Icône de S. Irénée © courtoisie du p. Claude Robinet SJ

Icône de S. Irénée © courtoisie du p. Claude Robinet SJ

Saint Irénée de Lyon déclaré « Docteur de l’Eglise »

Avec le titre de « docteur de l’unité »

Share this Entry

Saint Irénée de Lyon, évêque et martyr, a été proclamé « Docteur de l’Eglise » par le pape François par un décret de ce vendredi 21 janvier 2022, publié en italien par le Saint-Siège.

Le pape lui confère le titre de « docteur de l’unité, en pleine semaine de prière pour l’unité des chrétiens et alors que des protestants de France se sont joints aux évêques et organismes catholiques ayant demandé au pape cette proclamation.

Le pape François avait annoncé lui-même, le 7 octobre 2021, qu’il nommerait « sous peu » Irénée de Lyon (v.120-208) docteur de l’Église, avec le titre de « docteur de l’unité ».

Le décret dit ceci: « Saint Irénée de Lyon, venu d’Orient, a exercé son ministère épiscopal en Occident : il a été un pont spirituel et théologique entre les chrétiens d’Orient et d’Occident. Son nom, Irénée, exprime cette paix qui vient du Seigneur et qui réconcilie, réintègre dans l’unité. Pour ces raisons, après avoir reçu l’avis de la Congrégation pour les Causes des Saints, avec mon Autorité Apostolique,

JE le DÉCLARE
Docteur de l’Église avec le titre de Doctor unitatis.

Puisse la doctrine d’un si grand Maître encourager de plus en plus le chemin de tous les disciples du Seigneur vers la pleine communion. »

Le cardinal Marcello Semeraro, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints a pour sa part été reçu en audience par le pape François jeudi matin, 20 janvier.

Le cardinal italien a présenté au pape François « l’avis positif » de la session plénière des cardinaux et des évêques membres de la Congrégation, en vue de l’attribution de ce titre.

Saint Irénée de Lyon

Né entre 130 et 140 probablement à Smyrne (actuellement en Turquie), et arrivé en Gaule vers 175, Irénée a été le deuxième évêque de Lyon, entre 177 et 202, à la mort de saint Pothin.

Ses reliques sont conservées depuis le 5e siècle dans l’église Saint-Irénée, auprès d’autres martyrs de Lyon.

Il est l’un des « Pères de l’Église » et le premier théologien et évêque occidental à élaborer une œuvre de théologie systématique. Il a notamment réfuté le gnosticisme, dans sa Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur connue sous le titre de Contre les hérésies (Adversus hæreses).

Il est mort martyr, au temps de la persécution de l’empereur romain Septime Sévère.

Vénéré comme saint par tous les chrétiens, il est fêté le 28 juin dans l’Église catholique et le 23 août dans l’Église orthodoxe.

Aux côtés des diocèses catholiques et des Conférences épiscopales qui se sont prononcé en faveur de ce « doctorat », apparaît aussi la Fédération protestante de France.

Le titre de « docteur de l’Eglise »

L’Eglise catholique a attribué le titre de « docteur de l’Église » à 32 saints, et à 4 saintes:

Thérèse d’Avila (1515-1582) et Catherine de Sienne (1347-1380), proclamées en 1970 par S. Paul VI;

Thérèse de Lisieux (1873-1897), proclamée par S. Jean-Paul II en 1997;

et Hildegarde de Bingen (1098-1179), proclamée par Benoît XVI en 2015.

Parmi eux, quatre Français, le premier proclamé par Pie VIII, en 1830, Bernard de Clairvaux (1090-1153);

proclamés par le Bx pape Pie IX, en 1851, Hilaire de Poitiers (v.315-367); puis François de Sales (1567-1622) en 1877;

et proclamée par Jean-Paul II, Thérèse de Lisieux (1873-1897).

Biographie de saint Irénée, publiée en italien par la Congrégation pour les causes des saints:

Saint Irénée est né entre 130 et 140 probablement à Smyrne (Turquie), où il passa sa jeunesse. C’était un disciple de saint Polycarpe, qui à son tour avait été formé à l’école des Apôtres et avait été installé sur la chaire épiscopale de Smyrne par saint Jean, apôtre et évangéliste. Parallèlement à sa formation religieuse, saint Irénée a acquis une bonne culture classique et philosophique. Ni le moment ni les raisons pour lesquelles Irénée a été envoyé à Lyon ne sont connus avec certitude, là où, dans la première moitié du IIe siècle, il y avait une forte présence chrétienne au sein d’une population émigrée d’Asie Mineure.

En 177, le vieil évêque de Lyon Pothin chargea saint Irénée de se rendre à Rome pour remettre au pape Éleutère des lettres sur la situation de l’Église lyonnaise, alors exposée non seulement à la persécution de l’empereur Marc-Aurèle, mais aussi à l’infiltration hétérodoxe des disciples de Montan. Le voyage à Rome sauva Irénée des persécutions qui firent quarante-huit victimes à Lyon, dont l’évêque Pothin, alors âgé de quatre-vingt-dix ans, qui mourut des suites de mauvais traitements en prison. Irénée est désigné comme son successeur qui, en peu de temps, par sa prédication, christianisera toute la ville de Lyon.

Vers l’an 190, saint Irénée intervient dans la polémique sur la date de Pâques, célébrée dans certaines communautés d’Orient le 14 nīsān, alors que dans toutes les autres églises le dimanche suivant.

Il meurt en 202, mais son martyre n’est pas sûr. Au IVe siècle, saint Jérôme, et deux siècles plus tard, Grégoire de Tours déclarent qu’Irénée « termina sa vie par le martyre », ce qui se serait produit lors d’une persécution sanglante, très probablement celle de Septime Sévère, qui éclata entre les années 202- 203

Cause du « doctorat » (même source):

Au cours des siècles, le titre de docteur de l’Église a souvent été attribué à saint Irénée. Dans un synoxaire arménien du XIIIe siècle, il était défini comme « un prélat revêtu de Dieu et docteur de l’Église ». Dans un missel de 1737, il est présenté non seulement comme patron du diocèse de Lyon, mais aussi comme « Docteur de l’Eglise éminent ». Dans les années suivantes, même à proximité du Concile Vatican II, le titre qui lui est normalement attribué est celui de « Docteur », titre également repris dans le Propre liturgique du diocèse, approuvé le 7 août 1975, où il parle clairement de « Saint Irénée, évêque de Lyon et docteur de l’Eglise ». Les documents officiels de l’Eglise lyonnaise ont toujours présenté son Evêque comme « doctor eximius, maximus, praeclarus ».

Le 28 juin 2017, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, a demandé au Saint-Père que saint Irénée reçoive le titre de docteur de l’Église universelle. Par la suite, de nombreux représentants de la hiérarchie ecclésiastique et des institutions culturelles ont adressé des pétitions similaires au pape. Il s’agit notamment du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, du patriarche de Babylone des chaldéens, de l’Université catholique de Lyon, de l’Institut catholique de Paris, de l’Université catholique de Lille, de l’Université catholique de Pernambuco (Brésil), des Conférences épiscopales de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, du Canada et des États-Unis, de la Fédération protestante de France.

Répondant à ces demandes, le 21 février 2018, le pape a autorisé la Congrégation pour les causes des saints à entamer le processus canonique relatif. Interrogée par ce dicastère, la Congrégation pour la doctrine de la foi, par lettre du 1er juin 2021, a communiqué l’avis positif concernant la doctrina eminens de saint Irénée.

Saint Irénée était avant tout un homme de foi et un pasteur. Il avait du Bon Pasteur le sens des proportions, la richesse de la doctrine et le zèle missionnaire. En tant qu’écrivain, il poursuivait un double objectif : défendre la vraie doctrine contre les assauts des hérétiques et exposer clairement les vérités de la foi.

Deux de ses ouvrages nous sont parvenus : La fausse gnose démasquée et réfutée, plus connu sous le nom d’Adversus haereses, et Démonstration de la prédication apostolique, texte redécouvert entre 570 et 590. Ce second ouvrage, divisé en une centaine de courts chapitres, est un sorte de catéchisme qui présente la foi catholique de manière populaire. D’autres ouvrages sont perdus : Lettres à Florinus, Dieu n’est pas l’auteur du mal et Sur l’Ogdoade (de la gnose valentinienne, ndlr); le Traité de Pâques; divers traités; Lettre à Blastus, Sur le schisme ; le Traité de la connaissance. D’autres travaux lui ont également été erronément attribués.

Le désir de protéger l’unité de l’Église et l’amour de la Vérité caractérisent l’œuvre pastorale et théologique de saint Irénée. Il n’a pas procédé à une simple réfutation des doctrines gnostiques, mais pà une exposition systématique des vérités de la foi. Il a vécu la diversité de deux mondes, asiatique et occidental, comme une composition des différences dans l’unicité de la foi, ancrée à la doctrine de l’Église, guidée par l’Écriture et la Tradition apostolique. Convaincu que l’unité de la foi est une convergence dynamique, il a développé une méthode théologique par laquelle l’unité progresse en évitant les juxtapositions (ou – ou) et en privilégiant la dynamique unitive (et – et). Le principe dynamique d’unité nous pousse à rechercher avant tout la cohérence globale de la foi, à reconnaître les kairòi qui rythment l’économie du salut, à savoir composer la polyphonie comme éducation de l’humain et à repenser le sens de l’histoire. La pertinence de cette approche est mise en évidence par l’utilisation continue de la théologie de saint Irénée au cours des siècles et aujourd’hui elle acquiert une importance supplémentaire même dans les questions délicates qui affectent la vision de l’homme et de la création dans le scénario culturel, économique et scientifique.

Dans différents documents, le Concile Vatican II se réfère fondamentalement à saint Irénée. A plusieurs reprises, le magistère post-conciliaire puise dans ses écrits et sa valeur de témoignage, tant dans le contenu que dans la méthode théologique.

Share this Entry

Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel