« Le risque, en effet, est de tomber dans le formalisme, qui est l’une des tentations qui nous conduit à l’hypocrisie, dont nous avons parlé l’autre fois. Tomber dans le formalisme et renier la nouvelle dignité qu’ils ont reçue: la dignité des rachetés par le Christ »: le pape François épingle ce danger de la vie spirituelle du baptisé, dans sa septième catéchèse en italien sur l’Epître au Galates avec cette expression de saint Paul: « Galates stupides ».
Le pape conclut sa catéchèse en suggérant, à la manière de saint Ignace, la « grâce à demander »: « Demandons la sagesse de nous apercevoir toujours de cette réalité et de renvoyer les fondamentalistes qui nous proposent une vie d’ascèse artificielle, loin de la résurrection du Christ. L’ascèse est nécessaire, mais l’ascèse sage, pas artificielle. »
Voici la traduction officielle du Vatican de cette catéchèse prononcée dans la Salle Paul VI du Vatican devant des milliers de visiteurs.
AB
Catéchèse du pape François en italien
Frères et sœurs, bonjour!
Nous poursuivrons l’explication de la Lettre de saint Paul aux Galates. Ce n’est pas une chose nouvelle, cette explication, quelque chose qui vient de moi: ce que nous étudions est ce que dit saint Paul, dans un conflit très sérieux, aux Galates. Et c’est également la Parole de Dieu, parce qu’elle est entrée dans la Bible. Ce ne sont pas des choses que quelqu’un invente, non. C’est quelque chose qui a eu lieu à cette époque et qui peut se répéter. Et, de fait, nous avons vu que dans l’histoire, cela s’est répété. Il s’agit simplement d’une catéchèse sur la Parole de Dieu exprimée dans la Lettre de Paul aux Galates: ce n’est pas autre chose. Il faut toujours garder cela à l’esprit. Dans les catéchèses précédents, nous avons vu que l’apôtre Paul montre aux premiers chrétiens de Galatie combien il est dangereux de quitter le chemin qu’ils ont commencé à parcourir en accueillant l’Evangile.
Le risque, en effet, est de tomber dans le formalisme, qui est l’une des tentations qui nous conduit à l’hypocrisie, dont nous avons parlé l’autre fois. Tomber dans le formalisme et renier la nouvelle dignité qu’ils ont reçue: la dignité des rachetés par le Christ. Le passage que nous venons d’entendre introduit la deuxième partie de la Lettre. Jusque là, Paul a parlé de sa vie et de sa vocation : de la façon dont la grâce de Dieu a transformé son existence, la plaçant entièrement au service de l’évangélisation. A présent, il interpelle directement les Galates: il les place devant les choix qu’ils ont accomplis et devant leur condition actuelle, qui pourrait rendre vaine l’expérience de grâce vécue.
Et les termes par lesquels l’apôtre s’adresse aux Galates ne sont certainement pas de courtoisie: nous l’avons entendu. Dans les autres Lettres, il est facile de trouver l’expression «frères» ou encore «très chers», ici non. Parce qu’il est en colère. Il dit de façon générique «Galates» et, par deux fois au moins, il les appelle «sans intelligence», ce qui n’est pas un terme courtois. Sans intelligence, fous, et il peut dire beaucoup d’autres choses… Il le fait non pas parce qu’ils ne sont pas intelligents, mais parce que, presque sans s’en apercevoir, ils risquent de perdre la foi dans le Christ qu’ils avaient accueillie avec tant d’enthousiasme. Ils sont sans intelligence parce qu’ils ne se rendent pas compte que le danger est de perdre le trésor précieux, la beauté de la nouveauté du Christ. L’étonnement et la tristesse de l’apôtre sont évidents. Non sans amertume, il exhorte ces chrétiens à se rappeler de la première annonce qu’il a réalisée, à travers laquelle il leur a offert la possibilité d’acquérir une liberté jusqu’alors inespérée.
L’apôtre adresse des questions aux Galates, dans l’intention de secouer leurs consciences: pour cela il est très fort. Il s’agit d’interrogations rhétoriques, parce que les Galates savent très bien que la naissance de leur foi dans le Christ est le fruit de la grâce reçue par la prédication de l’Evangile. Il les conduit au début de la vocation chrétienne. La parole qu’ils avaient écoutée de Paul se concentrait sur l’amour de Dieu, se manifestant pleinement dans la mort et la résurrection de Jésus. Paul ne pouvait trouver d’expression plus convaincante que celle qu’il avait leur probablement répétée plusieurs fois lors de sa prédication: «Et ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi» (Gal 2, 20). Paul, ne voulait rien savoir d’autre que le Christ crucifié (cf. 1 Co 2, 2).
Les Galates doivent regarder cet événement sans se laisser distraire par d’autres annonces. En somme, l’intention de Paul est de mettre au pied du mur les chrétiens, afin qu’ils se rendent compte de l’enjeu et qu’ils ne se laissent pas enchanter par la voix des sirènes qui veulent les conduire à une religiosité fondée uniquement sur l’observance scrupuleuse de préceptes. Parce qu’eux, ces prédicateurs nouveaux qui sont arrivés là en Galatie, les ont convaincus qu’ils devaient faire marche arrière et adopter également les préceptes qu’ils observaient et qu’ils portaient à la perfection avant la venue du Christ, qui est la gratuité du salut.
Les Galates, d’autre part, comprenaient très bien ce à quoi l’apôtre faisait référence. Ils avaient certainement fait l’expérience de l’action de l’Esprit Saint dans les communautés: comme dans les autres Eglises, ainsi parmi eux aussi, s’étaient manifestés la charité et divers autres charismes. Mis au pied du mur, ils sont obligés de répondre que ce qu’ils ont vécu était le fruit de la nouveauté de l’Esprit. A l’origine de la naissance de leur foi, il y avait donc l’initiative de Dieu, pas des hommes. L’Esprit Saint avait été le protagoniste de leur expérience; le placer à présent au second plan pour donner la primauté à leurs propres œuvres — c’est-à-dire à l’accomplissement des préceptes de la Loi — aurait été insensé. La sainteté vient de l’Esprit Saint et est la gratuité de la rédemption de Jésus: cela nous justifie.
De cette façon, saint Paul nous invite nous aussi à réfléchir: comment vivons-nous la foi? L’amour du Christ crucifié et ressuscité demeure-t-il au centre de notre vie quotidienne comme une source de salut, ou bien nous contentons-nous d’une formalité religieuse pour avoir la conscience tranquille? Comment vivons-nous la foi, nous? Sommes-nous attachés au trésor précieux, à la beauté de la nouveauté du Christ, ou bien lui préférons-nous quelque chose qui nous attire sur le moment, mais qui nous laisse ensuite un vide à l’intérieur? L’éphémère frappe souvent la porte de nos journées, mais c’est une triste illusion, qui nous fait tomber dans la superficialité et empêche de discerner ce qui vaut véritablement la peine de vivre.
Frères et sœurs, gardons quoi qu’il en soit la ferme certitude que, même quand nous sommes tentés de nous éloigner, Dieu continue encore d’offrir ses dons. Dans l’histoire, même aujourd’hui, il arrive toujours des choses qui ressemblent à ce qui est arrivé aux Galates.
Même aujourd’hui, certains viennent nous échauffer les oreilles en nous disant: «Non, la sainteté réside dans ces préceptes, dans ces choses, vous devez faire ceci et cela» et ils nous proposent une religiosité rigide, la rigidité qui nous ôte la liberté dans l’Esprit que nous donne la rédemption du Christ. Soyez attentifs face aux rigidités que l’on vous propose: soyez attentifs. Parce que derrière chaque rigidité, il y a quelque chose de mauvais, il n’y a pas l’Esprit de Dieu. Et c’est pour cela que cette Lettre nous aidera à ne pas écouter ces propositions un peu fondamentalistes qui nous font reculer dans notre vie spirituelle, et elle nous aidera à aller de l’avant dans la vocation pascale de Jésus.
C’est ce que répète l’apôtre aux Galates en rappelant que le Père «prodigue l’Esprit et opère parmi vous des miracles» (3, 5). Il parle au présent, il ne dit pas «le Père a prodigué l’Esprit», chapitre 3, verset 5, non: il dit «prodigue», il ne dit pas «a opéré», non, «opère». Parce que, malgré toutes les difficultés que nous pouvons créer à son action, et même malgré nos péchés, Dieu ne nous abandonne jamais mais demeure avec nous à travers son amour miséricordieux. Dieu est toujours proche de nous avec sa bonté. C’est comme ce père qui montait chaque jour sur la terrasse pour voir si son fils revenait: l’amour du Père ne se lasse pas de nous.
Demandons la sagesse de nous apercevoir toujours de cette réalité et de renvoyer les fondamentalistes qui nous proposent une vie d’ascèse artificielle, loin de la résurrection du Christ. L’ascèse est nécessaire, mais l’ascèse sage, pas artificielle.
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