Cardinal Stella © Wikimedia commons

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Jean-Paul Ier : la première biographie intégrale

Préface du cardinal Beniamino Stella

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À l’occasion de l’anniversaire de l’élection d’Albino Luciani à la chaire de Pierre (26 août 1978), L’Osservatore Romano en italien du 26 août 2020 publie un texte tiré d’une préface du cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé et postulateur de la cause de canonisation.

Dans ce texte préfaçant l’ouvrage de Stefania Falasca, Davide Fiocco et Mauro Velati, Jean-Paul Ier. Biographie ex documentis, publié par la Libraire Éditrice du Vatican (LEV), le cardinal Stella explique que « ces pages constituent la tentative de restituer l’intégralité d’un itinéraire humain, religieux et culturel, en faisant ressortir le trésor d’une dignité sapientielle, celle d’un prêtre, évêque, patriarche et enfin successeur de Pierre ».

La Biographie ex documentis, explique le préfet, est « le fruit de dix années d’un travail de recherche méticuleuse, dirigé par Stefania Falasca, vice-postulatrice de la cause de canonisation ». L’ouvrage est divisé en douze chapitres, dont chacun est accompagné de la publication des documents y afférents et divisé en quatre parties.

Parmi les témoignages, écrit le cardinal Stella, on trouve celui du pape Benoît XVI qui a « une importance historique absolue », il est « unique, car c’est la première fois qu’un pape donne un témoignage de visu sur un autre pape, le premier cas dans l’histoire des causes de canonisation ».

Dans la préface, le cardinal exprime aussi sa « vénération personnelle » pour Jean-Paul Ier, « cet homme de Dieu ». « C’était un maître avisé dans la foi et un communicateur passionnant de la Parole de Dieu, « catéchiste incomparable », comme l’a appelé le pape Benoît XVI. Ce sont les caractéristiques que je considère comme exemplaires chez lui. »

Voici le texte tiré de la préface du cardinal Beniamino Stella, traduit en français par Zenit.

MD

« Le trésor d’une dignité sapientielle », par le cardinal Stella :

En 2008, dans le cadre d’un congrès, l’historien vénitien Giorgio Cracco soulignait qu’il trouvait extraordinaire de pouvoir se consacrer à une figure comme Albino Luciani dont « il semble que personne ne veuille vraiment parler (et en disant ‘vraiment’, je veux dire en termes rigoureusement scientifiques, à savoir sur la base de textes et de documents) » ; il faisait observer combien, sur le plan de l’intérêt historiographique, Jean-Paul Ier avait trouvé jusqu’à ce moment un espace modeste, pour ne pas dire minimal, suscitant une pâle attention comme un personnage qui serait tout sauf historique. En effet, nous devons dire que la figure, l’œuvre et la personnalité d’Albino Luciani ont été peu fréquentées dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix du siècle dernier par l’historiographie ; s’il est vrai qu’il n’a connu un nouveau succès qu’en ces premières années du XXIe siècle et en particulier pendant la dernière décennie, rares sont encore les contributions notoires du point de vue historiographique.

Je crois toutefois important de souligner combien la cause de canonisation de Jean-Paul Ier, permettant l’accès aux sources documentaires – les seules qui puissent permettre une recherche analytique et un discours sur Luciani en termes scientifiques – a contribué à avancer dans cette direction en ouvrant enfin pleinement cette possibilité. La Biographie ex documentis qui est maintenant présentée à la presse – en collaboration avec la nouvelle Fondation vaticane Jean-Paul Ier, pour la collection dédiée au pape Luciani de la Librairie Éditrice du Vatican – est le fruit de dix années d’un travail de recherche méticuleuse, dirigé par Stefania Falasca, vice-postulatrice de la cause de canonisation, qui présente scientifiquement tout le parcours biographique d’Albino Luciani – Jean-Paul Ier.

Elle reprend intégralement le quatrième volume de la Positio super vita, virtutibus et fama sanctatis, (Position sur la vie, les vertus et la réputation de sainteté, ndt), un ouvrage de plus de mille pages qui comprend la biographie ex documentis et la bibliographie générale. Signé de Stefania Falasca, Davide Fiocco et Mauro Velati qui ont collaboré à divers titres à la Positio, il s’agit d’un travail homogène divisé en douze chapitres, chacun d’eux accompagné de la publication des documents y afférents et divisé en quatre parties.

La première partie est consacrée aux années à Belluno (1912-1958). La seconde relate en trois chapitres les années de l’épiscopat à Vittorio Veneto (1959-1969), faisant émerger les caractéristiques de son orientation pastorale, sa confrontation avec les problèmes sociaux et religieux et, en particulier, sa participation active au Concile Vatican II. L’épiscopat à Venise (1970-1978), traité dans la troisième partie, est divisé en deux chapitres, tandis que la quatrième partie offre deux chapitres concernant respectivement le pontificat et la mort de Jean-Paul Ier. Le dernier chapitre, sur la mort, est traité avec sérénité et équilibre, se fondant sur une documentation et des témoignages passés au crible dans un esprit critique et dans l’unique intention de mettre en lumière la vérité historique. L’enquête, destinée à retracer les dernières heures de la vie du souverain pontife sur la base de la documentation acquise et des sources orales disponibles, a été conduite selon les critères historico-critiques adoptés, à travers des preuves documentées et la confrontation sèche et précise des témoignages. La lumière est ainsi pleinement faite sur l’épilogue de la vie du pape Luciani, montrant certainement combien sont importantes et nécessaires la recherche et la confrontation des sources pour reconstruire pleinement et avec clarté les circonstances et les causes d’un décès.

Cette section a été récemment reprise dans le livre de Stefania Falasca, Le pape Jean-Paul Ier. Chronique d’une mort, Milan 2017 et maintenant publié à nouveau pour la collection de la Librairie éditrice du Vatican consacrée à Jean-Paul Ier. La biographie se referme sur la liste complète des sources d’archives utilisées, avec une note bibliographique extrêmement riche, organisée en actes et documents officiels, écrits édités, études sur sa personne et sur son activité. Un effort notoire a également été consenti pour inventorier toutes les publications signées par Albino Luciani, ou qui lui sont attribuées et dont la liste est publiée pour la première fois.

Que le lecteur considère donc la spécificité de ce genre de biographie où confluent trois domaines de recherche.

Tout d’abord, une enquête d’archives omnino plena qui a impliqué la consultation d’environ soixante-dix documents d’archives dans trente lieux et villes différents, distinctement répertoriés dans la note bibliographique finale. Il s’agit tout d’abord des archives relatives aux lieux où Albino Luciani a vécu et travaillé et des archives institutionnelles d’organismes ou de fonds privés des personnes avec lesquelles il était en contact. Une partie de l’enquête d’archives remonte à la phase diocésaine de la Cause et a été prise en charge par la Commission historique diocésaine. Une partie a été effectuée pendant la phase romaine, ce qui implique tout d’abord les recherches nécessaires à l’acquisition complète des papiers du Serviteur de Dieu, l’étude de nature historico-scientifique, le tri de toutes les sources documentaires et relatives aux témoignages avec une évaluation critique de celles-ci, les approfondissements appropriés, les nécessaires acquisitions ultérieures et donc l’élaboration et la composition de la Positio. La rédaction de la Positio a été confiée à Stefania Falasca qui a été assistée du p. David Fiocco à partir de 2012.

Deuxièmement, la biographie prend également en compte les sources de témoignages acquises lors de plus de deux cents sessions de procès – à Belluno, Vittorio Veneto, Venise et Rome – au cours desquelles plus de 167 témoins ont été appelés. Il faut y ajouter les sources acquises pendant la phase romaine du procès. L’ouverture tardive de la Cause avait d’ailleurs compromis l’acquisition de précieux témoignages, tout comme cela avait conduit à une certaine dispersion des documents pour lesquels une recherche attentive était requise. Ainsi, entre 2008 et 2015, les dépositions de 21 autres témoins ont également été consignées au procès-verbal, notamment en ce qui concerne la période du pontificat et la mort de Jean-Paul Ier.

Parmi eux, on trouve le médecin qui avait assisté à sa mort, le Dr Renato Buzzonetti, et le précieux témoignage de la seule survivante de l’équipe de religieuses présentes dans l’appartement papal, qui l’a trouvé le lendemain de sa mort, sœur Margherita Marin. Parmi ces derniers témoignages, celui de Benoît XVI, publié le 26 juin 2015, a également une importance historique absolue, jusqu’à présent unique, car c’est la première fois qu’un pape donne un témoignage de visu sur un autre pape, le premier cas dans l’histoire des causes de canonisation.

En confiant cette étude à ceux qui chérissent la mémoire du pape Luciani, je ne peux cependant pas cacher ma vénération personnelle pour cet homme de Dieu que j’ai connu de près à la fin des années 50, lorsqu’il était évêque de mon diocèse. Je suis ensuite entré à l’Académie ecclésiastique pontificale de Rome et, d’ailleurs, c’est lui qui m’a orienté vers les études diplomatiques.

C’était un maître avisé dans la foi et un communicateur passionnant de la Parole de Dieu, « catéchiste incomparable », comme l’a appelé le Pape Benoît XVI. Ce sont les caractéristiques que je considère comme exemplaires chez lui. Ma mère a souvent cité Mgr Luciani, pour dire que le prêtre ne devrait pas avoir de comptes bancaires ni de chéquier. Je pense qu’elle l’avait entendu de sa bouche lors des visites et des réunions périodiques des parents au séminaire.

Il participait aux réunions de ses prêtres à Vittorio Veneto pour prendre le pouls de la vie diocésaine et de leur ministère. Il connaissait personnellement ses prêtres, leur rendait visite dans les presbytères à l’heure de la maladie et de la vieillesse, les recevait dans le château de l’évêque pendant des matinées entières, patient et convaincant. Il voulait que les prêtres soient préparés et formés. Le Concile Vatican II avait fortement relevé la barre des attentes et des besoins du peuple chrétien et les domaines d’attention et de soin pastoral s’étaient multipliés. C’était un pasteur qui s’efforçait patiemment de convaincre son interlocuteur, aimable et ferme dans ses décisions exigeantes, qui lui coûtaient aussi une souffrance intérieure. Il était et a toujours voulu être un prêtre et un évêque fidèle à ses racines, au milieu de son peuple et de ses prêtres. J’ai parfois dit au pape François que pour Mgr Luciani – peut-être tout comme pour lui, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires – à Rome, les « sanpietrini » (les pavés, ndt) de la place Saint-Pierre lui brûlaient les pieds. Dès qu’il avait rempli ses engagements institutionnels à la Curie et à la CEI (Conférence épiscopale italienne, ndt), il rentrait volontiers chez lui en toute hâte, pour servir son peuple, tel un bon pasteur.

Ces pages constituent la tentative de restituer l’intégralité d’un itinéraire humain, religieux et culturel, en faisant ressortir le trésor d’une dignité sapientielle, celle d’un prêtre, évêque, patriarche et enfin successeur de Pierre et de sa culture biblique, patristique, dogmatique, morale, historique et humaniste, celle d’un apôtre du Concile qu’il a incarné naturaliter et simpliciter (avec naturel et simplicité, ndt), unissant dans une synthèse heureuse et brillante nova et vetera (le nouveau et l’ancien, ndt). Au cours de son pontificat, même bref, se sont manifestées les priorités d’un pontife qui a fait avancer l’Église sur les grandes voies maîtresses indiquées par le Concile : le retour aux sources de l’Évangile et un esprit missionnaire renouvelé, la collégialité, le service dans la pauvreté ecclésiale, le dialogue avec le monde contemporain, la recherche de l’unité avec nos frères orthodoxes, le dialogue interreligieux et la recherche de la paix.

Le pape Jean-Paul Ier a donc été et reste un point de référence dans l’histoire de l’Église universelle, dont l’importance – comme l’avait souligné Jean-Paul II – est inversement proportionnelle à la durée de son très court pontificat : « Magis ostentus quam datus » (montré plutôt que donné) (cf. Jean-Paul II, Audience générale du 22 août 1979, ndt).

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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