Mgr Francesco Follo invite, à la lumière des lectures de la messe de dimanche prochain, 6 décembre 2020, à « comprendre que la conversion, c’est se jeter aux pieds du Seigneur, afin qu’Il nous élève à Lui-même ».
Dans ce commentaire des lectures du deuxième dimanche de l’Avent, l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, fait notamment observer que « toute la vie est un Avent ».
Comme lecture patristique, Mgr Follo propose un passage d’une homélie d’Origène (+ 253) sur saint Luc (22, 1-4), dans laquelle celui-ci fait observer: « Donc Jésus mon Seigneur est venu; il a égalisé nos aspérités et converti en routes unies tout ce qui était chaotique, pour faire de nous un chemin sans danger de chute, un chemin facile et très pur, pour que Dieu le Père puisse progresser en nous et que le Seigneur Jésus Christ fasse en nous sa demeure. »
L’Avent : temps de conversion
1-Jean-Baptiste nous invite à nous convertir à Quelqu’un et non à quelque chose.
La liturgie de la Parole du premier dimanche de l’Avent nous a invités à être vigilants pour être prêts à la venue de Dieu qui veut être proche de nous. Dimanche dernier, le Christ a répété « à tous : veillez ! » (Mc 13,37). S’il faut être vigilant, cela signifie que nous sommes dans la nuit. « Maintenant nous ne vivons pas dans le jour, mais dans l’attente du jour, parmi l’obscurité et la fatigue. Le jour viendra où nous serons avec le Seigneur. Cela viendra, donc ne soyons pas découragés et veillons, c’est-à-dire attendons le Seigneur qui se fait prochain. Attendre ne doit pas être submergé par le découragement, et cela s’appelle vivre dans l’espérance » (Pape François). L’invitation que le Christ adresse non seulement à ses disciples, mais aussi à nous tous : « Veillez ! (Mt 13, 37) est un rappel utile où la vie n’a pas seulement une dimension terrestre, mais où elle est aussi projetée vers un « au-delà », comme une petite plante qui jaillit de la terre et qui s’ouvre vers le ciel. Une plante pensante (cf. Pascal), un homme, doué de liberté et de responsabilité, par laquelle chacun de nous sera appelé à rendre compte de sa vie, de la manière dont il a utilisé ses capacités : qu’il les garde pour lui ou les fasse fructifier aussi pour le bien des frères.
La liturgie de la Parole de ce deuxième dimanche de l’Avent nous offre la figure de Jean-Baptiste. À travers le récit de l’Évangile d’aujourd’hui, le Précurseur s’adresse à nous tous. Ses paroles claires et dures sont très salutaires pour nous, hommes et femmes de notre temps, où même la façon de vivre et de percevoir Noël est malheureusement affectée, très souvent, d’une mentalité matérialiste. La « voix » du grand prophète Jean nous demande de préparer le chemin du Seigneur qui vient, dans les déserts d’aujourd’hui, les déserts extérieurs et intérieurs, assoiffé de l’eau vive qui est le Christ. Que nous guide la Vierge Marie que nous célébrerons comme l’Immaculée Conception dans quelques jours ! Elle a attendu avec amour la naissance de l’Amour qu’elle portait en son sein, pour une véritable conversion du cœur et de l’esprit, afin que nous puissions faire les choix nécessaires pour nous convertir à la mentalité de l’Évangile. Nous nous tournons également vers Jean-Baptiste, car il était l’homme envoyé par Dieu pour inviter à la conversion, préparer le chemin à la venue imminente de Jésus et le désigner comme l’Agneau de Dieu qui pardonne avec un amour infini. Pour apprendre quelque chose de ce Jean, je répondrai brièvement à trois questions à son sujet : « Où est-il allé, qu’a-t-il dit et fait pour accomplir sa mission ? ».
Il est allé dans le désert. Pour nous, aujourd’hui, cela signifie aller dans le « désert » de notre cœur et prier en se mettant à l’écoute de Dieu qui conduit l’âme aimée au désert et parle à son cœur (cf Osée 2). Le Précurseur du Christ, « la voix de celui qui crie dans le désert », prêche dans le désert de l’âme qui a soif de sens, d’amour et de paix.
Il a dit « convertissez-vous », en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés qui nous est donné quand nous le demandons après nous être repentis.
Il a fait ce geste : il a administré le baptême de conversion quand conversion signifie
- Inversion, un retour en arrière, un retour à la relation précédente avec Dieu (celle d’avant le péché), prendre la route du retour, du retour chez soi comme l’a fait le Fils prodigue.
- Aplanissement du chemin du cœur que le pardon purifie et ouvre de nouveau à l’Amour. Il ne s’agit pas d’une route physique, mais de la route du cœur. La route du cœur a deux entrées : la vue et l’ouïe. Plus pur est le regard et plus facilement Jésus, qui est Lumière de la Lumière, entre en chacun de nous, plus l’oreille est tendue et plus il est facile d’entendre la « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers» (Is 40,3). C’est d’abord cette voix qui arrive aux oreilles du cœur, ensuite, après la voix, ou mieux, en même temps que la voix, c’est la parole qui pénètre dans le cœur par le biais de l’ouïe.
Mais avec la naissance de Jésus, la Parole de Dieu peut être non seulement écoutée, mais aussi être vue (cf. G. d’Igny) comme l’ont vue les bergers et les Rois Mages dans la grotte de Bethléem, les pénitents sur les rives du Jourdain, et comme nous pouvons la voir aujourd’hui dans la vie de communion fraternelle de ceux qui croient en Christ.
2-Toute la vie est un Avent
Comme je l’ai écrit plus haut, en ce deuxième dimanche de l’Avent, la liturgie de la Parole nous propose la figure du Précurseur Jean-Baptiste en s’inspirant de ce prophète du Feu.
Imitons Jean-Baptiste en vivant comme un Avent, comme une attente, notre vie tout entière et pas seulement la période qui précède Noël. En effet, le Précurseur vécut sa vie comme un témoin de l’Avent (cf. saint Jean Chrysostome, Homélie 37,1-2 in Mt, PG 57, 419-421), comme une préparation à la rencontre avec Dieu et, quand Jésus arriva auprès de lui, il le désigna aux autres comme la bonne Nouvelle. Oui, bien sûr, parce que l’Evangile, la Bonne Nouvelle, c’est Jésus lui-même, comme le rappelle la troisième lecture de ce dimanche : « Commencement de l’Evangile[1] qui est Jésus : le Christ, le Fils de Dieu » (Mc 1,1). L’Evangéliste saint Marc commence ainsi sa narration pour nous rappeler que la bonne nouvelle c’est le Christ. Lui, il est le centre de notre vie et Il attend seulement que chacun de nous lui ouvre la porte et qu’advienne le début de la vraie vie, pour nous aussi.
Le plus dramatique est que tout seuls nous apprenons seulement que nous devons mourir. La bonne nouvelle, c’est le Christ-Vie qui vainc la mort et dont l’Amour divin nous permet de vivre l’amour humain à jamais et saintement, c’est-à-dire en vérité.
L’Evangile, c’est Dieu qui vient en apportant l’amour, et tout ce qui est « non-amour » est « non-Dieu », est « non-vie » et, par conséquent, la mort. Dieu vient, Il parle au cœur humain. Voici ce qu’Il enseigne à ses prophètes : « parlez au cœur de Jérusalem, dites-lui qu’il n’y a plus de nuit » (Isaïe), mais il révèle aussi que Jésus est « le plus fort » puisqu’il est le seul qui parle au cœur avec tendresse et puissance tout en désaltérant l’homme de sa soif de justice (cf. Malachie 3,1ss), de liberté (cf. Isaïe 40,1-11) et de vie.
Mais comment pouvons-nous reconnaître le Christ quand il vient ?
En nous fondant sur l’exemple privilégié que nous offre la figure de Jean, il nous est donné de savoir comment rencontrer Dieu, comment reconnaître Jésus Christ, le Sauveur, l’Agneau qui enlève les péchés du monde, en le désignant comme Celui qui pardonne notre mal et nous donne le vrai sens de la vie et de la mort.
Contemplons donc brièvement la figure de Jean-Baptiste, fils de la vieillesse et du miracle. Il fut consacré avant sa naissance par la visite de Marie qui portait Jésus en son sein. Puis, à sa naissance, il fut consacré « Nazireo », c’est-à-dire pur. En grandissant, il ne se coupa jamais les cheveux, ne but jamais de vin, ni ne toucha aucune femme : il ne connut aucun autre amour que l’amour de Dieu. Encore jeune, il quitta la maison de ses parents et se cacha dans le désert. Là-bas, il vécut longtemps tout seul, sans maison, sans tente, sans rien d’autre que ce qu’il portait sur lui : une peau de chameau, une ceinture en cuir. En outre, barbe et cheveux longs, regard enflammé, voix forte, corps brûlé par le soleil du désert, âme brûlée et brûlante du désir du Royaume, il put annoncer le Feu de l’Amour… Ce « sauvage » fascinant apparaissait à qui allait le voir comme le dernier espoir d’un peuple égaré.
En contemplant cette grande figure, cette force dans la passion, on en vient spontanément à se demander d’où naît une vie intérieure si forte, si droite, si cohérente, toute donnée à Dieu et à Jésus pour préparer ses voies. La réponse est simple : de la relation avec Dieu, de la prière qui est le fil conducteur de toute son existence.
L’annonce de la naissance de Jean-Baptiste se fit dans un lieu de prière, le Temple de Jérusalem, ou plutôt elle advint quand Zacharie, son futur père, se trouvait à l’endroit le plus sacré du temple, le Saint des Saints, pour faire au Seigneur l’offrande de l’encens.
Même la naissance de Jean-Baptiste fut marquée par la prière : ce chant de joie, de louange et de remerciement que Zacharie éleva vers le Seigneur, le « Benedictus ». Ce chant sortit de la bouche et du cœur de Zacharie et l’Eglise le fait réciter tous les matins lors des Laudes pour exalter l’action de Dieu dans l’histoire et indiquer la mission de Jean, son fils : précéder (il est pour cela appelé le Précurseur) le Fils de Dieu qui s’est fait chair pour lui préparer le chemin et préparer le cœur du peuple à la rencontre avec le Seigneur.
L’existence entière du Précurseur de Jésus fut nourrie de sa relation avec Dieu, en particulier pendant la période passée dans le désert. Car s’il est vrai que le désert est le lieu de la tentation, il est vrai qu’il est le lieu où l’homme ressent sa propre pauvreté lorsqu’il est privé de soutien et de sécurité matérielle, et où il comprend que le seul point de repère solide reste Dieu Lui-même.
Jean-Baptiste ne fut pas seulement un homme de prière, en contact permanent avec Dieu, mais il fut aussi un guide à la prière comme moyen de renouer la relation avec Dieu en prêchant la conversion et en indiquant de la voix et du geste de la main : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde ». Il fut aussi un guide pour la prière quotidienne puisque les disciples de Jésus lui demandèrent : « Seigneur apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples » (cf Lc 11,1), et le Fils de Dieu leur enseigna le « Notre Père ».
Prier n’est pas du temps perdu ou dérobé à l’action. La prière est l’âme de chacune de nos actions, comme elle le fut pour Jean-Baptiste. La prière est du travail, parce que, comme le travail humain, sinon davantage, elle transforme les personnes et les choses. « La prière est un échange de vie : Dieu se fait homme et prend sur lui-même notre pauvreté, mais nous prenons de Lui tout ce qu’Il est » (Divo Barsotti). Dieu est Amour. Dieu est Parole. Lui le premier, adresse à l’homme une parole d’amour et nous pouvons « apprendre le cœur de Dieu dans la Parole de Dieu » (Saint Grégoire le Grand).
A l’exemple des vierges consacrées qui le jour de leur consécration ont reçu le bréviaire, afin de prier tous les jours et tout au long de la journée, prenons la Parole pour nous adresser à Dieu, c’est une Parole chargée de tout ce que nous sommes et devenue chair en nous.
En se dédiant chaque jour à la lecture de la Parole, les Vierges consacrées en font le terrain fertile de la prière. Faisons de même.
En se mettant quotidiennement à l’écoute de la Parole, les Vierges consacrées habitent la Parole en vraies disciples. Au moins pour le temps de l’Avent, nous aussi accordons un peu de temps à l’écoute de la Parole afin qu’elle prenne chair en nous.
Apprenons de ces personnes comment imiter Jean-Baptiste : avec humilité. Comme le Précurseur mit en pratique ses paroles : « Il faut que le Christ grandisse et que moi je diminue », les consacrées font humblement cela, par leur vie elles désignent leur Epoux et elles se font petites pour Lui.
Apprenons de ces femmes consacrées à vivre en toute humilité la fête de l’Immaculée Conception qui se célèbre demain, 8 décembre. Le cœur immaculé de Marie est en parfait accord avec la miséricorde de Dieu qui nous connaît tous personnellement par notre nom, un par un, et nous appelle à resplendir de sa lumière. Et ceux qui sont les premiers aux yeux du monde, pour Dieu sont les derniers ; les petits, pour Dieu sont grands comme la Vierge.
A l’exemple de Marie, et par son intercession, « nettoyons » notre cœur de tout ce qui est imparfait et laissons-le libre pour le Christ qui descend parmi nous comme un « enfant ».
Lecture patristique
Homélie d’Origène (+ 253)
Homélies sur saint Luc, 22, 1-4 (SC 67, 300-302…)
Examinons comment l’avènement du Christ est proclamé, et d’abord ce qui est écrit au sujet de Jean: A travers le désert une voix crie: Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Ce qui suit concerne en propre le Seigneur notre Sauveur, car ce n’est pas par Jean Baptiste que tout ravin sera comblé, mais par le Seigneur notre Sauveur. Que chacun se considère soi-même, ce qu’il était avant de croire, et il découvrira qu’il a été une vallée basse, une vallée en pente rapide, plongeant vers les bas-fonds. Mais le Seigneur Jésus a envoyé l’Esprit Saint, son remplaçant. Alors toute vallée a été comblée, par les bonnes oeuvres et les fruits de l’Esprit Saint.
La charité ne laisse pas subsister en vous de vallée, si bien que, si vous possédez la paix, la patience et la bonté, non seulement vous cesserez d’être vallée, mais vous commencerez à être montagne de Dieu. Nous voyons se produire et s’accomplir chaque jour pour les païens cette parole: Tout ravin sera comblé, et pour le peuple d’Israël, qui est tombé de si haut: Toute colline et toute montagne seront abaissées (Lc 3,4-5).
C’est à la faute des fils d’Israël que les païens doivent le salut: Dieu voulait les rendre jaloux (Rm 11,11). Si vous dites que ces montagnes et ces collines qui ont été abattues sont les puissances ennemies qui se dressaient contre les hommes, vous ne vous tromperez pas. En effet, pour que les vallées en question soient comblées, il faut que les puissances ennemies, montagnes et collines, soient abaissées.
Mais voyons si une autre prophétie s’est accomplie à l’avènement du Christ. Car le texte poursuit: Les passages tortueux deviennent droits. Chacun de nous était tortueux, du moins s’il l’était et ne le reste plus aujourd’hui, car, par l’avènement du Christ qui s’est réalisé pour notre âme, tout ce qui était tortueux a été redressé. A quoi peut-il nous se rvir en effet, que le Christ soit venu jadis dans la chair, s’il n’est pas venu aussi jusqu’à notre âme? Prions pour que son avènement s’accomplisse chaque jour en nous, et que nous puissions dire: Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).
Donc Jésus mon Seigneur est venu; il a égalisé nos aspérités et converti en routes unies tout ce qui était chaotique, pour faire de nous un chemin sans danger de chute, un chemin facile et très pur, pour que Dieu le Père puisse progresser en nous et que le Seigneur Jésus Christ fasse en nous sa demeure et dise: Mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. (Jn 14,23).
[1] Au ler siècle le mot évangile (du grec euangelion, bonne nouvelle) n’indiquait pas encore le genre littéraire dont l’œuvre de Marc constitue peut-être le premier exemple qui sera suivi des évangiles de Matthieu, Luc et Jean, mais il était déjà l’annonce de Jésus par les apôtres puis par la communauté chrétienne. Il est source de joie car il annonce le salut. Parlant de Jésus, il peut s’agir du sujet ou de l’objet de cette annonce.