Elle est venue l’heure « des hommes et des femmes engagés dans le monde de la culture, de la politique, de l’industrie… qui, par leur manière de vivre, sont capables d’apporter la nouveauté et la joie de l’Évangile partout où ils se trouvent » et de « faire tomber même les murs les plus hauts qui isolent et excluent », affirme le pape François. Cela suppose, souligne-t-il, « cette liberté intérieure capable de se laisser toucher par la réalité de notre temps » et « le courage d’aller à sa rencontre ».
Le pape François a adressé un message aux laïcs espagnols, ce vendredi 14 février 2020, à l’occasion du Congrès national qui rassemble plus de 2 000 laïcs représentant paroisses, mouvements et associations de tout le pays, avec 70 évêques. Intitulé « Peuple de Dieu en sortie », l’événement se tient à Madrid, du vendredi 14 au dimanche 16 février.
Le pape exhorte vigoureusement les participants à « éviter à tout prix les “tentations” du laïc à l’intérieur de l’Église, qui peuvent être : le cléricalisme, qui est un fléau et qui vous enferme dans les sacristies, comme aussi la compétition et le carriérisme ecclésial, la rigidité et l’esprit négatif…, qui étouffent la spécificité de votre appel à la sainteté dans le monde actuel ».
Contre ces risques, il appelle de ses voeux une Église « qui se retrousse les manches pour aller à la rencontre de l’autre, sans le juger, sans le condamner, mais en lui tendant la main pour le soutenir, l’encourager, ou simplement l’accompagner dans sa vie ».
Voici notre traduction de la version italienne de L’Osservatore Romano en italien du 15 février, de ce message adressé par le pape François en espagnol pour l’ouverture des travaux qui ont été inaugurés par le cardinal Kevin Farrell, préfet du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.
HG
Message envoyé par le pape François
À Son Éminence le cardinal Ricardo Blázquez Pérez,
président de la Conférence épiscopale espagnole.
Cher frère,
Je m’adresse à vous, ainsi qu’au cher cardinal Carlos Osoro Sierra, archevêque de Madrid, et à tous mes frères évêques, prêtres, religieux et, d’une manière particulière, aux fidèles laïcs, à l’occasion du Congrès national intitulé « Peuple de Dieu en sortie ».
Pour arriver à cet événement, vous avez parcouru un long chemin de préparation et il est beau de cheminer ensemble, de faire « synode », en partageant des idées et des expériences à partir des différentes réalités dans lesquelles vous êtes présents, pour s’enrichir et faire grandir la communauté dans laquelle on vit.
Il est significatif que vous commenciez ce congrès le jour où l’Église fait mémoire des saints Cyrille et Méthode, patrons de l’Europe. Ils donnèrent l’impulsion à une grande évangélisation sur ce continent, en apportant le message de l’Évangile à ceux qui ne le connaissaient pas, le rendant compréhensible et proche des personnes de leur époque, dans un nouveau langage et de nouvelles formes. Par leur talent et leur témoignage, ils furent capables d’apporter la lumière et la joie de l’Évangile à un monde complexe et hostile. Le fruit fut de voir que beaucoup croyaient et adhéraient à la foi, formant une communauté ; une portion du Peuple de Dieu commença à cheminer dans cette vaste région du continent et continue de le faire aujourd’hui encore sous la protection de ces deux frères évangélisateurs.
Ceci nous montre, comme l’exprime le thème du congrès, que nous sommes le Peuple de Dieu, invités à vivre notre foi, non pas de manière individuelle et isolée, mais dans la communauté, comme peuple aimé et cher à Dieu. Nous lui appartenons, et ceci implique non seulement que nous lui avons été incorporés par le baptême, mai aussi que nous vivions en cohérence avec ce don que nous avons reçu. C’est pourquoi, il est fondamental de prendre conscience du fait que nous faisons partie d’une communauté chrétienne. Nous ne sommes pas un rassemblement quelconque, ni une ONG, mais la famille de Dieu, convoquée autour d’un même Seigneur. Nous en souvenir nous pousse à approfondir tous les jours notre foi : un don que l’on vit dans l’action liturgique, dans la prière commune de toute l’Église, et qui doit être annoncé. C’est le peuple convoqué par Dieu, qui chemine en sentant l’impulsion de l’Esprit qui le renouvelle et le fait revenir à lui de fois en fois, pour se sentir un.
Et ce ‘Peuple de Dieu en sortie’ vit dans une histoire concrète, que personne n’a choisie, mais qui lui est donnée, comme une page blanche sur laquelle écrire. Il est appelé à laisser derrière lui son confort et à faire un pas vers l’autre, cherchant à rendre compte de son espérance (cf. 1P 3,15), non pas avec des réponses toutes faites, mais incarnées et situées dans un contexte pour rendre compréhensible et accessible la Vérité qui nous fait agir et nous rend heureux, comme chrétiens.
Pour cela, il faut cette liberté intérieure capable de se laisser toucher par la réalité de notre temps et avoir le courage d’aller à sa rencontre. Le mandat missionnaire est toujours actuel et nous revient avec la force de toujours, pour faire résonner la voix toujours nouvelle de l’Évangile dans ce monde où nous vivons, en particulier dans cette vieille Europe, dans laquelle la Bonne Nouvelle se retrouve étouffée par tant de voix de mort et de désespoir.
La Parole vivante de Dieu a besoin d’être prêchée avec passion et avec joie à travers le témoignage chrétien, pour pouvoir faire tomber même les murs les plus hauts qui isolent et excluent. C’est votre heure, c’est l’heure des hommes et des femmes engagés dans le monde de la culture, de la politique, de l’industrie… qui, par leur manière de vivre, sont capables d’apporter la nouveauté et la joie de l’Évangile partout où ils se trouvent. Je vous encourage à vivre votre vocation, plongés dans le monde, écoutant, avec Dieu et avec l’Église, les battements de coeur de vos contemporains, du peuple. Et je vous demande, s’il vous plaît, d’éviter à tout prix les « tentations » du laïc à l’intérieur de l’Église, qui peuvent être : le cléricalisme, qui est un fléau et qui vous enferme dans les sacristies, comme aussi la compétition et le carriérisme ecclésial, la rigidité et l’esprit négatif…, qui étouffent la spécificité de votre appel à la sainteté dans le monde actuel.
N’ayez donc pas peur de fouler les routes, d’entrer dans tous les coins de la société, d’aller jusqu’aux limites de la ville, de toucher les blessures des gens… voilà l’Église de Dieu, qui se retrousse les manches pour aller à la rencontre de l’autre, sans le juger, sans le condamner, mais en lui tendant la main pour le soutenir, l’encourager, ou simplement l’accompagner dans sa vie. Que le mandat du Seigneur résonne toujours en vous « Allez annoncer l’Évangile » (cf. Mt 28,19).
Je vous encourage dans votre tâche et votre engagement, et je prie le Seigneur afin que ce congrès puisse porter des fruits abondants.
Et s’il vous plaît, je vous demande de prier pour moi.
Que Jésus vous bénisse et que la Sainte Vierge vous garde.
Fraternellement.
François
Copyright – Traduction de Zenit, Hélène Ginabat