Evgeny Afineevsky © Vatican Media

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Rien de nouveau ni contre la « Doctrine » dans les propos du pape François sur les unions homosexuelles

Non au rejet, oui à la couverture légale

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Un documentaire sorti à Rome ce mercredi 21 octobre 2020 fait grand bruit: le pape François y parle notamment des unions homosexuelles et il affirme qu’il est bon qu’elles aient un cadre juridique. Mais il semble qu’en fait le pape ne dise « rien de nouveau », déclare le p. Antonio Spadaro, ni rien qui soit contre la « Doctrine » catholique.

Il s’agit du documentaire « Francesco », du cinéaste d’origine russe, Evgeny Afineevsky, 48 ans, et dont c’est aujourd’hui l’anniversaire: le pape le lui a souhaité lors d’une rencontre privée au Vatican.

Le réalisateur a été salué par la critique pour son travail qui a recueilli des témoignages et des images ou des paroles du pape François et de personnalités, comme le pape émérite Benoît XVI, le cardinal Luis Antonio Tagle, Mgr Charles Scicluna, un neveu du pape, José Ignacio Bergoglio, trois membres de Sant’Egidio – Daniela Pompei, Mauro Garofalo, et Alberto Quattrucci -, Soeur Norma Pimentel, avocate des réfugiés du Mexique, Juan Carlos Cruz, Chilien, victime d’abus sexuels et activiste pour les survivants comme lui.

Le père Antonio Spadaro, jésuite italien proche du pape, directeur de La Civiltà Cattolica, a confié ce mercredi soir au journal télévisé de la télévision catholique Tv2000 que le passage de l’entretien dans lequel le pape parle en espagnol des unions civiles (très précisément, de convivencia, vie ensemble) est extrait d’une interview réalisée il y a quelque temps par la journaliste vaticaniste Valentina Alazraki pour la télévision mexicaine. Et qu’il n’y a « rien de nouveau ». En tant qu’archevêque de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio avait la même position.

Non au rejet, oui à la couverture légale

Que dit le pape, en espagnol? Il parle, dans l’interview mexicaine, de « l’intégration familiale des personnes avec orientation homosexuelle ». Et il souligne, dans l’extrait du documentaire: « Les personnes homosexuelles ont le droit d’être dans une famille, ils ont droit à une famille. On ne peut chasser personne de sa famille, ni lui faire une vie impossible pour cela. » C’est un montage à partir de trois extraits de l’interview (pas nouvelle et sur YouTube), de Valentina Alazraki. On comprend que le pape a le souci que les personnes homosexuelles ne soient pas rejetées par les leurs. La confusion sur le sens de « famille » dans la réponse du pape vient de la séquence précédente montrant des enfants d’un couple homosexuel accueillis dans une paroisse.

Le pape ajoute alors sans transition une réponse sur un autre sujet : « Les personnes homosexuelles vivant ensemble ont le doit à une couverture légale. Ce que nous devons faire, c’est une loi de vie commune (« convivencia ») civile: ils ont le droit d’être couverts légalement. J’ai défendu cela. »

Le pape ne parle pas « d’unions civiles », en espagnol, c’est « convivencia »: « vivre ensemble », le terme semble très large volontairement, cela ne renvoie pas à des schémas légaux précis. Ce passage est précédé d’images d’illustration d’une messe à Sainte-Marthe ce qui indique une coupe dans l’audio et dans les images. On voit bien que le pape est passé à un autre thème: cela ressemble bien à une réponse à une nouvelle question, coupée pour les exigences du format du documentaire… Ce passage semble être un inédit de l’entretien mexicain : il n’est pas retenu dans la longue interview de Valentina Alazraki.

Quoi qu’il en soit de ce montage, les propos du pape François ne peuvent pas être isolés de ce que le pape dit dans son livre entretien avec le journaliste français Dominique Wolton – « Politique et société, rencontres avec Dominique Wolton » (Editions de l’Observatoire, 2017) – qui lui demande clairement: « Que penser du mariage avec des personnes de même sexe? » Le pape répond d’abord sur la terminologie en disant que le mot « mariage » est un mot « historique »: « Depuis toujours dans l’humanité, et non pas seulement dans l’Eglise, c’est un homme et une femme. On en peut pas changer cela comme ça (…). On ne peut pas changer cela. C’est la nature des choses. Elles sont comme ça. »

Revenant aux unions homosexuelles, le pape ajoute: « Appelons donc cela les « unions civiles ». Ne plaisantons pas avec les vérités. Il est vrai que derrière cela, il y a l’idéologie du « genre ». Dans les livres aussi les enfants apprennent que l’on peut choisir son sexe. Parce que le genre, être une femme ou être un homme, ce serait un choix et pas un fait de la nature? Cela favorise cette erreur. Mais disons les choses comme elles sont: le mariage, c’est un homme avec une femme. Ca c’est le terme précis. Appelons l’union du même sexe « union civile ». »

« Rien de nouveau »

Pour le p. Antonio Spadaro, qui accompagne le pape dans ses voyages, « le réalisateur du film « Francesco » met ainsi ensemble une série d’interviews qui ont été faites au pape François au cours du temps, ce qui donne une grande synthèse de son pontificat et de la valeur de ses voyages ».

Il y a entre autres, ajoute l’expert du pontificat, « des passages tirés d’une interview de Valentina Alazraki, une journaliste mexicaine, et le pape y parle d’un droit à la protection légale des couples homosexuels mais sans entacher la Doctrine. »

Il signale un autre témoignage recueilli dans le film où « il est dit explicitement que le pape François n’a pas l’intention de changer la Doctrine » et il ajoute: « En même temps le pape François est très ouvert aux exigences réelles de la vie concrète des personnes. »

Le p. Spadaro conclut : « Donc, il n’y a rien de nouveau. Il s’agit d’une interview donnée déjà il y a un bout de temps et déjà connue de la presse. Mais en même temps on comprend comment à l’intérieur de ce film, on répète l’importance (…) de l’écoute et de la protection de personnes qui vivent des situations de crise ou de difficulté. Ce qui reste et ce qui frappe c’est la capacité d’écoute que le pape manifeste. »

Amoris laetitia

Le p. Spadaro ne cite pas le document mais on peut se rappeler que l’exhortation apostolique du pape François, Amoris Laetitia (19 mars 2016) – qui a noué la gerbe de deux synodes sur la famille -, consacre deux paragraphes à ces thèmes: accompagnement en famille et unions civiles.

Il s’agit que les familles accompagnent – et ne rejettent pas – ceux qui ont une orientation homosexuelle: « L’Eglise fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exception. Avec les Pères synodaux, j’ai pris en considération la situation des familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle, une expérience loin d’être facile tant pour les parents que pour les enfants. C’est pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter  » toute marque de discrimination injuste » et particulièrement toute forme d’agression et de violence. Il s’agit, au contraire, d’assurer un accompagnement respectueux des familles, afin que leurs membres qui manifestent une tendance homosexuelle puissent bénéficier de l’aide nécessaire pour comprendre et réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie » (n. 250).

Mais il ne s’agit pas de parler de « mariage » homosexuel, disent aussi les synodes et le texte: « Au cours des débats sur la dignité et la mission de la famille, les Pères synodaux ont fait remarquer qu’en ce qui concerne le « projet d’assimiler au mariage les unions entre personnes homosexuelles, il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ». Il est inacceptable que « les Eglises locales subissent des pressions en ce domaine et que les organismes internationaux conditionnent les aides financières aux pays pauvres à l’introduction de lois qui instituent le « mariage » entre des personnes de même sexe » (n. 251). »

Mis à jour à 15h40, 22 octobre

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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