« N’essayez pas d’étancher votre soif aux sources empoisonnées de la haine », avertit le pape François dans une lettre – en italien et en arabe – aux patriarches catholiques du Moyen-Orient, en date de ce dimanche 27 juin 2021, et à quelques jours de la rencontre des chrétiens du Liban à Rome, le 1er juillet, et alors que les patriarches consacrent le Moyen Orient à la Sainte Famille. Le pape évoque la rencontre de Bari en 2018.
Le pape invite plutôt les patriarches et les communautés à imiter les saints de leurs régions: « Laissez la rosée de l’Esprit irriguer les sillons du champ de vos cœurs, comme l’ont fait les grands saints de vos traditions respectives : copte, maronite, melkite, syriaque, arménienne, chaldéenne, latine. »
Le pape invite aussi à mettre en oeuvre l’enseignement social de l’Eglise: « Soyez vraiment le sel de vos terres, donnez de la saveur à la vie sociale en désirant contribuer à la construction du bien commun, selon ces principes de la Doctrine Sociale de l’Église qui ont tant besoin d’être connus, comme l’avait indiqué l’exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente et comme vous avez voulu le rappeler en commémorant le 130e anniversaire de l’encyclique Rerum Novarum. »
Voici notre traduction rapide, de travail, de la lettre du pape François publiée par le Saint-Siège ce 27 juin.
AB
Lettre pontificale
Aux Patriarches catholiques du Moyen-Orient
Béatitudes,
Chers frères en Christ,
C’est avec joie que j’ai accepté l’invitation que vous m’avez adressée de m’unir à vous en ce jour spécial, où chacun de vous célèbre avec ses fidèles une Divine Liturgie pour demander au Seigneur le don de la paix au Moyen-Orient et le consacrer à la Sainte Famille.
Depuis le début de mon pontificat, j’ai essayé d’être proche de vos souffrances, à la fois en me faisant pèlerin d’abord en Terre Sainte, puis en Egypte, aux Emirats Arabes Unis et enfin il y a quelques mois en Irak, et en invitant toute l’Eglise à la prière et à la solidarité concrète pour la Syrie, pour le Liban, si éprouvés par la guerre et l’instabilité sociale, politique et économique. Et puis je me souviens bien de la rencontre du 7 juillet 2018 à Bari, et je vous remercie parce qu’avec votre rassemblement d’aujourd’hui vous préparez les cœurs pour la convocation du 1er juillet prochain au Vatican, avec tous les chefs des Églises du Pays du Cèdres.
La Sainte Famille de Jésus, Joseph et Marie à laquelle vous avez choisi de consacrer le Moyen-Orient représente bien votre identité et votre mission. Elle a avant tout gardé le mystère du Fils de Dieu fait chair, elle s’est constituée autour de Jésus et en raison de Lui. Marie nous l’a donné, par son oui à l’annonce de l’ange à Nazareth, Joseph l’a accueilli, en restant même dans son sommeil, à l’écoute de la voix de Dieu et en étant prêt à accomplir sa volonté une fois éveillé. Un mystère d’humilité et de dépossession, comme à la naissance de Bethléem, reconnu par les petits et les lointains, mais menacé par ceux qui étaient plus attachés au pouvoir terrestre qu’à s’émerveiller de l’accomplissement de la promesse de Dieu. Pour sauvegarder le Verbe fait chair, Joseph et Marie se mettent en route, pour se rendre en l’Egypte, en joignant l’humilité de la naissance à Bethléem et l’indigence des personnes contraintes à émigrer. Cependant c’est ainsi qu’ils restent fidèles à leur vocation et ils anticipent inconsciemment ce destin d’exclusion et de persécution qui deviendra celui de Jésus devenu adulte, mais qui dévoilera la réponse du Père au matin de Pâques.
La consécration à la Sainte Famille appelle aussi chacun de vous à redécouvrir en tant qu’individus et en tant que communautés votre vocation à être chrétiens au Moyen-Orient, non seulement en demandant la juste reconnaissance de vos droits en tant que citoyens originaires de ces terres bien-aimées, mais en vivant votre mission de gardiens et de témoins des premières origines apostoliques. Lors de mon voyage en Irak, j’ai utilisé à deux reprises l’image du tapis, que les mains habiles des hommes et des femmes du Moyen-Orient savent tisser, en créant des géométries précises et des images précieuses, fruit de l’entrelacement de nombreux fils qui seulement en étant ensemble côte à côte deviennent un chef-d’œuvre. Si la violence, l’envie, la division, peuvent réussir à déchirer ne serait-ce qu’un de ces fils, tout l’ensemble est blessé et défiguré. A ce moment-là, les plans et les accords humains ne peuvent pas faire grand chose si nous ne faisons pas confiance au pouvoir de guérison de Dieu. N’essayez pas d’étancher votre soif aux sources empoisonnées de la haine, mais laissez la rosée de l’Esprit irriguer les sillons du champ de vos cœurs, comme l’ont fait les grands saints de vos traditions respectives : copte, maronite, melkite, syriaque, arménienne, chaldéenne, latine.
Combien de civilisations et de puissances ont surgi, ont fleuri puis sont tombées, avec leurs admirables œuvres et conquêtes sur le terrain : tout a passé. En revanche, à partir de notre père Abraham, la Parole de Dieu a continué à demeurer une lampe qui a éclairé et éclaire nos pas.
Soyez vraiment le sel de vos terres, donnez de la saveur à la vie sociale en désirant contribuer à la construction du bien commun, selon ces principes de la Doctrine Sociale de l’Église qui ont tant besoin d’être connus, comme l’avait indiqué l’exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente et comme vous avez voulu le rappeler en commémorant le 130e anniversaire de l’encyclique Rerum Novarum.
Alors que je donne cordialement ma Bénédiction apostolique à tous ceux qui ont participé à cette célébration et à ceux qui la suivront à travers les médias, je vous demande de prier pour moi.
Rome, Saint-Jean-du-Latran, 27 juin 2021
© Traduction de Zenit, Anita Bourdin