Un voyage du pape François est prévu en Irak du mercredi 5 au lundi 8 mars 2021, annonce le Vatican, ce lundi 7 décembre 2020, dans un communiqué, en italien et en anglais, du directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni.
Un pèlerinage de six jours en 5 étapes : Bagdad, Ur, Erbil (Kurdistan irakien), Mossoul et Qaraqosh (plaine de Ninive). Autant de lieux qui évoquent les racines de la foi chrétienne et le martyre d’une population: bombes des guerres, oppression de Daesh. Des sanctuaires chrétiens y sont restaurés avec l’aide de l’UNESCO.
« Le pape François visitera la patrie d’Abraham, le Père des fidèles, du 5 au 8 mars 2021 », se réjouit pour sa part le patriarcat chaldéen dans un communiqué en anglais et en arabe.
«Le Pape François, acceptant l’invitation de la République d’Irak et de l’Église catholique locale, effectuera un voyage apostolique dans le pays susmentionné du 5 au 8 mars 2021. Il visitera Bagdad, la plaine d’Ur, liée à la mémoire de Abraham, la ville d’Erbil, ainsi que Mossoul et Qaraqosh dans la plaine de Ninive.
Le programme du voyage sera rendu public en temps voulu et tiendra compte de l’évolution de l’urgence sanitaire mondiale », annonce Matteo Bruni.
Le président irakien Saleh, un Kurde, s’est en effet rendu au Vatican, pour la seconde fois, le 25 janvier dernier. Il vient de réagir à cette nouvelle dans un tweet @BarhamSalih en insistant, en anglais, sur ce message de « paix », de « justice » et de « dignité »: « Sa Sainteté le Pape se rendra en Irak en mars 2021. Le voyage du Pape François en Mésopotamie – berceau de la civilisation, lieu de naissance d’Abraham, père des fidèles – sera un message de paix aux Irakiens de toutes religions et servira à affirmer nos valeurs communes de justice et de dignité. »
Une population épuisée par les guerres
En 2018, le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin s’était lui-même rendu en Irak, au chevet d’un pays épuisé par les guerres et l’emprise de Daesh. Mais qui relève la tête et reconstruit ses villes.
Le pape François avait annoncé sa volonté de se rendre en Irak devant les participants à la 92e Assemblée plénière de la ROACO (Réunion des Œuvres d’Aide aux Églises Orientales), le 10 juin 2019.
Et en juillet 2019 déjà nous annoncions cette visite comme envisagée en 2020: le gouvernement avait débloqué les crédits nécessaires. La pandémie de covid-19 aura imposé un délai supplémentaire.
« Nous sommes honorés d’annoncer que Sa Sainteté le Pape François a accepté l’invitation du Président de la République d’Irak, Dr. Barham Saleh et de Sa Béatitude, le Patriarche Louis Raphaël Card. Sako », écrit encore le patriarcat chaldéen.
Le pape François réalise ainsi le rêve de Jean-Paul II qui n’a pas pu faire le pèlerinage à Ur, sur les pas d’Abraham, en l’an 2000.
On se souvient de la sollicitude de Jean-Paul II, comme le rapportait récemment le cardinal Parolin: « A la veille de guerre en Irak en 2003, qu’il chercha à conjurer par tous les moyens. Devant le Corps diplomatique, Jean-Paul II lança ce cri : « Non à la guerre : la guerre n’est jamais une fatalité ; elle est toujours un échec de l’humanité ». »
Le cardinal français Roger Etchegaray s’était rendu sur place en février 2003, en avion et en voiture, pour une ultime tentative diplomatique visant à empêcher la guerre.
Plus tôt encore, ses pèlerinages aux Lieux saints pour entrer dans le Troisième millénaire incluaient au départ l’Irak.
Le rêve de Jean-Paul II
Le pèlerinage avait été finalement uniquement mais réellement « spirituel » avec une célébration dans la salle Paul VI du Vatican orné de chênes pour rappeler la rencontre biblique d’Abraham avec les Trois Anges à Mambré, et avec des vidéos du pays du patriarche.
Dans sa Lettre du 29 juin 1999 sur les Lieux qui ont été marqués par l’histoire du salut, Jean-Paul II souligne le rapport du premier des Patriarches, le « Père des croyants », au Christ: « Abraham est pour nous, par antonomase, le « père dans la foi » « , écrit le pape. Dans l’Evangile de Jean, on lit la parole que le Christ prononça un jour à son sujet: « Abraham votre père a tressailli d’allégresse dans l’espoir de voir mon Jour. Il l’a vu, et il a été dans la joie » (8, 56).”
C’est en effet avec saint Abraham (v. 1700 avant Jésus-Christ), dont le martyrologe romain fait mémoire le 9 octobre, que “commence la grande marche du peuple de Dieu”.
Le saint pape Jean-Paul II disait aussi son désir de se rendre à Ur en Chaldée, l’actuel Tal al Muqayyar dans le sud de l’Irak, ville où, selon le récit biblique, « Abraham entendit la parole du Seigneur qui l’arrachait à sa terre, à son peuple, en un sens à lui-même, pour faire de lui l’instrument d’un dessein de salut qui embrassait le futur peuple de l’Alliance et même tous les peuples du monde ».
Ne pouvant s’y rendre en raison de la situation politique internationale, le pape a choisi de commencer son pèlerinage jubilaire par un voyage spirituel, liturgique, sur les pas d’Abraham, le 23 février 2000, en la salle Paul VI du Vatican, ornée de chênes pour rappeler l’épisode biblique de la visite des Trois Anges à Mambré, représentée par l’icône d’Andrei Roublev “L’hospitalité d’Abraham” aussi appelée “Icône de la Sainte Trinité”. Des images de l’Irak ont aussi été projetées.
“’Le Seigneur dit à Abraham: « Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction! […] En toi seront bénies toutes les familles de la terre’ » (Gn 12, 1-3).
Par ces paroles, explique encore le pape Jean-Paul II dans sa Lettre, commence la grande marche du peuple de Dieu. Vers Abraham regardent non seulement ceux qui sont fiers de descendre physiquement de lui, mais aussi ceux – et ils sont innombrables – qui se considèrent comme sa descendance « spirituelle » parce qu’ils partagent sa foi et son abandon sans réserve à l’initiative salvifique du Tout-Puissant.”
Dans son homélie, le 23 février 2000, le pape concluait en évoquant Marie, fille d’Abraham: “Le modèle inimitable du peuple racheté, en marche vers l’accomplissement de cette promesse universelle, est Marie, « celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur » (Lc 1, 45). Fille d’Abraham selon la foi, outre que selon la chair, Marie en partagea en première personne l’expérience. Elle aussi, comme Abraham, accepta l’immolation du Fils, mais alors que le sacrifice effectif d’Isaac ne fut pas demandé à Abraham, le Christ but le calice de la souffrance jusqu’à la dernière goutte. Et Marie participa personnellement à l’épreuve de son Fils, croyant et espérant, debout à côté de la croix (cf. Jn 19, 25). C’était l’épilogue d’une longue attente. Formée dans la méditation des pages prophétiques, Marie savait ce qui l’attendait et en exaltant la miséricorde de Dieu, fidèle à son peuple de génération en génération, elle exprimait sa propre adhésion à son dessein de salut; elle exprimait en particulier son « oui » à l’événement central de ce dessein, le sacrifice de cet Enfant qu’elle portait dans son sein. Comme Abraham, elle acceptait le sacrifice de son Fils. Aujourd’hui, nous unissons notre voix à la sienne, et avec Elle, la Vierge Fille de Sion, nous proclamons que Dieu s’est rappelé de sa miséricorde, « selon qu’il l’avait annoncé à nos pères – en faveur d’Abraham et de sa postérité à jamais » (Lc 1, 55).”