« À travers l’attaque de cette messe de semaine, de ce prêtre et de ces personnes âgées, c’est vraiment le mystère de l’Eucharistie elle-même … qui a été attaquée », affirme père Erwan Rozier, prêtre nouvellement ordonné pour le diocèse de Rouen en juin dernier.
Il a choisi de célébrer sa première messe le 1er juillet 2021 en l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, ou le p. Jacques Hamel, âgé de 85 ans a été assassiné par deux terroristes en pleine célébration le 26 juillet 2016. Cinq ans plus tard, le p. Rozier a célébré avec un calice ayant appartenu au père Jacques et prêté par sa sœur, Roseline.
Ce qui frappe le p. Rozier dans la vie du p. Hamel c’est surtout « la puissance de la simplicité » : « Le père Hamel, dit-il dans un entretien à Radio Vatican publié ce lundi 26 juillet 2021, n’a jamais fait de choses extraordinaires dans sa vie, il a été un bon curé de paroisse, il a été heureux avec les gens, il a célébré des sacrements comme tout prêtre peut en célébrer. »
Cette « simplicité ‘record’ », avec « une messe de semaine » et « une dizaine de personnes très âgées », poursuit le prêtre, fait manifester aussi « la puissance » « de la célébration des sacrements ». C’est cela ce que « signifie être ‘le sel de la terre’ pour un chrétien », « pouvoir offrir toute la joie, toutes les peines et souffrances en action de grâce au Seigneur. »
Le lien spirituel que le père Rozier entretient avec le p. Hamel « est partagé par beaucoup » d’autres prêtres : « Dans le presbyterium, on ne peut pas dire qu’on fasse des conférences sur Jacques Hamel, sa spiritualité, etc, raconte le jeune prêtre. Mais tous, intérieurement, on reste marqués par cet homme, parce qu’on partage beaucoup de sa vie, de sa façon de célébrer, de s’engager auprès des gens et dans la fraternité presbytérale. »
Il s’agit de « l’esprit normand, l’esprit de cette terre » « où l’on ne parle pas beaucoup, où l’on vit les choses de l’intérieur », précise-t-il. Il cite « l’autre grand exemple de sainteté ici », celle de sainte Thérèse de Lisieux: « Ce sont des vies cachées qui, de l’extérieur, n’ont pas donné grand-chose, mais qui, après leur mort, parlent énormément. »
« Nos frères musulmans »
En évoquant un élan de sympathie manifesté par plusieurs musulmans après l’assassinat du père Hamel, le p. Rozier indique que les célébrations « religieuse et civile, auxquelles assistent nos frères musulmans » ont lieu le 26 juillet à Saint-Étienne-du-Rouvray. « Pour moi, explique le prêtre, c’est cela qui constitue le côté fort de cet élan. On a tous des moments où l’on retourne à la routine, mais on a aussi des moments où l’on fait mémoire ensemble et c’est la jonction des deux qui fait notre vie humaine. »
« Il est normal de retourner à sa routine parce que c’est cela qui fait le concret de notre vie, familiale et professionnelle », poursuit-il. « Mais cela ne veut pas dire qu’on ne continue pas à dialoguer et à prier les uns pour les autres. »
« Les non-croyants nous regardent »
Le p. Rozier évoque également des réactions des non-croyants à l’assassinat du p. Hamel : « J’étais aux JMJ de Cracovie au moment de cet assassinat, se souvient-il, et j’ai été impressionné par la façon dont certains responsables politiques ont cru que ça allait dégénérer en manifestations et violences entre catholiques et musulmans. Et ils ont été marqués par le fait que rien de tout cela ne s’est produit ! Je crois que c’est cette absence de violence qui a marqué les non-croyants et qui continue aujourd’hui de leur parler. »
« Les non-croyants nous regardent », ajoute le jeune prêtre. Même si « le martyre du père Hamel n’est pas ce qui est resté le plus dans la mémoire des Français », dit-il, « cela ne veut pas dire que les non-croyants ne regardent pas les croyants, ni la façon dont ils vivent ce martyre ».
En ce qui concerne « l’élan d’évangélisation », précise le prêtre, le martyre du p. Hamel « enrichit beaucoup » sa « foi » et son « engagement de prêtre diocésain ». « Si, encore une fois, on se place dans une perspective purement humaine, note le p. Rozier, on peut se dire que même cette église de Saint-Étienne-du-Rouvray n’est pas forcément très jolie, que ses murs auraient besoin d’un nouveau coup de peinture, que le crucifix n’est pas du dernier cachet, mais en réalité, spirituellement, quand on regarde la communauté chrétienne qui habite ce lieu, quand on entend les témoins de l’assassinat du père Hamel, à ce moment-là, on peut voir vraiment ce qu’est la vie dans l’Esprit Saint. C’est cela qui parle à un prêtre diocésain ainsi qu’à des non-croyants. »