Dieu « nous a bénis à jamais. Et il ne cessera jamais de nous bénir », a affirmé le pape François lors de l’audience générale de ce mercredi 2 décembre 2020, transmise en direct de la bibliothèque du Palais apostolique au Vatican. Jésus, a-t-il dit, voyait dans ceux qu’ils rencontraient « ce signe indélébile de la bénédiction du Père ».
Le pape a prononcé sa dix-septième catéchèse sur le thème de la prière, qu’il a consacrée à « la bénédiction ». Pour Dieu, a-t-il expliqué, « nous sommes plus importants que tous les péchés que nous pouvons faire ». En effet, « rien ne pourra jamais effacer » l’ « empreinte de bonté que Dieu a mise dans le monde, dans la nature humaine, en chacun de nous : la capacité de bénir et le fait d’être béni ».
« Dieu nous a appris à bénir et nous devons bénir », a poursuivi le pape pour qui « la racine de la douceur chrétienne », c’est cette « capacité de se sentir bénis et la capacité de bénir ». « Ce monde a besoin de bénédiction et nous pouvons donner la bénédiction et recevoir la bénédiction ».
« Si nous faisions tous cela, les guerres n’existeraient sûrement pas », a-t-il insisté, « parce que la grâce de Dieu change la vie : elle nous prend tels que nous sommes, mais ne nous laisse jamais tels que nous sommes ».
Voici notre traduction intégrale de la catéchèse prononcée en italien.
HG
Catéchèse du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui, nous nous arrêtons sur une dimension essentielle de la prière : la bénédiction. Nous continuons notre réflexion sur la prière. Dans les récits de la création (cf. Gn 1, 2), Dieu bénit continuellement la vie, toujours. Il bénit les animaux (1, 22), il bénit l’homme et la femme (1, 28) et enfin il bénit le samedi, jour du repos pour se réjouir de toute la création (2, 3). C’est Dieu qui bénit. Les premières pages de la Bible sont une répétition continuelle de bénédictions. Dieu bénit, mais les hommes également bénissent et l’on découvre rapidement que la bénédiction possède une force spéciale, qui accompagne pendant toute sa vie celui qui la reçoit et qui dispose le cœur de l’homme à se laisser transformer par Dieu (Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum concilium, 61)
Au commencement du monde, il y a donc Dieu qui « dit-du bien », qui bénit (en italien « benedice », mot à mot « bien-dit », « dit-du bien », ndr). Il voit que toutes les œuvres de sa main sont bonnes et belles et quand il arrive à l’homme et que la création est achevée, il reconnaît que c’est « très bon » (Gn 1, 31). Rapidement, cette beauté que Dieu a imprimée dans son œuvre s’altèrera et l’être humain deviendra une créature dégénérée, capable de répandre dans le monde le mal et la mort ; mais rien ne pourra jamais effacer la première empreinte de Dieu, une empreinte de bonté que Dieu a mise dans le monde, dans la nature humaine, en chacun de nous : la capacité de bénir et le fait d’être béni. Dieu ne s’est pas trompé avec la création, ni avec la création de l’homme. L’espérance du monde réside complètement dans la bénédiction de Dieu : il continue de nous aimer (en italien, « volerci-bene », mot à mot « nous vouloir du bien », ndr), lui le premier, comme le dit le poète Péguy (1), il continue à espérer notre bien.
La grande bénédiction de Dieu est Jésus-Christ, c’est le grand don de Dieu, son Fils. C’est une bénédiction pour toute l’humanité, c’est une bénédiction qui nous a tous sauvés. Il est la Parole éternelle par laquelle le Père nous a bénis « alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5, 8), dit saint Paul : Parole faite chair et offerte pour nous sur la croix.
Saint Paul proclame avec émotion le dessein d’amour de Dieu et dit ceci : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé ». Il n’y a pas de péché qui puisse effacer complètement l’image du Christ présente en chacun de nous. Aucun péché ne peut effacer cette image que Dieu nous a donnée. L’image du Christ. Elle peut être défigurée, mais non soustraite à la miséricorde de Dieu. Un pécheur peut rester dans ses erreurs pendant très longtemps, mais Dieu patiente jusqu’au dernier moment, espérant que ce cœur s’ouvrira enfin et changera.
Dieu est comme un bon père et comme une bonne mère, il est aussi une bonne mère : elles ne cessent jamais d’aimer leur enfant, quelle que soit son erreur, jamais. Il me vient à l’esprit les nombreuses fois où j’ai vu des personnes faire la queue pour entrer dans une prison. Toutes ces mamans dans la queue pour entrer voir leur enfant détenu : elles ne cessent pas d’aimer leur enfant et elles savent que les gens qui passent en bus se disent : « Ah, c’est la maman d’un détenu ». Pourtant, elles n’en ont pas honte, ou plutôt, elles ont honte mais elles continuent, parce que leur fils est plus important que la honte. De même, pour Dieu, nous sommes plus importants que tous les péchés que nous pouvons faire, parce qu’il est père, il est mère, il est pur amour, il nous a bénis à jamais. Et il ne cessera jamais de nous bénir.
C’est une expérience forte de lire ces textes bibliques de bénédiction dans une prison, ou dans une communauté thérapeutique. Faire sentir à ces personnes qu’elles restent bénies malgré leurs graves erreurs, que le Père céleste continue de les aimer et d’espérer qu’elles s’ouvriront enfin au bien. Même si leurs parents les plus proches les ont abandonnées parce qu’ils les considèrent désormais comme irrécupérables, pour Dieu, ce sont toujours ses enfants. Dieu ne peut pas effacer en nous cette image de fils ou de fille, chacun de nous est un fils, une fille. Parfois, on voit se produire des miracles : des hommes et des femmes qui renaissent. Parce qu’ils trouvent cette bénédiction qui les a marqués comme fils. Parce que la grâce de Dieu change la vie : elle nous prend tels que nous sommes, mais ne nous laisse jamais tels que nous sommes.
Pensons à ce qu’a fait Jésus avec Zachée (cf. Lc 19, 1-10) par exemple. Tout le monde voyait en lui le mal ; Jésus, lui, y perçoit une spirale de bien et à partir de là, de sa curiosité de voir Jésus, il fait passer la miséricorde qui sauve. C’est ainsi que sont transformés d’abord le cœur, puis la vie de Zachée. Dans les personnes rejetées et refusées, Jésus voyait la bénédiction indélébile du Père. Zachée est un pécheur public, il a fait beaucoup de mal, mais Jésus voyait ce signe indélébile de la bénédiction du Père et de là, sa compassion. Cette phrase qui revient si souvent dans l’Évangile : « il en eut compassion », et cette compassion le pousse à l’aider et à transformer son cœur. En outre, il est parvenu à s’identifier avec toute personne dans le besoin (cf. Mt 25, 31-46). Dans le passage du « protocole » final sur lequel nous serons tous jugés, Matthieu 25, Jésus affirme : « J’ai eu faim, j’étais nu, j’étais en prison, j’étais à l’hôpital, j’étais là… ».
A Dieu qui bénit, nous aussi nous répondons en bénissant – Dieu nous a appris à bénir et nous devons bénir – : c’est la prière de louange, d’adoration, de remerciement. Le Catéchisme indique : « La prière de bénédiction est la réponse de l’homme aux dons de Dieu : puisque Dieu bénit, le cœur de l’homme peut répondre en bénissant celui qui est la source de toute bénédiction » (n. 2626). La prière est joie et reconnaissance. Dieu n’a pas attendu que nous nous convertissions pour commencer à nous aimer, mais il l’a fait bien avant, quand nous étions encore dans le péché.
Nous ne pouvons pas seulement bénir ce Dieu qui nous bénit, nous devons tout bénir en lui, tout le monde, bénir Dieu et bénir nos frères, bénir le monde : c’est cela la racine de la douceur chrétienne, la capacité de se sentir bénis et la capacité de bénir. Si nous faisions tous cela, les guerres n’existeraient sûrement pas. Ce monde a besoin de bénédiction et nous pouvons donner la bénédiction et recevoir la bénédiction. Le Père nous aime. Et il ne nous reste que la joie de le bénir et la joie de le remercier et d’apprendre de lui à ne pas maudire, mais à bénir. Et ici, juste un mot pour les personnes habituées à maudire, les gens qui ont toujours sur les lèvres, et aussi dans le cœur, une parole méchante, une malédiction. Chacun de nous peut se demander : Ai-je cette habitude de maudire ainsi ? Et demander au Seigneur de changer cette habitude pour que nous ayons un cœur béni, et la malédiction ne peut sortir d’un cœur béni. Que le Seigneur nous apprenne à ne jamais maudire, mais à bénir.
(1) Le porche du mystère de la deuxième vertu, première éd. 1911.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat