"Le Ciel sur la Terre" @ Librairie éditrice du Vatican

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Publication: le pape François salue «la force transformatrice du christianisme»

«Aimer et servir pour transformer le monde»

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Le pape François salue « la force transformatrice du christianisme dans le devenir de l’histoire » notant que « chaque fois que la vie chrétienne s’est répandue dans la société de manière authentique et libre, elle a toujours laissé une trace de nouvelle humanité dans le monde ». « La plus grande nouveauté » du christianisme « sur le plan social, explique le pape, a été la prise en compte de la valeur de chaque personne, une sensibilité qui conduisait à ne pas rejeter les individus imparfaits comme inutiles ».

C’est ce qu’il écrit dans un texte inédit qui figure dans le livre en italien intitulé « Le Ciel sur la terre. Aimer et servir pour transformer le monde ». Publié par la Libreria Editrice Vaticana (LEV), le livre sort en italien demain, mardi 24 novembre 2020 dans la collection œcuménique « Échange de dons » et il rassemble divers textes prononcés par le pape François, indique Vatican News du 22 novembre. La préface est écrite par le secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale, Martin Junge.

« C’est lorsque le christianisme s’enracine dans l’Évangile qu’il donne le meilleur à la civilisation », affirme le pape: « Bien entendu, cette observation est également historiquement valable pour le négatif… le christianisme perd le meilleur de lui-même lorsqu’il finit par se corrompre et s’identifier aux logiques et aux structures du monde. »

L’expérience de saint Paul

Une « origine de la dynamique transformatrice chrétienne », explique le pape, est « bien illustrée dans l’expérience » de l’apôtre Paul. « Paul n’a rien fait pour rencontrer Jésus, l’initiative n’était pas la sienne », rappelle le pape François. Même « les bonnes œuvres accomplies selon la loi » – comme le disait le pape Benoît XVI – « ne pouvaient valoir son salut ». Il s’agit, souligne le pape François, d’« une gratuité absolue, à laquelle l’ancien persécuteur ne résiste pas, au contraire il l’accueille avec liberté jusqu’à ce qu’il entende cet événement comme la note dominante de sa vie ».

La charité, « dont Paul devient le témoin passionné », « n’est autre que le reflet mystérieux de cette miséricorde éprouvée dans sa vie », explique le pape. Pour comprendre la « signification chrétienne » des « paroles chrétiennes », comme « amour », « charité », « il faut penser précisément à l’expérience vécue par Paul », affirme le pape, « à la transformation qui s’opère en lui par l’initiative divine ». « Son Hymne à la Charité, dans la première lettre aux Corinthiens, reste le ‘manifeste’ le plus évocateur de la révolution que le Christ apporte au monde. »

Le pape avertit contre « une des erreurs les plus anciennes et toujours récurrentes de l’histoire de l’Église » qui est « le pélagianisme », « un christianisme sans grâce, la foi réduite à un moralisme, à un effort titanesque et infructueux de la volonté ». À ce sujet, il évoque saint Augustin, « si conscient de la blessure structurelle que chaque âme porte à l’intérieur », qui « s’est opposé de toutes ses forces à l’erreur de Pélage ». Le pape souligne que « le christianisme n’a pas transformé le monde antique avec des tactiques mondaines ou des volontarismes éthiques, mais seulement avec la puissance de l’Esprit de Jésus ressuscité ». Il affirme que « tout le fleuve des petites ou grandes œuvres de charité » « a cette source unique ». « La charité naît de l’émotion, de l’étonnement et de la grâce », ajoute le pape.

La charité du chrétien

La charité des chrétiens, poursuit le pape François, « depuis le début, historiquement », est devenue « une attention aux besoins des personnes les plus fragiles, les veuves, les pauvres, les esclaves, les malades, les marginalisés … » Cela devient aussi « une dénonciation des injustices et un engagement à les contrer autant que possible », parce que « prendre soin d’une personne signifie embrasser toute sa condition et l’aider à se libérer de ce qui l’opprime le plus ».

« La primauté de la grâce ne conduit pas à la passivité, note le pape, au contraire elle multiplie les énergies au centuple et augmente la sensibilité aux injustices. »

Ici, le pape cite les paroles de Martin Luther sur le vol : « Vous ne devez pas croire que voler signifie seulement voler votre voisin de ses biens, écrivait Luther, si vous voyez votre voisin souffrir de la faim, de la soif, du besoin, qui n’a ni maison, ni vêtements, ni chaussures, et que vous ne l’aidez pas, vous lui volez comme quelqu’un qui vole de l’argent dans un sac à main ou une boîte. Vous avez le devoir de l’aider dans le besoin. Car vos biens ne vous appartiennent pas; vous n’êtes que l’administrateur, avec la tâche de les distribuer à ceux qui en ont besoin. »

Le pape souligne qu’il s’agit d’« un regard nouveau » qui « naît de l’expérience » « de la gratuité de l’amour de Dieu », qui « aiguise plutôt le sens dramatique de nos limites, de notre être des pécheurs ». Mais précisément pour cette raison, explique le pape, « le besoin de justice accompagnée de miséricorde nous fait nous sentir plus forts ». Il cite à ce propos le théologien nord-américain Reinhold Niebuhr qui a écrit: « Toute justice qui n’est rien d’autre que la justice dégénère rapidement en quelque chose de moins que la justice. »

« Une touche de joie »

Le pape François souligne aussi que « la manière dont le chrétien s’engage du côté des plus petits est également différente ». « Lorsque vous approchez des personnes vulnérables avec sincérité, avec le désir de les aider, il arrive que vous soyez renvoyé vers vos propres vulnérabilités, affirme-t-il. Nous en avons tous. Et nous avons tous besoin de guérison, nous avons tous besoin d’être sauvés. » C’est pourquoi, explique-t-il, « la charité sincère conduit toujours à la prière, à la mendicité de la Présence de Dieu qui seule peut guérir nos blessures intérieures et celles des autres ».

Le pape nomme « un autre trait distinctif dans l’action du chrétien envers le plus petit » : « C’est une touche de joie qui reste toujours, peut-être parfois cachée, même face aux expériences les plus négatives et les plus douloureuses. C’est la compagnie d’une Présence qui ne dépend pas en fin de compte des circonstances extérieures, mais qui est donnée …; une familiarité avec Jésus dans laquelle des progrès se font jour après jour dans la prière et dans la lecture de l’Évangile. »

Le pape termine son texte par un poème de Charles Péguy sur « la racine de l’espérance de changement » que le poète voit – écrit le pape – « comme la vertu enfantine qui marche presque cachée entre les jupes des deux sœurs aînées (foi et charité), mais qui en réalité … leur tient la main et les soutient ».

Le pape cite ce passage du Porche de la deuxième vertu, de Charles Péguy:

« Pour ne pas aimer son prochain, mon enfant, il
faudrait se boucher les yeux et les oreilles.
À tant de cris de détresse […].

Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne.
Moi-même.
Ça c’est étonnant.

Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se
passe et qu’ils croient que demain ça ira mieux.
qu’ils voient comme ça se passe aujourd’hui et qu’ils
croient que ça ira mieux demain matin.
Ça c’est étonnant et c’est bien la plus grande mer-
—veille de notre grâce.
Et j’en suis étonné moi-même.
Et il faut que ma grâce soit en effet d’une force
incroyable.
Et qu’elle coule d’une source et comme un fleuve
inépuisable.
Depuis la première fois qu’elle coula et depuis
toujours qu’elle coule. »

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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