvre grand les bras et, par sa mort, nous ouvre à la joie de la vie éternelle. À l’heure dernière, une vie s’entrouvre. En cette heure de la mort, une autre heure apparait, pleine de vie : c’est le temps de l’Église qui naît. À partir de cette cellule originelle, le Seigneur rassemblera un peuple qui continuera à parcourir les chemins accidentés de l’histoire, portant dans son cœur la consolation de l’Esprit avec laquelle il essuiera les larmes de l’humanité.

Frères et sœurs, en ce sanctuaire de Ta’ Pinu, nous pouvons méditer sur le nouveau départ qui jaillit de l’heure de Jésus. Avant le splendide édifice que nous voyons aujourd’hui, il n’y avait en ce lieu qu’une petite chapelle abandonnée. La démolition en avait été ordonnée : tout semblait fini. Mais une série d’événements a changé le cours des choses, comme si le Seigneur voulait dire à cette population : « On ne te dira plus : “Délaissée !” À ton pays, nul ne dira : “Désolation !“ Toi, tu seras appelée “Ma Préférence“, cette terre se nommera “L’Épousée“. » (Is 62, 4). Cette petite église est devenue le sanctuaire national, une destination pour les pèlerins et une source de vie nouvelle. Tu nous l’as rappelé, Jennifer : beaucoup de gens confient ici leurs souffrances et leurs joies à la Vierge, et tous se sentent accueillis. Saint Jean-Paul II dont c’est aujourd’hui l’anniversaire de la mort, est venu ici en pèlerin. Un lieu qui semblait perdu et qui régénère aujourd’hui la foi et l’espérance du peuple de Dieu.

À cette lumière, essayons de saisir aussi pour nous l’invitation de l’heure de Jésus, de cette heure du salut. Il nous dit que, pour renouveler notre foi et la mission de la communauté, nous sommes appelés à retourner à ce commencement, à l’Église naissante que nous voyons près de la croix en Marie et Jean. Mais que signifie retourner à ce commencement ? Que signifie le retour aux origines ?

Tout d’abord, il s’agit de redécouvrir l’essentiel de la foi. Revenir à l’Église des origines ne signifie pas regarder en arrière pour copier le modèle ecclésial de la première communauté chrétienne. Nous ne pouvons pas « enjamber l’histoire », comme si le Seigneur n’avait pas également parlé et accompli de grandes choses dans la vie de l’Église au cours des siècles successifs. Il ne s’agit pas non plus d’être trop idéaliste, en imaginant qu’il n’y avait pas de difficultés dans cette communauté. Au contraire, nous lisons que les disciples discutaient et en arrivaient même à se quereller ; et qu’ils ne comprenaient pas toujours les enseignements du Seigneur. Revenir aux origines signifie plutôt retrouver l’esprit de la première communauté chrétienne, c’est-à-dire revenir au cœur et redécouvrir le centre de la foi : la relation avec Jésus et l’annonce de son Évangile au monde entier. Voilà l’essentiel ! Voilà la joie de l’Eglise : évangéliser.

Nous voyons, en effet, qu’après l’heure de la mort de Jésus, les premiers disciples, comme Marie-Madeleine et Jean, à la vue du tombeau vide, courent, sans perdre de temps, le cœur inquiet, pour annoncer la bonne nouvelle de la Résurrection. Le cri de douleur de la croix se transforme en joie de l’annonce. Et je pense aussi aux Apôtres dont il est écrit : « Tous les jours, au Temple et dans leurs maisons, sans cesse, ils enseignaient et annonçaient la Bonne Nouvelle : le Christ, c’est Jésus » (Ac 5, 42). La principale préoccupation des disciples de Jésus n’était pas le prestige de la communauté et de ses ministres, ce n’était pas l’influence sociale, ce n’était pas le raffinement du culte. Non. La préoccupation qui les animait était la proclamation et le témoignage de l’Évangile du Christ (cf. Rm 1, 1), car la joie de l’Eglise c’est évangéliser.

Frères et sœurs, l’Église maltaise peut se prévaloir d’une histoire précieuse dans laquelle elle peut puiser de nombreuses richesses spirituelles et pastorales. Cependant, la vie de l’Église – rappelons-le toujours – n’est jamais seulement « une histoire passée à se rappeler », mais un « vaste avenir à construire », dociles aux projets de Dieu. Il ne suffit pas d’avoir une foi faite de coutumes transmises, de célébrations solennelles, de belles festivités populaires, de moments forts et émouvants ; nous avons besoin d’une foi qui se fonde et se renouvelle dans la rencontre personnelle avec le Christ, dans l’écoute quotidienne de sa Parole, dans la participation active à la vie de l’Église, dans l’âme de la piété populaire.

La crise de la foi, l’apathie de la pratique religieuse, surtout dans la période post-pandémique, et l’indifférence de tant de jeunes à la présence de Dieu, ne sont pas des questions que nous devons « édulcorer » en pensant que, somme toute, un certain esprit religieux résiste encore. Parfois, en effet, l’échafaudage peut être religieux, mais derrière ce vêtement, la foi vieillit. L’élégante garde-robe des ornements religieux, en effet, ne correspond pas toujours à une foi vivante animée par le dynamisme de l’évangélisation. Il faut veiller à ce que les pratiques religieuses ne se réduisent pas à la répétition d’un répertoire du passé, mais expriment une foi vivante, ouverte, répandant la joie de l’Évangile, car la joie de l’Eglise c’est évangéliser.

Je sais qu’à travers le Synode, vous avez entamé un processus de renouvellement, et je vous remercie pour ce cheminement. Frères et sœurs, l’heure est venue de revenir à ce commencement, sous la croix, en regardant vers la première communauté chrétienne. Être une Église qui a au cœur l’amitié avec Jésus et l’annonce de son Évangile, et non pas la recherche d’espaces et d’attentions ; une Église qui met au centre le témoignage et non pas quelque tradition religieuse ; une Église qui veut aller à la rencontre de tous avec la lampe allumée de l’Évangile et non pas constituer un cercle fermé. N’ayez pas peur de vous engager, comme vous le faites déjà, sur des chemins nouveaux, voire risqués, d’évangélisation et d’annonce qui touchent à la vie, car la joie de l’Eglise c’est évangéliser.

Regardons à nouveau vers les origines, vers Marie et Jean au pied de la croix. Aux sources de l’Église, il y a leur acte mutuel de confiance. Le Seigneur, en effet, confie chacun aux soins de l’autre : Jean à Marie et Marie à Jean, de sorte que « à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui » (Jn 19, 27). Revenir au commencement, c’est aussi développer l’art de l’accueil. Parmi les dernières paroles de Jésus sur la croix, celles adressées à sa Mère et à Jean nous exhortent à faire de l’accueil le style pérenne de la vie de disciple. Il ne s’agit pas, en effet, d’un simple geste de piété filiale, par lequel Jésus confierait sa mère à Jean pour qu’elle ne soit pas seule après sa mort, mais d’une indication concrète de la manière de vivre le commandement suprême, celui de l’amour. Le culte rendu à Dieu passe par la proximité au frère.

Et combien sont importants dans l’Église l’amour entre frères et l’accueil du prochain ! Le Seigneur nous le rappelle à l’heure de la croix, dans l’accueil mutuel de Marie et de Jean, exhortant la communauté chrétienne de tous les temps à ne pas perdre cette priorité : « Voici ton fils », « Voici ta mère » (vv. 26.27). C’est comme dire : vous êtes sauvés par le même sang, vous êtes une seule famille, alors accueillez-vous les uns les autres, aimez-vous les uns les autres, soignez les blessures les uns des autres. Sans soupçons, sans divisions, rumeurs, ragots ni méfiances. Frères et sœurs, faites « synode », c’est-à-dire « marchez ensemble ». Car Dieu est présent là où règne l’amour !

Chers amis, l’accueil réciproque, non pas comme une simple formalité mais au nom du Christ, est un défi permanent. C’est avant tout un défi pour nos relations ecclésiales, car notre mission porte du fruit si nous travaillons dans l’amitié et la communion fraternelle. Vous êtes deux belles communautés, Malte et Gozo, Gozo et Malte – je ne sais pas laquelle est la plus importante ou laquelle est la première – , comme Marie et Jean étaient deux ! Que les paroles de Jésus sur la croix soient votre étoile polaire, pour vous accueillir les uns les autres, créer une familiarité, travailler en communion ! Et toujours en avant dans l’évangélisation, car la joie de l’Eglise c’est évangéliser.

Mais l’accueil est aussi le test décisif pour vérifier dans quelle mesure l’Église est effectivement imprégnée de l’esprit de l’Évangile. Marie et Jean s’accueillent non pas à l’abri chaleureux du Cénacle, mais près de la croix, en ce lieu obscur où étaient condamnés et crucifiés les malfaiteurs. Nous non plus, nous ne pouvons pas nous accueillir seulement entre nous, à l’ombre de nos belles églises alors qu’à l’extérieur tant de frères et sœurs souffrent et sont crucifiés par la douleur, la misère, la pauvreté et la violence. Vous êtes dans une position géographique cruciale, face à la Méditerranée, pôle d’attraction et port de salut pour tant de personnes ballottées par les tempêtes de la vie qui, pour des raisons diverses, arrivent sur vos côtes. Dans le visage de ces pauvres gens, c’est le Christ lui-même qui se présente à vous. C’est ce qu’a vécu l’apôtre Paul qui, après un terrible naufrage, a été chaleureusement accueilli par vos ancêtres. Les Actes des Apôtres disent : « Les indigènes nous ont traités avec une humanité peu ordinaire. Ils avaient allumé un grand feu, et ils nous ont tous pris avec eux car la pluie s’était mise à tomber et il faisait froid » (Ac 28, 2).

Voilà l’Évangile que nous sommes appelés à vivre : accueillir, être experts en humanité, allumer des feux de tendresse quand le froid de la vie pèse sur ceux qui souffrent. Et là encore, quelque chose d’important nait d’une expérience dramatique. Paul a proclamé et répandu l’Évangile, puis de nombreux hérauts, prédicateurs, prêtres et missionnaires ont suivi ses traces, poussés par l’Esprit Saint, pour évangéliser, pour porter la joie de l’Eglise qui est évangéliser. Je voudrais leur dire un merci particulier, à ces évangélisateurs, aux nombreux missionnaires maltais qui répandent la joie de l’Évangile dans le monde entier, aux nombreux prêtres, aux religieux et religieuses et à vous tous. Comme l’a dit votre évêque, Mgr Teuma, vous êtes une petite île, mais au grand cœur. Vous êtes un trésor dans l’Église et pour l’Église. Je le dis à voix haute : vous êtes un trésor dans l’Eglise et pour l’Eglise. Pour le préserver, il convient de revenir à l’essence du christianisme : l’amour de Dieu, moteur de notre joie, qui nous fait sortir et parcourir les routes du monde ; et l’accueil du prochain, qui est notre plus simple et plus beau témoignage dans le monde, et avancer ainsi, en parcourant les routes du monde, car la joie de l’Eglise c’est évangéliser.

Que le Seigneur vous accompagne sur ce chemin et que la Sainte Vierge vous guide. Qu’elle ravive en nous, ses enfants, elle qui demanda de prier trois « Ave Maria » pour qu’on se rappelle de son cœur maternel, le feu de la mission et le désir de prendre soin les uns des autres.

Que la Vierge vous garde et vous accompagne dans l’évangélisation.

© Librairie éditrice du Vatican

Sanctuaire marial de Ta' Pinu (Gozo, Malte) © Vatican Media

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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