« Aucune action faite avec amour n’est perdue, aucune préoccupation sincère pour les autres, aucun acte d’amour pour Dieu, aucun effort généreux, aucune douleur patiente », affirme le pape François aux participants à une rencontre sur son exhortation apostolique Evangelii Gaudium (2013), le 30 novembre 2019.
La rencontre internationale était organisée au Vatican par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation du 28 au 30 novembre.
« La joie de l’Evangile provient de la rencontre avec Jésus, leur a dit le pape. Quand nous rencontrons le Seigneur et que nous sommes inondés par l’amour dont lui seul est capable. » En effet, « notre infinie tristesse ne se soigne que par un amour infini ». « Les choses ne suffisent-pas pour vivre, a-t-il insisté ; pour vivre il faut le Dieu d’amour. »
« Il n’y a pas de priorités à mettre devant l’annonce de la résurrection », a assuré le pape par ailleurs : « Ne nous laissons pas contaminer par le défaitisme selon lequel tout va mal : ce n’est pas une pensée de Dieu. Les tristes ne sont pas chrétiens. »
AK
Discours du pape François
Chers frères et chères sœurs,
Vous êtes nombreux ces jours-ci, arrivant de diverses parties du monde, pour reprendre en mains Evangelii gaudium. Pour cela je vous remercie et je suis reconnaissant à Mgr Fisichella pour ses paroles mais aussi parce qu’il fait avancer ce travail. Je suis certain que vous ramènerez à la maison avec enthousiasme les fruits de ces journées de rencontre.
Je voudrais vous dire très simplement : la joie de l’Evangile provient de la rencontre avec Jésus. Quand nous rencontrons le Seigneur et que nous sommes inondés par l’amour dont lui seul est capable. Alors, « quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-même », la vie change et « nous retrouvons notre être le plus vrai. Là où se trouve la source de l’action évangélisatrice » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, 8). Parce qu’à ce moment l’exigence de l’annoncer naît spontanément, devient irréfrangible, même sans la parole, avec le témoignage. Ainsi commence l’évangélisation, le matin de Pâques, avec la femme-apôtre, Marie Madeleine qui, après avoir rencontré Jésus ressuscité, le Vivant, a évangélisé les Apôtres. Elle se trouvait au sépulcre de Jésus avec tant de sentiments tristes dans le cœur : à la douleur de la perte du Maître s’ajoutaient la peur du futur et le désarroi de la violation présumée de la tombe. Mais ses pleurs se sont transformés en joie, sa solitude en consolation après avoir trouvé en Jésus l’amour qui ne déçoit pas, qui n’abandonne pas même devant la mort, qui donne la force de retrouver le meilleur de soi-même. C’est vrai pour tous : « notre infinie tristesse ne se soigne que par un amour infini » (ibid, 265).
De nos jours, l’expérience de tant de personnes n’est pas différente de celle de Marie Madeleine. La nostalgie de Dieu, d’un amour vrai et infini, est enracinée dans le cœur de tous les hommes. Il faut quelqu’un qui aide à la ranimer. Comme ce fut le cas pour Marie Madeleine, il faut les anges qui portèrent la bonne nouvelle : anges de chair et d’os qui s’approchèrent pour essuyer les larmes, pour dire au nom de Jésus : « n’ayez pas peur » (Cf. Mt 28,5). Les évangélistes sont comme les anges, comme les anges gardiens, messagers du bien qui n’adressent pas des réponses immédiates, mais partagent l’interrogation de la vie, la même chose que Jésus adressa à Marie : « qui cherches-tu ? » (Jn 20,15). Qui cherches-tu, et non pas quelles choses cherches-tu, parce que les choses ne suffisent-pas pour vivre ; pour vivre il faut le Dieu d’amour. Et si avec son amour nous savions regarder dans le cœur des personnes devant lesquelles, à cause de l’indifférence que nous respirons et du consumérisme qui nous aplatit, nous passons souvent comme s’il n’y avait rien, nous réussirions à voir avant tout le besoin de ce Qui, la recherche d’un amour qui dure pour toujours, la question sur le sens de la vie, sur la douleur, sur la trahison, sur la solitude. Il y a des inquiétudes face auxquelles les recettes et les préceptes ne suffisent pas ; il faut avancer, il faut cheminer ensemble, se faire compagnon de voyage.
En fait, celui qui évangélise ne peut jamais oublier qu’il est toujours en chemin, en recherche avec les autres. C’est pour cela qu’on ne peut laisser personne derrière, on ne peut se permettre de tenir à distance celui qui se traîne, on ne peut se fermer dans son petit groupe de relations confortables. Celui qui annonce ne peut pas fuir le monde, parce que le Seigneur a tant aimé le monde au point de se donner lui-même, non pas pour condamner mais pour sauver le monde (Cf Jn 3,16-17). Celui qui annonce fait vraiment le désir de Dieu, qui souffre pour celui qui est loin. Il ne connait pas d’ennemis, seulement des compagnons de voyage. Il ne s’érige pas en maître, mais il sait que la recherche de Dieu est commune et est partagée, être proche de Jésus n’a jamais été refusé à personne.
Chers frères et sœurs, que la crainte de se tromper et la peur de parcourir de nouveaux sentiers ne nous retiennent pas. Dans la vie nous nous trompons tous, tous. C’est normal. Il n’y a pas de priorités à mettre devant l’annonce de la résurrection, devant le kérygme de l’espérance. Nos pauvretés ne sont pas des obstacles, mais de précieux instruments, parce que la grâce de Dieu aime se manifester dans la faiblesse (Cf. 2 Cor 12,9). Nous avons besoin de nous confirmer dans une certitude intérieure, dans la « conviction que Dieu peut agir en toutes circonstances, même dans des échecs apparents » (Ibid, 279). Nous avons vraiment besoin de croire que Dieu est amour et que donc aucune action faite avec amour n’est perdue, aucune préoccupation sincère pour les autres, aucun acte d’amour pour Dieu, aucun effort généreux, aucune douleur patiente (Cf . ibid). Pour propager l’annonce, nous avons besoin d’être simples et agiles comme les Évangiles de Pâques : comme Marie, qui est impatiente de dire aux disciples : « j’ai vu le Seigneur ! » (Jn 20,18) ; comme les Apôtres, qui courent au sépulcre (Cf. Jn 20,4) ; comme Pierre, qui saute de la barque vers Jésus (Cf. Jn 21,8). Nous avons besoin d’une Eglise libre et simple, qui ne pense pas à son image, aux convenances et aux recrues, mais à sortir. Quelqu’un disait que pour être toujours fidèle la véritable Eglise de Jésus doit avoir un bilan négatif. C’est bien cela, un bilan négatif.
Pensons aux premiers chrétiens, qui avaient tous le monde contre eux, qui étaient persécutés et qui pourtant ne se plaignaient pas du monde. En lisant le Nouveau Testament, on voit qu’ils n’étaient pas préoccupés de se défendre contre un empereur qui les mettaient à mort, mais d’annoncer Jésus, même au prix de la vie. Alors ne nous laissons pas attrister par les choses qui ne vont pas, par les peines, par les incompréhensions, non : ce sont de petites choses face « au côté sublime de la connaissance du Christ Jésus notre Seigneur » (Cf. Phil 3,8). Ne nous laissons pas contaminer par le défaitisme selon lequel tout va mal : ce n’est pas une pensée de Dieu. Les tristes ne sont pas chrétiens. Le chrétien souffre beaucoup, mais il ne tombe pas dans la tristesse profonde de l’âme. La tristesse n’est pas une vertu chrétienne. La douleur, oui. Pour ne pas se laisser voler l’enthousiasme de l’Evangile invoquons tous les jours le Créateur, l’Esprit Saint, l’Esprit de joie qui garde l’ardeur missionnaire vivante, qui fait de la vie une histoire d’amour avec Dieu, qui nous invite à attirer le monde seulement avec l’amour, et à découvrir que la vie ne s’acquière qu’en la donnant. On la possède dans la pauvreté de la donner, de se dépouiller soi-même. Mais aussi avec la surprise, la stupeur de voir qu’avant que nous arrivions, il y a l’Esprit Saint qui est déjà arrivé et qui nous attend là.
Je vous remercie de tout cœur pour le bien que vous donnez. Je vous bénis et vous demande de prier pour moi. Merci.
© Traduction de Zenit, Hugues de Warren
Rencontre du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation © Vatican Media
"Aucune action faite avec amour n’est perdue", affirme le pape
Rencontre sur l’exhortation Evangelii Gaudium