Les méditations du Chemin de Croix au Colisée, le Vendredi Saint, vendredi 10 avril 2020, ont été recueillies et écrites par un prêtre italien, le p. Marco Pozza, théologien et aumônier de la prison Due Palazzi de Padoue, et Tatiana Mario, journaliste et bénévole.
L’annonce a été faite directement par le pape François, dans une lettre surprise adressée à Paolo Possamai, directeur des quatre principaux journaux de la province de la Vénétie (« Il Mattino di Padova », « La Nuova Venezia », »La Tribuna di Treviso », » Il Corriere delle Alpi »).
La ville de Padoue, ville du Nord Est de l’Italie, dans la province de Vénétie touchée par le coronavirus, est en effet « Capitale européenne du volontariat 2020 », relève le pape dans sa lettre.
Le pape a voulu encourager cette région, en écrivant dans la presse locale: « J’ai choisi d’en faire l’annonce dans les pages de votre journal parce que j’aimerais que mon choix soit une caresse pour la souffrance de ces jours-ci. Une caresse symbolique qui, de « Padoue capitale européenne du Volontariat 2020 », puisse s’étendre à toutes les autres villes qui partagent ce moment, et, en même temps, donnent au monde un témoignage de bonne volonté. La grande histoire est faite de nombreuses petites histoires locales, particulières qui ont une beauté propre. »
Le pape donne le ton en faisant observer le contraste entre le bénévolat et une certaine mentalité moderne: « Aujourd’hui, nous sommes soumis à la tentation de jeter au lieu de réparer, de défaire un ouvrage plutôt que de recoudre : c’est le sort que nous réservons non seulement aux objets, mais aussi aux personnes, surtout à celles qui sont le plus sans défense. »
Faisant allusion aux histoires que le Chemin de Croix tresse avec les méditations de la Passion du Christ, le pape ajoute: « Les histoires personnelles des hommes et des femmes sont cependant le patrimoine le plus important que nous ayons : à aucune d’elles ne devrait être refusé un regard aimant d’attention et un geste de bonté. Des gestes qui racontent combien l’autre est important et aimé, indépendamment de la condition de vie dans laquelle il se trouve. »
Les quatorze stations du Chemin de croix seront en effet entrelacées avec quatorze histoires de la vie des détenus, des officiers de la police pénitentiaire, des éducateurs de la prison, des bénévoles, de ceux qui administrent la justice, mais aussi des familles, de victimes, ou d’innocents injustement accusés, explique le pape.
Il explique son émotion à la lecture des méditations: « J’ai été ému en lisant les méditations écrites : je me suis senti partie prenante de cette histoire, je me suis senti frère de ceux qui ont fait des erreurs et de ceux qui acceptent de se mettre à côté d’eux pour reprendre la montée du talus. Je suis conscient qu’il n’est pas simple d’harmoniser justice et miséricorde : mais lorsque cela réussit, le gain est au profit de toute la société. Je remercie la paroisse de la prison et, avec eux, je remercie toutes les personnes qui oeuvrent en faveur de ce monde étroit : que Dieu bénisse le bon coeur de ceux qui défient l’indifférence par la tendresse. »
Voici notre traduction de la lettre du pape François, publiée en italien.
AB
Lettre du pape François
Monsieur le Directeur Paolo Possamai,
Avant tout, pardonnez le côté informel de mon geste.
À travers votre journal, avec tout le monde de vos lecteurs, je voudrais rejoindre la société civile de la ville de Padoue et toutes les communautés chrétiennes avec leurs prêtres et leur évêque. Je suis informé que cette année est celle de « Padoue capitale européenne du volontariat 2020 ». C’est donc à vous que j’écris, pour écrire symboliquement à tous. La souffrance et la mort que, comme dans d’autres parties de l’Italie, vous vivez à cause du virus est pour moi un motif de prière et de proximité humaine. C’est aussi la raison de l’espérance chrétienne : même dans ces moments-là, Dieu nous parle. Il revient à l’homme de savoir saisir, dans cette voix, un guide pour continuer de construire, ici-bas, un petit peu du Royaume de Dieu.
Mais cette situation de danger est aussi une occasion de voir de quoi sont capables les hommes et les femmes de bonne volonté. Je pense à ceux qui, ces jours-ci, s’engagent au-delà de leur devoir : le personnel médical et paramédical avant tout. La bonne volonté, toujours unie à un fort sens des responsabilités et de la collaboration avec les autorités spécifiques compétentes, devient une valeur ajoutée dont le monde a extrêmement besoin.
La volonté est un terme qui évoque le bénévolat : un thème qui, pour toute cette année, est associé à Padoue. Pour votre ville, c’est une occasion merveilleuse de raconter au monde votre ADN fait d’un emploi généreux de votre temps et de partage des talents. Je connais le bon coeur du peuple de la Vénétie : vous êtes fiers de votre histoire et responsables de tout le bien semé par ceux qui vous ont précédés. Si j’imagine la charité comme un romain, il y a alors de très beaux chapitres qui ont été écrits à Padoue, puis mis à la disposition de tous.
« Recoudre ensemble l’Italie », c’est la devise que vous avez choisie comme fil conducteur de toute cette année. Recoudre est un verbe qui évoque la couture et le raccommodage, opérations qui se montrent davantage nécessaires après une déchirure, une blessure.
Aujourd’hui, nous sommes soumis à la tentation de jeter au lieu de réparer, de défaire un ouvrage plutôt que de recoudre : c’est le sort que nous réservons non seulement aux objets, mais aussi aux personnes, surtout à celles qui sont le plus sans défense. Les histoires personnelles des hommes et des femmes sont cependant le patrimoine le plus important que nous ayons : à aucune d’elles ne devrait être refusé un regard aimant d’attention et un geste de bonté. Des gestes qui racontent combien l’autre est important et aimé, indépendamment de la condition de vie dans laquelle il se trouve.
En ce moment – de joie en raison de la reconnaissance européenne, et de fatigue à cause de cette situation de danger – je désire moi aussi m’unir à vous en partageant une belle page de charité. Tous les ans, le soir du Vendredi Saint, je célèbre le chemin de croix au Colisée : en cette occasion, si chère au peuple chrétien, nous accompagnons le Christ au long du chemin de la Croix. C’est un chemin qui identifie chaque année un thème parce que Dieu est le Dieu qui parle à l’intérieur d’une histoire, à travers des visages, en utilisant nos biographies.
Cette année, j’ai voulu que ce soit la paroisse de votre maison de détention, le ‘Due Palazzi’, qui propose au monde les quatorze stations. J’ai choisi la prison, prise dans sa totalité, pour faire en sorte que, cette fois-ci encore, ce soit les plus petits qui nous donnent le rythme. Avec Don Marco Pozza, que vous connaissez bien, nous avons pensé les méditations comme l’oeuvre d’un choeur, en unissant les différents visages qui composent le monde des prisons : la victime, le prisonnier, l’agent pénitentiaire, le bénévole, la famille de la personne détenue, le magistrat de probation, le responsable pédagogique, l’Église, la personne innocente, parfois injustement accusée.
La prison est un kaléidoscope de situations et le risque est souvent grand d’en raconter un détail au détriment de l’ensemble. La résurrection d’un homme n’est jamais l’oeuvre d’une personne individuelle, mais d’une communauté qui travaille ensemble en faisant alliance.
J’ai été ému en lisant les méditations écrites : je me suis senti partie prenante de cette histoire, je me suis senti frère de ceux qui ont fait des erreurs et de ceux qui acceptent de se mettre à côté d’eux pour reprendre la montée du talus. Je suis conscient qu’il n’est pas simple d’harmoniser justice et miséricorde : mais lorsque cela réussit, le gain est au profit de toute la société. Je remercie la paroisse de la prison et, avec eux, je remercie toutes les personnes qui oeuvrent en faveur de ce monde étroit : que Dieu bénisse le bon coeur de ceux qui défient l’indifférence par la tendresse.
J’ai choisi d’en faire l’annonce dans les pages de votre journal parce que j’aimerais que mon choix soit une caresse pour la souffrance de ces jours-ci. Une caresse symbolique qui, de « Padoue capitale européenne du Volontariat 2020 », puisse s’étendre à toutes les autres villes qui partagent ce moment, et, en même temps, donnent au monde un témoignage de bonne volonté. La grande histoire est faite de nombreuses petites histoires locales, particulières qui ont une beauté propre.
Que mes voeux et ma proximité vous rejoignent, ainsi que toute la rédaction de votre journal et vos lecteurs. Avec ma bénédiction que j’étends, de manière toute particulière, aux personnes qui pleurent un proche et aux personnes âgées, malades et détenues qui, à cause de la situation d’urgence, se trouvent dans l’impossibilité de recevoir une simple visite de réconfort.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat