Card. Peter Turkson @ Vatican Media

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L’accès aux soins, « une question de justice », déclare le card. Turkson (traduction complète)

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«Construire un monde plus juste et plus sain pour tous»

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Il est urgent de travailler à « une plus grande équité dans la protection de la santé dans le monde » à travers « un engagement moral renouvelé de la part des pays possédant davantage de ressources envers les pays plus démunis » : c’est le vœu formulé dans le Message pour la Journée mondiale de la Santé 2021, qui souligne que l’accès aux soins de santé est une question de « justice ».

Le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, a publié un message intitulé « Construire un monde plus juste et plus sain pour tous », à l’occasion de la Journée mondiale de la Santé 2021 célébrée ce 7 avril 2021. Il y plaide pour que soit garantie « à tous les individus et à toutes les communautés la couverture de santé universelle ».

Rappelant que la pandémie a aggravé « de vieux problèmes sociaux » et des inégalités comme dans l’accès aux soins, le préfet du Dicastère reprend à son compte la demande du pape François d’harmoniser le droit à la protection de la santé et le droit à la justice « par une équitable distribution de structures sanitaires et de ressources financières, selon les principes de solidarité et de subsidiarité ».

Il plaide également pour un « changement de regard » sur la santé et sur les soins, c’est-à-dire « une vision holistique » au service de la « santé intégrale », comme un « bien des personnes individuelles et de la collectivité ». Enfin, saluant le courage et le dévouement des soignants, le cardinal ghanéen invite les gouvernements et les responsables des politiques économiques et sanitaires à « garantir de meilleures conditions de travail aux professionnels de la santé ».

Voici notre traduction du message du card. Peter K. A. Turkson publié par le Saint-Siège en italien et en anglais.

HG

Construire un monde plus juste et plus sain pour tous

Le 7 avril de chaque année, nous célébrons la Journée mondiale de la Santé, instituée par la première Assemblée de la Santé en 1948, dans l’objectif de faire davantage prendre conscience d’un thème de santé spécifique et de souligner les questions plus urgentes et prioritaires dans le monde de la santé. Le thème de cette année relève l’urgence de travailler pour éliminer les inégalités dans l’accès à la santé, afin de « construire un monde plus juste et plus sain pour tous ».

L’année 2020 restera comme une ligne de partage des eaux entre un avant et un après. La pandémie a eu des conséquences profondes sur notre vie et sur notre société ; elle a aggravé de vieux problèmes sociaux, surtout les inégalités, comme l’accès aux soins. L’impact de la pandémie a été plus fort sur les communautés plus vulnérables, plus exposées à la maladie, ayant moins de possibilités d’accès aux service sanitaires de qualité.

Nous vivons une crise, mais comme le rappelle le pape François, on ne sort pas les mêmes d’une crise : soit nous en sortons meilleurs, soit nous en sortons pires. Telle est l’invitation de cette journée mondiale de la santé : « Construire un monde plus juste et plus sain pour tous ». Cette année difficile nous a également rappelé l’importance de la solidarité humaine et fait prendre conscience que personne ne se sauve tout seul. A cet égard, le pape nous invite à raviver et à mettre au centre de notre agir les valeurs de la fraternité, de la justice, de l’équité, de la solidarité, de l’inclusion pour ne pas laisser les nationalismes fermés ou les lois du marché nous empêcher de vivre en véritable famille humaine. [1]

La santé est liée à la valeur de la justice

La pandémie a exacerbé le grand fossé entre les pays plus avantagés et ceux qui le sont moins dans l’accès aux soins et aux traitements de santé, fait déplorable qui persiste bien que la situation ait été dénoncée à plusieurs reprises par différentes institutions ; des disparités et inégalités inacceptables qui refusent la santé à une grande partie de la population des « périphéries du monde ». L’humanité peine à reconnaître que « le droit fondamental à la protection de la santé est lié à la valeur de la justice, selon laquelle il n’y a pas de distinctions entre les peuples et les nations, compte tenu de leurs situations objectives de vie et de développement, dans la poursuite du bien commun, qui est à la fois le bien de tous et de chacun, que doit prendre en charge, également et surtout la communauté civile » [2].

Il est souhaitable que « l’harmonisation du droit à la protection de la santé et du droit à la justice soit assurée par une équitable distribution de structures sanitaires et de ressources financières, selon les principes de solidarité et de subsidiarité » [3]. Des systèmes sanitaires plus équitables et plus justes peuvent être construits sur ces deux principes. Mais pour ce faire, il convient avant tout de repenser le concept de santé, en tant que santé intégrale.

Pour une santé intégrale

Pour un monde plus juste et plus saint, il est nécessaire d’acquérir un regard différent sur la santé humaine et sur des soins qui tiennent compte de la dimension physique, psychologique, intellectuelle, sociale, culturelle et spirituelle de la personne. Acquérir ce regard intégral nous permet de comprendre qu’assurer à chacun les soins de santé nécessaires est un acte de justice, à savoir rendre à la personne ce qui est son droit. Qui assiste les malades et les personnes souffrantes doit avoir ce regard d’ensemble, s’inspirant continuellement d’une vision holistique des soins : professionnels de la santé et acteurs de la pastorale à l’unanimité pour la santé intégrale de ceux qu’ils assistent.

Accordons notre estime et notre reconnaissance aux soignants qui, malgré les nombreuses carences et les manquements des systèmes sanitaires, ne se sont pas rendus et se sont battus pour la santé de leurs patients ; ils ont été fidèles à leur vocation qui trouve sa source dans la compassion. « La compassion est également une voie privilégiée pour édifier la justice parce que, en nous mettant dans la situation de l’autre, elle nous permet non seulement de rencontrer leur fatigue, leurs difficultés et leurs peurs, mais aussi de découvrir, à l’intérieur de la fragilité qui caractérise tout être humain, leur caractère précieux et leur valeur unique, en un mot : leur dignité. Parce que la dignité est le fondement de la justice, tandis que la découverte de l’inestimable valeur de tout homme est la force qui nous pousse à surmonter les disparités avec enthousiasme et abnégation »[4].

Pour un monde plus sain

Dans l’expérience actuelle de la pandémie, nous découvrons que nous sommes frères, tous dans le même bateau, responsables les uns des autres, que notre bien-être dépend également des comportements responsables de tous[5]. L’humanité redécouvre le sens de l’interdépendance réciproque : une maison commune, pour prendre soin de la création et aux personnes qui l’habitent. Dans la véritable fraternité, l’individualisme et l’égoïsme peuvent être vaincus par la confirmation que seule la recherche du bien de tous peut conduire à mon bien. La pandémie, en particulier, nous a enseigné que la santé est un bien commun de sorte qu’en protégeant ma santé, je protège la santé de l’autre et de la communauté tout entière.

La santé mentale, durement éprouvée en cette période de pandémie, est une question qui mérite une attention particulière. A cet égard, le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral a élaboré un document, consultable sur son site [6] et intitulé « Accompagner les personnes en souffrance psychologique dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Membres d’un seul corps, aimés par un unique amour ». Le document propose quelques éléments de réflexion à ceux qui sont proches de personnes touchées par la pandémie et à tous ceux qui sont appelés à les accompagner, au sein de leur famille ou à l’intérieur des structures sanitaires.

Il est urgent de prendre soin des personnes qui nous ont soignés. Les gouvernants et les responsables des politiques économiques et sanitaires ont la responsabilité de garantir de meilleures conditions de travail aux professionnels de la santé. Ceci requiert des investissements économiques mesurés, prudents et éthiques, qui soient dirigés à accompagner le développement des potentialités humaines ; de même, nous soulignons la formation des professionnels de la santé à la santé intégrale comme un bien des personnes individuelles et de la collectivité ; cela nécessite de promouvoir la prévention, les soins et la pédagogie en vue d’une éducation à la santé intégrale.

Il faut également accorder davantage d’attention aux institutions sanitaires, en particulier à celles qui sont privées de soutien financier de la part de l’Etat, comme celles de l’Eglise et des communautés de croyants qui, aux quatre coins de la terre, souvent éloignées, représentent les seuls lieux d’accès aux soins de santé.

Les inégalités en matière de santé sont injustes, mais on peut aussi les prévenir par des stratégies visant à garantir un accès équitable à l’assistance sanitaire, surtout pour les groupes plus vulnérables et marginalisés. Une plus grande équité dans la protection de la santé dans le monde ne peut être obtenue qu’à travers un engagement moral renouvelé de la part des pays possédant davantage de ressources envers les pays plus démunis. Il est souhaitable que l’on parvienne à garantir à tous les individus et à toutes les communautés la couverture de santé universelle. C’est un objectif impérieux à atteindre pour construire un monde plus juste et plus sain, un monde meilleur, un monde de paix que nous rêvons et que nous croyons encore possible [7].

______________________

[1] Pape François, Message Urbi et Orbi – Noël 2020, 25 décembre 2020.
[2]
 Nouvelle Charte des professionnels de la santé, n. 141
[3]
 Pape François, Message aux participants à la XXXII Conférence internationale sur le thème : affronter les disparités mondiales en matière de santé, 18 novembre 2017.
[4]
 Pape François, Message aux participants à la  XXXII Conférence internationale sur le thème : affronter les disparités mondiales en matière de santé, 18 novembre 2017.
[5]
 Cf. Pape François, Lett. enc., Fratelli tutti, n. 32
[6] 
Cf. Accompagner les personnes en souffrance psychologique dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Membres d’un seul corps, aimés par un unique amour.
[7]
 Cf. Un temps pour changer (Flammarion, décembre 2020) et Dio e il mondo che verrà (Piemme-LEV, mars 2021: Dieu et le monde à venir), livres-interviews du pape François.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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