Mouvement des Focolari © Vatican Media

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Focolari: le pape recommande de « promouvoir la synodalité » (traduction complète)

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Des antidotes aux dysfonctionnements

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« Je vous exhorte à promouvoir de plus en plus la synodalité, afin que tous les membres, en tant que dépositaires du même charisme, soient coresponsables et participent à la vie de l’Oeuvre de Marie et à ses fins spécifiques »:  c’est l’invitation du pape François aux membres du Mouvement des Focolari.

Le pape François a reçu, ce samedi 6 février 2021, en audience privée, dans la salle Paul VI au Vatican, les 362 participants de l’assemblée générale des Focolari, qui vient d’élire sa nouvelle présidente, Margaret Karram, alors que le mouvement se retrouve dans la tourmente après des révélations sur certains dysfonctionnements internes ayant pu conduire à des formes d’abus.

Le pape François a donc offert à ce mouvement ecclésial fondé en 1943 par Chiara Lubich, à Trente, dans le Nord-Est de l’Italie, en pleine Guerre mondiale, « quelques points de réflexion pour une croissance harmonieuse, à envisager sans auto-référence et dans un esprit synodal », résume Radio Vatican (Adélaïde Patrignani).

Le pape a notamment insisté sur la tradition ecclésiale de séparer le « for interne » (ce qui concerne la conscience) et le « for externe » qui relève du gouvernement des communautés.

Il a aussi insisté sur la co-responsabilité, la liberté, la transparence, la « synodalité », le travail ensemble, la communion, en vérité: « Qui a la responsabilité du gouvernement est appelé à favoriser et à mettre en œuvre une concertation transparente non seulement au sein des instances dirigeantes, mais à tous les niveaux, en vertu de cette logique de communion selon laquelle chacun peut mettre ses dons au service des autres, ses opinions, dans la vérité et avec liberté. »

Pour ce qui est du temps « après la fondatrice », douze ans après la mort de Chiara Lubich, le pape exhorte à la fidélité au charisme fondateur à « rester fidèle à la source originelle », dans une « attitude d’ouverture et de dialogue », sans « auto-référence »: « l’auto-référence,  – le repli sur soi – conduit toujours à défendre l’institution au détriment des personnes, et qui peut aussi conduire à justifier ou à couvrir des formes d’abus ».

Le pape a ensuite redit comment faire un bon usage de la crise: « La crise c’est une opportunité pour grandir. Toute crise est un appel à une nouvelle maturité; c’est un temps de l’Esprit, qui suscite le besoin de se mettre à jour, sans se décourager face à la complexité humaine et à ses contradictions. »

Quant à l’engagement apostolique, le pape a invité à ne pas oublier que « la proximité a été le langage le plus authentique de Dieu ».

Autant de recommandations utiles à toute communauté ecclésiale, ancienne ou nouvelle.

Voici notre traduction rapide, de travail, de l’allocution du pape François, prononcée en italien.

AB

Mouvement des Focolari © Vatican Media

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Discours du pape François

Chers frères et sœurs!

Je suis heureux de vous accueillir à l’issue de votre Assemblée générale, au cours de laquelle vous avez débattu de questions importantes et choisi les nouveaux dirigeants. Je remercie la présidente sortante, Maria Voce – merci Maria! Elle a été si bien et si humaine. Merci! – et la nouvelle élue, Margaret Karram, pour leurs paroles aimables et pour avoir gardé le souvenir de cette soirée de prière pour l’unité et la paix en Terre Sainte avec le président d’Israël et avec le président de l’Etat de Palestine. Ce furent des moments de promesse, mais la promesse est toujours là. Nous devons aller de l’avant et porter la Terre Sainte dans nos cœurs, toujours, toujours. Je vous dis, comme je l’ai dit à Maria, un grand « merci » – un vœu de tout coeur, qui s’adresse également au co-président et aux conseillers. Je suis heureux que le cardinal Kevin Farrell et Mme Linda Ghisoni, la sous-secrétaire, soient ici. Je vous salue tous, vous qui êtes ici et tous ceux qui sont connectés par streaming; et j’étends mon salut à tous les membres de l’Oeuvre de Marie que vous représentez. Pour vous encourager sur votre chemin, je voudrais vous proposer quelques réflexions que je divise en trois points: l’après-fondatrice; l’importance des crises; vivre la spiritualité avec cohérence et réalisme.

L’après-fondatrice. Douze ans après le départ de Chiara Lubich pour le Ciel, vous êtes appelés à surmonter le sentiment d’être perdus, qui est naturel, et aussi le déclin en nombre, pour continuer à être une expression vivante du charisme fondateur. Cela requiert – nous le savons – une fidélité dynamique, capable d’interpréter les signes et les besoins des temps et de répondre aux nouvelles exigences que pose l’humanité. Chaque charisme est créatif, ce n’est pas une statue de musée, non, c’est créatif. Il s’agit de rester fidèle à la source originelle en s’efforçant de la repenser et de l’exprimer en dialogue avec de nouvelles situations sociales et culturelles. Il a des racines solides, mais l’arbre grandit en dialogue avec la réalité. Ce travail de mise à jour est d’autant plus fructueux qu’il est réalisé en harmonisant la créativité, la sagesse, la sensibilité envers tous et la fidélité à l’Église. Votre spiritualité, caractérisée par le dialogue et l’ouverture à différents contextes culturels, sociaux et religieux, peut certainement favoriser ce processus. L’ouverture aux autres, quels qu’ils soient, doit toujours être cultivée: l’Évangile est destiné à tous, mais pas comme prosélytisme, non, il est destiné à tous, c’est un levain d’humanité nouvelle en tout lieu et en tout temps.

Cette attitude d’ouverture et de dialogue vous aidera à éviter toute auto-référence, qui est toujours un péché, c’est une tentation, celle de se regarder dans le miroir. Non, c’est mauvais cela. Juste pour se coiffer le matin et rien de plus! Ce fait d’éviter toute auto-référence, qui ne vient jamais du bon esprit, est ce que nous espérons pour toute l’Église: se garder de se replier sur soi, ce qui conduit toujours à défendre l’institution au détriment des personnes, et qui peut aussi conduire à justifier ou à couvrir des formes d’abus. Nous l’avons vécu avec tant de douleur, nous l’avons découvert ces dernières années. L’auto-référence nous empêche de voir les erreurs et les lacunes, ralentit le chemin, empêche une vérification ouverte des procédures institutionnelles et des styles de gouvernement. Au contraire, il vaut mieux être courageux et affronter les problèmes avec parrhésie (audace, ndlr) et en vérité, en suivant toujours les indications de l’Église, qui est Mère, est une vraie Mère, et en répondant aux besoins de la justice et de la charité. L’auto-célébration ne rend pas un bon service au charisme. Non. Il s’agit plutôt d’accueillir chaque jour avec émerveillement – n’oubliez pas l’émerveillement qui indique toujours la présence de Dieu – le don gratuit que vous avez reçu en rencontrant votre idéal de vie et, avec l’aide de Dieu, chercher à y correspondre avec foi, humilité et courage, comme la Vierge Marie après l’Annonciation.

Le deuxième thème que je voudrais vous proposer c’est celui de l’importance des crises. On ne peut pas vivre sans crise. Les crises sont une bénédiction, même à un niveau naturel – les crises de l’enfant grandissant jusqu’à l’âge adulte sont importantes – même dans la vie des institutions. J’en ai longuement parlé dans mon récent discours à la curie romaine. Il y a toujours la tentation de transformer la crise en conflit. Le conflit est mauvais, il peut devenir laid, il peut diviser, mais la crise c’est une opportunité pour grandir. Toute crise est un appel à une nouvelle maturité; c’est un temps de l’Esprit, qui suscite le besoin de se mettre à jour, sans se décourager face à la complexité humaine et à ses contradictions.

Aujourd’hui, on souligne beaucoup l’importance de la résilience face aux difficultés, c’est-à-dire la capacité de les affronter de manière positive en en tirant des opportunités. Toute crise est une opportunité pour grandir. C’est le devoir de qui occupe des postes de gouvernement, à tous les niveaux, de faire tout leur possible pour faire face aux crises communautaires et organisationnelles de la manière la meilleure et la plus constructive; au contraire, les crises spirituelles des personnes, qui impliquent l’intimité de l’individu et la sphère de la conscience, exigent d’être abordées avec prudence par ceux qui n’occupent pas de charge de gouvernement, à tous niveau, au sein du Mouvement. Et cela a toujours été une bonne règle de l’Église – chez les moines, toujours -, qui vaut non seulement pour les moments de crise des personnes, mais en général pour leur accompagnement sur le chemin spirituel. C’est cette sage distinction entre for externe et for interne qui est indispensable selon ce qu’apprennent l’expérience et la tradition de l’Église. En fait, le mélange de la sphère du gouvernement et de la sphère de la conscience donne lieu aux abus de pouvoir et d’autres abus dont nous avons été témoins, lorsque la « poêle » de ces vilains problèmes a été découverte.

Enfin, le troisième point: vivre la spiritualité avec cohérence et avec réalisme. Cohérence et réalisme. «Cette personne fait autorité… Pourquoi fait-elle autorité? Parce qu’elle est cohérente ». Nous disons cela si souvent. Le but ultime de votre charisme coïncide avec l’intention que Jésus a présentée au Père dans sa dernière et grande prière: « Que tous soient un» (Jn 17, 21), unis, sachant bien que c’est l’œuvre de la grâce de Dieu Un et Trine: « Comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi » (ibid.). Cette intention nécessite un engagement dans une double perspective: en dehors du Mouvement et à l’intérieur.

Quant à agir à l’extérieur, je vous encourage à être – et en cela la Servante de Dieu Chiara Lubich a donné de nombreux exemples! – des témoins de la proximité avec un amour fraternel qui dépasse toutes les barrières et rejoint toutes les conditions humaines. Dépasser les barrières, sans avoir peur! C’est le chemin de la proximité fraternelle, qui transmet la présence du Ressuscité aux hommes et aux femmes de notre temps, à commencer par les pauvres, les laissés-pour-compte, les rejetés; en travaillant avec des personnes de bonne volonté pour la promotion de la justice et de la paix. N’oubliez pas que la proximité, la proximité a été le langage le plus authentique de Dieu. Pensons à ce passage du Deutéronome, quand le Seigneur a dit: « Pensez: quel peuple a eu des dieux aussi proche de je suis proche de vous? » Ce style de Dieu, de proximité, a été de l’avant, de l’avant, de l’avant, pour arriver à la grande proximité, à l’essentiel: le Verbe fait chair, Dieu qui s’est fait l’un de nous. N’oubliez pas: la proximité c’est le style de Dieu, c’est le langage le plus authentique, selon moi.

Pour ce qui est de l’engagement à l’intérieur du Mouvement, je vous exhorte à promouvoir de plus en plus la synodalité, afin que tous les membres, en tant que dépositaires du même charisme, soient coresponsables et participent à la vie de l’Oeuvre de Marie et à ses fins spécifiques. Qui a la responsabilité du gouvernement est appelé à favoriser et à mettre en œuvre une concertation transparente non seulement au sein des instances dirigeantes, mais à tous les niveaux, en vertu de cette logique de communion selon laquelle chacun peut mettre ses dons au service des autres, ses opinions, dans la vérité et avec liberté.

Chers frères et sœurs, à l’imitation de Chiara Lubich, écoutez toujours le cri d’abandon du Christ sur la croix, qui manifeste la plus haute mesure de l’amour. La grâce qui en résulte est capable de susciter en nous, faibles et pécheurs, des réponses généreuses et parfois héroïques; elle est capable de transformer la souffrance et même les tragédies en une source de lumière et d’espérance pour l’humanité. Dans ce passage de la mort à la vie se trouve le cœur du christianisme et aussi de votre charisme. Je vous remercie beaucoup pour votre joyeux témoignage de l’Évangile que vous continuez à offrir à l’Église et au monde. Un témoignage joyeux. On dit que les focolarini sourient toujours, qu’ils sont toujours avec le sourire. Et je me souviens qu’une fois, j’ai entendu parler de l’ignorance de Dieu. Ils m’ont dit: « Mais tu sais que Dieu est ignorant? Il y a quatre choses que Dieu ne peut pas savoir »-« Mais que sont-elles? » – « Ce que pensent les jésuites, combien d’argent ont les salésiens, combien il y a de congrégations de soeurs, et à quoi sourient les focolarini ».

Je confie vos intentions et vos projets de bien à l’intercession maternelle de Marie, la Très Sainte Mère de l’Église, et je vous bénis de tout coeur.

Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi, car j’en ai besoin. Merci!

Copyright – Traduction de Zenit, Anita Bourdin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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