Corpus Domini

Robert Cheaib - Robert Cheaib

Lectures de dimanche : « la réponse au problème de la mort »

La seule façon de vraiment dominer le temps

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« L’Eucharistie est la réponse au problème de la mort », écrit Mgr Francesco Follo en méditant sur les lectures de dimanche prochain, 6 juin 2021, Fête du Saint-Sacrement (Année B – Ez 24, 3-8; Ps 115; He 9, 11-15; Mc 14, 12-16. 22-26).

« À l’ère des ordinateurs, nous sommes peut-être devenus gravement incapables de penser et de nous souvenir de ce qui est important, de ce qui compte pour la vie », constate l’observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Unesco à Paris.

Et Mgr Follo d’ajouter : « Souvent, nous ne vivons que le moment éphémère. Nous voulons même oublier, car nous n’admettons pas la vieillesse et la mort, en les censurant et en essayant de les faire tomber dans l’oubli. Mais cette volonté d’oublier est en fait un mensonge qui se transforme en cri agressif vers l’avenir, un cri qui veut rompre le temps… La seule façon de vraiment dominer le temps est le pardon et la gratitude, qui accepte le temps comme un cadeau et le transforme en gratitude. Un merci à dire au Christ présent. »

« La Fête Dieu doit réagir à l’oubli de l’homme »

Prémisse :

Chaque être humain a peur de mourir et il vraiment heureux s’il a une réponse à la mort. Dans son essence l’Eucharistie

– est la réponse au problème de la mort,

– est la rencontre avec l’amour, qui est plus forte que la mort,

– est le pain de vie qui donne la vie.

Cette réponse qui est l’Eucharistie, ouvre de façon  effective et valable à la joie. C’est ce qui peut véritablement constituer le fondement d’une fête.

La fête du Corpus Domini a été voulue dans le but d’éveiller la gratitude et de garder la mémoire du Seigneur éveillée en chacun de nous. Trois raisons émergent de ces mots. La Fête Dieu doit réagir à l’oubli de l’homme, doit susciter en lui des sentiments de gratitude et a à voir avec la communion, force unificatrice qui vient du regard tourné vers l’unique Seigneur.

À l’ère des ordinateurs, nous sommes peut-être devenus gravement incapables de penser et de nous souvenir de ce qui est important, de ce qui compte pour la vie.

Notre rapport au temps est l’oubli. Souvent, nous ne vivons que le moment éphémère. Nous voulons même oublier, car nous n’admettons pas la vieillesse et la mort, en les censurant et en essayant de les faire tomber dans l’oubli. Mais cette volonté d’oublier est en fait un mensonge qui se transforme en cri agressif vers l’avenir, un cri qui veut rompre le temps. Mais même cette romantique conception du futur, à cause de laquelle l’on ne veut plus être soumis au temps, est un mensonge qui détruit l’homme et le monde. La seule façon de vraiment dominer le temps est le pardon et la gratitude, qui accepte le temps comme un cadeau et le transforme en gratitude. Un merci à dire au Christ présent.

1) Présence dans le monde, pour le sauver

En ce dimanche, où nous fêtons le Saint-Sacrement, fête de louange et de remerciement, l’Eglise célèbre non seulement l’Eucharistie, qui « n’est pas un semple souvenir. C’est un fait : c’est la Pâques du Seigneur qui revit en nous » (Pape François) -, mais la porte aussi en procession solennellement, annonçant publiquement que le sacrifice du Christ est pour le salut du monde entier. Il faut apporter le Christ sur les routes du monde car Celui que les espèces fragiles de l’Hostie voilent est venu précisément sur terre pour être « la vie du monde » (Jn 6, 51). 

Cette procession fait de nous des « annonceurs », autrement dit des missionnaires, et des personnes marchant vers une sainte destination, c’est-à-dire des pèlerins. 

Nous sommes missionnaires parce qu’en marchant unis autour du Corps de Celui qui est le Seigneur du cosmos et de l’histoire, nous apportons le Christ au monde entier et avec Lui l’annonce de cette paix qu’Il nous a laissée et que le monde ne peut donner.  Notre procession eucharistique nous permet de témoigner, humblement et joyeusement, que cette petite Hostie blanche, portée par le prêtre avec dévotion, renferme la réponse aux interrogations les plus pressantes. On y trouve le soulagement à la plus atroce des souffrances. En gage, il y a la satisfaction de cette soif brûlante de bonheur et d’amour que chacun porte en soi, dans le secret de son cœur. 

Nous sommes pèlerins parce que nous allons vers la patrie éternelle, la patrie céleste. Nous sommes pèlerins non seulement par souci de l’éternel, comme tout être humain, mais aussi par vocation. Jésus Christ nous appelle à partager son amitié et sa mission. Nous ne sommes pas seuls dans notre pèlerinage : le Christ marche avec nous. Pèlerin, Il renouvelle la présence de Dieu sur les routes du monde, il est le Pèlerin des pèlerins sur la route d’Emmaüs. Emmaüs désigne l’endroit où Jésus se rompt lui-même comme Pain de la vie, Pain des anges, Pain des pèlerins « panis angelorum, factus cibus viatorum – » (Séquence de la messe d’aujourd’hui) qui nous donne la force de reprendre le chemin avec Lui, pour Lui, en Lui. 

Donc pour accomplir le chemin de la vie, sur lequel repose tout le sens de la procession d’aujourd’hui, il faut se nourrir de l’Eucharistie, de ce Pain des anges qui s’est fait nourriture pour les hommes, affamés de vérité, d’amour et de liberté. 

Etonnés de la très grande proximité du Christ qui habite nos Eglises, qui est dans nos mains et qui n’attend rien d’autre que pouvoir demeurer en nous, il nous faut juste nous nourrir de Lui qui « a pris notre chair et notre sang pour que Sa chair et Son sang puissent être notre vie » (Card. John Henri Newman).

Essayons d’avoir le même étonnement que la Vierge Marie qui contemplait le visage du Christ avec extase, à Bethléem comme à Jérusalem. Du Berceau à la Croix, la Vierge n’a jamais cessé de regarder avec foi et amour le visage du Fils et de le serrer dans ses bras avec pitié, après sa naissance et après sa mort. Que notre Mètre céleste soit ce modèle d’amour qui inspire notre adoration eucharistique ! De cette manière nous vivrons l’Eucharistie non pas comme un simple geste de dévotion, mais comme un geste de vie, un geste qui a de l’influence sur la vie.

2) Présents à la PRESENCE.

Le mystère eucharistique a trois aspects : sacrifice, communion et présence. La Fête-Dieu célèbre surtout un de ces aspects, celui de la présence réelle. Nous ne pouvons pas et ne devons pas séparer les trois aspects de ce mystère, mais cela ne nous empêche pas de réfléchir principalement au mystère de la présence réelle, pour être présents à cette Présence, qui se donne à nous totalement.

« Chaque fois que nous faisons preuve de foi en la Présence réelle du Christ, nous faisons un acte beaucoup plus grand que celui d’Israël qui a traversé la Mer Rouge. Dans ce cas-là, Israël est passé d’une terre d’exil à une terre de liberté. Nous, grâce à l’eucharistie, nous passons de ce monde au monde du Père. (D. Divo Barsotti)

Le 15 octobre 2005, lors d’une rencontre entre Benoît XVI et les enfants de la première communion, André posa cette question : « Ma catéchiste, en me préparant au jour de ma première communion, m’a dit que Jésus est présent dans l’Eucharistie. Mais comment ? Je ne le vois pas ! ». Benoît XVI répondit : « En effet, nous ne le voyons pas, mais il y a tant de choses que nous ne voyons pas et qui existent et sont essentielles. Par exemple, nous ne voyons pas notre raison, toutefois, nous avons la raison. Nous ne voyons pas notre intelligence, et pourtant nous l’avons. En un mot, nous ne voyons pas notre âme et toutefois, elle existe et nous en voyons les effets, car nous pouvons parler, penser, décider…  De même, nous ne voyons pas, par exemple, le courant électrique ; toutefois, nous voyons qu’il existe, nous voyons que ce micro fonctionne, nous voyons les lumières. En un mot, ce sont précisément les choses les plus profondes, qui soutiennent réellement la vie et le monde, que nous ne voyons pas, mais nous pouvons en voir et en ressentir les effets. Nous ne voyons pas l’électricité, le courant, mais nous voyons la lumière. Et ainsi de suite. Nous ne voyons donc pas non plus le Seigneur ressuscité avec nos yeux, mais nous voyons que là où est Jésus, les hommes changent, deviennent meilleurs. Il se crée une plus grande capacité de paix, de réconciliation, etc. Nous ne voyons donc pas le Seigneur lui-même, mais nous en voyons les effets : c’est ainsi que nous pouvons comprendre que Jésus est présent ; comme je l’ai dit, les choses invisibles sont précisément les plus profondes et les plus importantes. Allons donc à la rencontre de ce Seigneur invisible, mais fort, qui nous aide à bien vivre ». 

Le cœur de la réponse de Benoît XVI va droit au but : « Les choses invisibles sont précisément les plus profondes et les plus importantes ». Au fonds, c’est le secret que révèle le renard au Petit Prince du joli récit d’Antoine de Saint-Exupéry : « Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ». 

Tout à l’heure j’ai proposé la Vierge Marie comme modèle de personne adorant le Présent, le Fils de Dieu qui avait pris sa chair. Maintenant je propose en exemple une autre Marie : Marie Madeleine. Présentons-nous au Christ dans le tabernacle comme cette femme se présenta aux pieds du Seigneur et se mit à écouter sa parole » (Lc 10, 39). Celle-ci était certainement plus contente de voir Jésus que d’écouter ses paroles. Le saint visage de cet homme, son regard, son sourire, son pardon, touchait le cœur de Marie Madeleine. C’est le même Jésus dans le Très Saint Sacrement. Mettons-nous tout simplement à ses pieds, comme Marie, dans la joie d’être avec Lui. 

Il y a aussi l’exemple d’un paysan, paroissien du Saint curé d’Ars. Cet humble et modeste travailleur de la terre, après une journée dans les champs, passait du temps à l’église et regardait le tabernacle sans ouvrir la bouche. A la question de son saint curé : « Que dites-vous-en ce moment d’adoration ? », le paysan répondit : « Je le regarde et il me regarde ». Quand Jésus a regardé une âme, Il lui donne sa divine ressemblance – disait sainte Thérèse d’Avila – mais il faut que cette âme ne cesse de fixer sur lui seul ses regards. Quand saint Pierre, en marchant sur les eaux quitta le Christ du regard pour regarder la tempête, il commença à couler. Pierre apprit la leçon et nous enseigne encore aujourd’hui à fixer le regard sur le visage du Seigneur « comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2 Pt 1,19). Si nous donnons du temps au Christ, dans nos prières et tout particulièrement dans l’adoration, nous aurons en don le Christ lui-même qui nous tend la main et nous tire hors de l’eau.

« L’adoration, dans son essence, est un baiser à Jésus, dans lequel je dis : « Je suis à toi et je prie afin que toi aussi, tu demeures toujours avec moi » » (Benoît XVI). L’adoration du saint sacrement est toujours une préparation et un acte de grâce de la messe. Celle-ci constitue le moment de choix pour développer et faire grandir en nous le don de soi, complètement. En effet l’adoration eucharistique ne signifie pas seulement se mettre à genou devant la présence du Christ dans le sacrement, mais également de nous unir au don pur et parfait de notre Sauveur. L’adoration eucharistique nous donne le désir et la force de nous mettre sans hésitation dans les mains de Dieu, de nous abandonner totalement et joyeusement à Lui. 

Les Vierges consacrées vivant dans le monde sont un parfait exemple du don de soi. Ces femmes manifestent par leur vie que leur cœur croit et adore. Elles témoignent qu’il est possible de vivre eucharistiquement en s’offrant totalement au Christ – Epoux eucharistique. Ces femmes témoignent que toute consécration au Seigneur ne saurait s’exprimer sans se donner entièrement à Lui. « le Mystère eucharistique a aussi un rapport intrinsèque avec la virginité consacrée, en tant qu’elle est expression du don exclusif de l’Église au Christ, qu’elle accueille comme son Époux avec une fidélité radicale et féconde. Dans l’Eucharistie, la virginité consacrée trouve inspiration et nourriture pour sa donation totale au Christ » (Benoît XVI,  Sacramentum Caritatis, 81).

Par leur existence qui se nourrit du Corps du Christ, les femmes consacrées montrent que la virginité n’est pas seulement être capable de s’offrir complètement à Dieu, mais savoir accueillir le don de Dieu, le choix de Dieu.

Par leur vie alimentée par l’Eucharistie, elles sont des témoins visibles de l’amour de Dieu invisible, montrant dans la simplicité de la vie quotidienne que la vie humaine peut devenir eucharistie. Elles montrent que la prière devient vie et la vie devient prière.

Lecture (quasi) patristique

SAINT THOMAS D’AQUIN

(Opusculum 57, in festo Corporis Christi, lect. 1-4)

Le mystère de l’Eucharistie

Le Fils unique de Dieu, voulant nous faire participer à sa divinité, a pris notre nature afin de diviniser les hommes, lui qui s’est fait homme.

En outre, ce qu’il a pris de nous, il nous l’a entièrement donné pour notre salut. En effet, sur l’autel de la croix il a offert son corps en sacrifice à Dieu le Père afin de nous réconcilier avec lui ; et il a répandu son sang pour qu’il soit en même temps notre rançon et notre baptême : rachetés d’un lamentable esclavage, nous serions purifiés de tous nos péchés.

Et pour que nous gardions toujours la mémoire d’un si grand bienfait, il a laissé aux fidèles son corps à manger et son sang à boire, sous les dehors du pain et du vin.

Banquet précieux et stupéfiant, qui apporte le salut et qui est rempli de douceur ! Petit-il n’y avoir rien de plus précieux que ce banquet où l’on ne nous propose plus, comme dans l’ancienne Loi, de manger la chair des veaux et des boucs, mais le Christ qui est vraiment Dieu ? Y a-t-il rien de plus admirable que ce sacrement ? ~

Aucun sacrement ne produit des effets plus salutaires que celui-ci : il efface les péchés, accroît les vertus et comble l’âme surabondamment de tous les dons spirituels !

Il est offert dans l’Église pour les vivants et pour les morts afin de profiter à tous, étant institué pour le salut de tous. Enfin, personne n’est capable d’exprimer les délices de ce sacrement, puisqu’on y goûte la douceur spirituelle à sa source et on y célèbre la mémoire de cet amour insurpassable, que le Christ a montré dans sa passion.

Il voulait que l’immensité de cet amour se grave plus profondément dans le cœur des fidèles. C’est pourquoi à la dernière Cène, après avoir célébré la Pâque avec ses disciples, lorsqu’il allait passer de ce monde à son Père, il institua ce sacrement comme le mémorial perpétuel de sa passion, l’accomplissement des anciennes préfigurations, le plus grand de tous ses miracles ; et à ceux que son absence remplirait de tristesse, il laissa ce sacrement comme réconfort incomparable.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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