« Les kalachnikov ne sont pas fabriquées en Afrique… Alors d’où viennent-elles? », interroge le cardinal Ouédraogo dans un entretien avec Radio Vatican (Michele Raviart).
Il était accompagné de Mgr Lúcio Andrice Muandula, évêque de Xai-Xai (Mozambique), vice-président ; et du Rév. Henry Terwase Akaabiam, Secrétaire général (Nigeria).
« Notre kalachnikov, c’est la prière »
Il a présenté au pape François un bilan du travail accompli par le SCEAM, et il a évoqué les points chauds du continent africain.
A commencer par la situation dans son pays, et la situation des populations déplacées, comme il l’a ensuite confié à Radio Vatican : « Depuis Boko Haram au Nigeria, les forces du mal se sont répandues dans toute la zone de l’Afrique de l’Ouest -notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso. En tant que pasteur, je suis au cœur de la souffrance de notre peuple. Et comme je le dis souvent notre kalachnikov, c’est la prière ! Nous prions Dieu et nous essayons aussi d’initier des actes de solidarité en faveur des populations meurtries, notamment les personnes déplacées. Il y a une semaine, le ministre en charge de l’Action sociale disait qu’au Burkina Faso, nous comptons plus d’1,4 millions déplacés internes. Les populations fuient le nord et descendent vers le sud du pays. Elles sont meurtries, elles ont tout perdu et ont besoin d’une assistance nationale mais aussi d’une solidarité régionale et internationale. »
Des attaques terroristes chaque semaine
Radio Vatican rappelle la situation chiffrée des attaques terroristes, quasiment hebdomadaires, depuis 2015 – 1,4 millions de déplacés, 2 000 morts – et pose la question: « Comment expliquer le fait qu’on ne puisse pas enrayer cette violence? »
Le cardinal Ouédraogo répond: « Nous avons un ennemi en face qu’on ne connaît pas. Qui est derrière ce mouvement? Qui le finance? Les kalachnikov ne sont pas fabriquées en Afrique… Alors d’où viennent ces instruments avec lesquels des frères tuent leurs frères et sœurs, leurs semblables? Nous n’arrivons pas à identifier ceux qui coopèrent avec les forces du mal. On dit toujours «des hommes armés…» sans pouvoir les identifier concrètement. Malgré la présence des forces extérieures, les forces internes de nos États, nous n’arrivons pas à juguler le problème et nous voyons mourir des dizaines, voire des centaines de frères et de sœurs inutilement tués. »
Le cardinal burkinabé fait état d’une forme d’impuissance de la communauté internationale: « La communauté internationale est là, aussi bien au Mali, au Niger qu’au Burkina Faso. Chaque pays essaie de nouer des alliances susceptibles de les aider à faire face à cette tragédie. Mais nous constatons aujourd’hui l’inefficacité de toutes ces forces. Même au niveau du G5 Sahel, leur synergie d’efforts ne donnent pas les résultats escomptés. Il nous faut vraiment une concertation pour essayer de vaincre le mal qui est là et traumatise toutes les populations. »
Le dialogue interreligieux
L’archevêque de Ouagadougou voit dans le dialogue interreligieux un rempart au terrorisme: « Vous trouvez toutes les religions dans les familles du Burkina Faso: protestants, musulmans, religion traditionnelle et catholiques. Ce qui crée une certaine tolérance au sein du peuple, le respect de l’autre. Je pourrais dire qu’à un certain niveau les liens du sang sont plus forts que les liens de foi. Au nom de la parenté, des alliances, de l’amitié, nous sommes capables de nous retrouver au-delà des différences religieuses autour des mêmes évènements, heureux ou malheureux. »
Il fait observer que des liens se sont tissés entre personnalités de différentes religions au Burkina Faso: « Avec nos frères musulmans, protestants, représentants de la religion traditionnelle, nous avons une petite association informelle de leaders religieux et il arrive que la société fasse appel à nous pour contribuer à la paix sociale et favoriser notre vivre-ensemble. Le Pape nous demande de démolir les murs de haine, d’incompréhension, d’inimitié et de bâtir des ponts. Nous allons essayer de poursuivre nos efforts en ce sens, sûrs que cela peut avoir un effet positif pour éviter de stigmatiser. Car, dans ce contexte de violence et d’actes terroristes, on peut facilement sombrer dans la stigmatisation, les accusations hâtives contre une ethnie, par exemple. Donc ce dialogue est absolument nécessaire et très fécond dans notre contexte. Au Burkina Faso, les différentes confessions et leurs leaders prennent conscience de cela et nous œuvrons pour un vivre-ensemble plus harmonieux. »