Card. Grech, Consistoire © Vatican Media

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Le Peuple de Dieu, les évêques et Pierre: une Eglise synodale, par le card. Mario Grech

Pour une « Église de l’écoute »

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« Le cardinal Grech trace la voie d’une Église synodale », titrait Radio Vatican, le 28 novembre 2020.

Le cardinal Mario Grech, secrétaire général du synode, a en effet pris la parole au nom de 13 nouveaux cardinaux « créés » en la basilique Saint-Pierre. Il a souligné l’importance d’une « Église de l’écoute », dans le sillage de l’enseignement du pape François.

« L’Eglise est appelée à ouvrir des chemins, ou plutôt à se remettre elle-même en chemin », a-t-il notamment souligné, dans cette traduction que nous proposons à partir de l’allocution prononcée en italien.

Allocution du cardinal Mario Grech

Sainteté,

Convoqués au consistoire en des temps si graves pour toute l’humanité à cause de la pandémie, nous voulons adresser une pensée aux Fratelli tutti qui sont dans l’épreuve. Les circonstances dramatiques que l’Eglise et le monde sont en train de traverser nous mettent au défi d’offrir une lecture de la pandémie qui aide tout le monde et chacun à saisir dans cette tragédie une occasion de « repenser nos modes de vie, nos relations, l’organisation de nos sociétés et surtout le sens de notre existence ».

Fondée comme « le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain», l’Eglise est appelée à ouvrir des chemins, ou plutôt à se remettre elle-même en chemin. C’est la leçon du Concile Vatican II, dans le chapitre II de Lumen gentium, qui retrouve l’idée de Peuple de Dieu en chemin : pour le Nouveau Testament la condition des chrétiens est celle des pèlerins, qui vivent dans le monde comme des étrangers, en sachant bien que nous ne pourrons atteindre la plénitude que dans le Royaume de Dieu. Encore une fois, au début d’un nouveau millénaire, l’Esprit semble nous dire que nous devons redevenir ceux « qui suivaient le Chemin du Seigneur » (cf. Ac 9, 2).

Une Eglise qui chemine est une Eglise qui « chemine ensemble ». Le Peuple de Dieu n’est pas une somme d’individus; il est le « saint Peuple fidèle de Dieu ». S’il marche « ensemble », il ne se trompe pas de route, parce que comme la totalité des baptisés, il exerce cette capacité « infaillible in credendo », le sensus fidei que vous invitez beaucoup à écouter pour discerner « ce que l’Esprit dit à l’Eglise ». C’étaient les sollicitations que vous, Sainteté, avez faites à tous à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution du Synode, quand vous dessiniez le profil d’une « Eglise constitutivement synodale ».

Une Eglise synodale est « une Eglise de l’écoute ». L’écoute réciproque comme écoute de l’Esprit est peut-être la façon la plus véritable de réaliser cette « pensée ouverte, c’est-à-dire incomplète, toujours ouverte au maius de Dieu et de la Vérité, toujours en développement » que vous, Sainteté, soulignez volontiers comme disposition du bon philosophe, du bon théologien, évidemment aussi du “bon évêque”. Il ne s’agit d’aucune façon de relativisme; plutôt, on saisit ici le dynamisme même de la Tradition, en vertu de laquelle « l’Église, tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu ».

A l’intérieur de ce dynamisme, s’éclaire le profil de l’Eglise synodale et de la synodalité comme forme et style de l’Eglise. C’est la vision que vous, Saint Père, nous proposez avec force. La constitution Episcopalis communio essaie de la mettre en pratique, en interprétant le Synode des évêques non plus comme événement, mais comme processus, dans lequel sont impliqués en synergie le Peuple de Dieu, le Collège des évêques et l’évêque de Rome, chacun selon sa fonction. J’aime souligner le rôle incontournable du Peuple de Dieu dans ce processus. De cette façon le sensus fidei retrouve sa fonction, qui permet de pratiquer l’écoute comme principe d’une Eglise vraiment toute synodale.

La synodalité introduit tous les niveaux de vie et de mission de l’Eglise dans une dynamique de circularité féconde : les Eglises particulières, les provinces et les régions ecclésiastiques, l’Eglise universelle, où le Collège des cardinaux offre aussi sa contribution, sont insérés dans ce processus synodal qui manifeste « un dynamisme de communion qui inspire toutes les décisions ecclésiales ».

Et c’est la base de la mission que nous sommes appelés à réaliser ensemble, et au service de laquelle se met le Secrétariat du Synode. Ce dernier peut collaborer pour faciliter les passages entre les niveaux d’exercice de la synodalité. Son premier devoir est celui de l’écoute : j’ai déjà écrit à tous les évêques, en offrant notre disponibilité, et beaucoup, de tous les coins de la terre, m’ont confirmé l’importance de l’écoute réciproque. Mais je crois et je désire que le Secrétariat puisse faire davantage, par exemple en soutenant les évêques et les Conférences épiscopales dans la maturation d’un style synodal, sans interférer, mais en accompagnant les processus en cours aux divers niveaux de la vie ecclésiale.

Cela peut être la modalité par laquelle le Secrétariat du Synode participe au dynamisme de « l’Eglise en sortie », dans un monde qui, dans les circonstances dramatiques que nous traversons, a encore plus besoin que l’Eglise soit vraiment « sacrement universel du salut » (LG 48). C’est l’espérance qui nous soutient, don de l’Esprit Saint pour les temps difficiles. Charles Péguy, dans Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, l’imaginait comme « une enfant », « qui n’a l’air de rien du tout », la plus petite des trois entre la foi, comparée à une épouse, et la charité, vue comme une mère. Et il concluait : « Le peuple chrétien n’a d’attention que pour les deux grandes sœurs. La première et la dernière …. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c’est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs. »

« Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » Que Marie, la Stella maris, que nous les Maltais vénérons sous le titre de Vierge Ta’ Pinu, nous insuffle cette espérance. A vous, Saint Père, qui avez voulu nous choisir pour un service plus direct à l’Eglise, nous demandons votre bénédiction.

Traduction de Zenit, Anne Kurian-Montabone

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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