La charité chrétienne, écrit le pape François, ce n’est pas « le remplissage de son propre vide, dont l’on cherche peut-être à s’évader par un activisme “enthousiaste” qui à la longue n’est pas crédible et ne perdure pas dans le temps ».
Dans un texte inédit publié dans le livre “Il cielo sulla terra. Amare e servire per trasformare il mondo” (Librairie éditrice du Vatican) préfacé par le révérend Martin Junge, secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale.
« Peut-on encore croire à la possibilité d’un monde nouveau, plus juste et plus fraternel ? Peut-on vraiment espérer dans une transformation des sociétés où nous vivons, qui ne soient plus dominées par la loi du plus fort et l’arrogance du dieu argent, mais par le respect de la personne et une logique de gratuité ? », demande le pape.
Le « fleuve des oeuvres de charité petites ou grandes » qui traverse l’humanité depuis 2000 ans a « une source », explique-t-il encore : « La charité naît d’une émotion, d’un étonnement, d’une grâce ». Et « aucun esprit honnête ne peut nier » que « chaque fois que la vie chrétienne s’est répandue dans la société de façon authentique et libre, elle a toujours laissé une trace d’humanité nouvelle dans le monde ».
Le pape François cite l’influence chrétienne dans la prise de conscience « de la valeur de chaque personne », et dans tous les domaines des cultures qu’elle a imprégnées. Mais le christianisme, avertit-il, « perd le meilleur de lui-même quand il finit par se corrompre et par s’identifier avec des logiques et des structures mondaines ».
Le pape regrette que « les mots chrétiens de notre temps s’évaporent souvent, perdent leur signification. Amour, charité… mots qui évoquent aujourd’hui un sentimentalisme vague ou une philanthropie mélancolique ».
Une nouvelle fois, il met en garde contre « un christianisme sans grâce, la foi réduite à un moralisme, à un effort de volonté titanesque et voué à l’échec ». Au contraire, le christianisme « n’a pas transformé le monde antique par des tactiques mondaines ou des volontarismes éthiques mais uniquement par la puissance de l’Esprit de Jésus ressuscité ».
Et « dès les débuts, historiquement, la charité des chrétiens est devenue attention aux besoins des personnes les plus fragiles, les veuves, les pauvres, les esclaves, les malades, les personnes marginalisées… Compassion, pâtir avec celui qui souffre, partage. Elle est devenue aussi dénonciation des injustices et engagement à les éradiquer autant que possible ».
Citant Luther, le pape prévient : « Ne crois pas que voler signifie seulement dépouiller ton prochain de ses possessions ; si tu vois ton prochain qui souffre la faim, la soif, qui a des besoins, qui n’a pas de toit, de vêtement ou de chaussures, et que tu ne l’aides pas, tu le dépouilles exactement comme celui qui vole l’argent dans une bourse ou dans la caisse ».