Chemin de croix du Colisée, 19 avril 2019 © Vatican Media

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La prière, vitale ? "On ne peut pas s'arrêter de respirer", écrit le pape

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Un texte inédit publié dans un nouvel ouvrage

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La prière est la respiration du chrétien, et « l’on ne peut pas s’arrêter de respirer », écrit le pape François dans un ouvrage publié par les éditions du Vatican. Une partie de son texte a été rendue publique par Vatican News ce 20 octobre 2019.
« La prière est notre oui au Seigneur, à son amour qui nous rejoint ; c’est accueillir l’Esprit-Saint qui, sans jamais se lasser, reverse l’amour et la vie sur tous », ajoute le pape qui souligne que la vie nouvelle dans le baptême est sans commune mesure avec les changements de vie que l’on expérimente au cours d’une existence.
Présentant les discours du pape sur la prière, le livre “La Preghiera. Il respiro della vita nuova” (LEV), est préfacé par le patriarche orthodoxe Cyrille de Moscou.
Texte du pape François
Le baptême est le commencement de la vie nouvelle. Mais que veut dire vie nouvelle ? La vie nouvelle du baptême n’est pas nouvelle comme lorsque nous travaillons ou lorsque nous déménageons dans une autre ville et disons : j’ai commencé une nouvelle vie. Dans ces cas, certes, la vie change, peut-être beaucoup, elle est différente de la vie précédente : meilleure ou pire, plus intéressante ou plus fatigante, selon les cas. Les conditions, le contexte, les collègues, les connaissances, peut-être même les amitiés, la maison, le salaire, sont différents. Mais ce n’est pas une vie nouvelle, c’est la même vie qui continue.
La vie nouvelle du baptême est différente aussi d’un changement radical dans nos sentiments à cause d’une rencontre amoureuse ou d’une déception, d’une maladie, d’un imprévu important.
Des choses de ce genre peuvent nous arriver comme un séisme, intérieur et extérieur : elles peuvent changer les valeurs, les choix de fond : affections, travail, santé, service envers les autres… Avant, l’on pensait peut-être à sa carrière, et puis l’on commence à faire du volontariat, même jusqu’à faire de sa vie un don pour les autres ! Avant l’on ne pensait pas à construire une famille, puis l’on expérimente la beauté de l’amour conjugal et familial.
Ces changements aussi, qui sont grands, extraordinaires, sont encore “seulement” des transformations. Ce sont des changements qui nous conduisent à une vie plus belle et plus dynamique, ou plus difficile et plus fatigante. Ce n’est par hasard que – quand nous les racontons – nous utilisons toujours le plus et le moins. Nous disons qu’ils ont rendu notre existence plus belle, plus joyeuse, passionnante. C’est parce que nous faisons encore des comparaisons entre des choses plus ou moins similaires, comme si nous mesurions les choses sur une échelle de valeur. Auparavant la joie de cette vie était de 5, maintenant elle est de 7; la santé était avant à 9, aujourd’hui elle est à 4. Le  chiffres changent, mais pas la substance de la vie !
Mais la vie nouvelle du baptême n’est pas nouvelle seulement par rapport au passé, à la vie précédente, à la vie d’avant. Nouvelle ne veut pas dire récente, elle ne signifie pas qu’il y eu une modification, un changement.
La vie nouvelle dont parle saint Paul dans ses lettres nous rappelle le commandement nouveau de Jésus (Cf. Jn 13, 34); elle nous rappelle le vin nouveau du Royaume (cf. Mc 14, 29), le chant nouveau que les sauvés chantent devant le trône de Dieu (Cf. Ap 5, 9): des réalités définitives, dirions-nous, avec un mot théologique, eschatologique.
Alors nous comprenons que pour la vie nouvelle il n’est pas possible de faire des comparaisons. Peut-on comparer la vie et la mort, ou la vie avant et après la naissance ? Le Christ ne s’est pas fait l’un de nous, il n’a pas vécu sa Pâques de passion, de mort et de résurrection pour “améliorer” notre vie, pour la rendre plus belle, plus savoureuse, plus longue, plus intense, plus facile ou plus heureuse. Il est venu – comme il nous l’a dit – afin que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).
C’est la vie nouvelle, la vie que Dieu le Père nous offre au baptême. Elle est nouvelle parce qu’elle est une autre vie par rapport à la nôtre, parce qu’elle est sienne, c’est la vie même de Dieu. C’est le grand don qu’il nous a fait et que nous fait Jésus ! Participer à l’amour du Père, du Fils et du Saint Esprit. Participer à l’amour qu’ils ont pour tous les hommes et pour toute la création. La vie nouvelle est la vie de Dieu donnée à tous !
Depuis toujours, nous les chrétiens, nous avons cherché des images et des symboles pour exprimer cet immense cadeau. Nous sommes si différents, mais nous sommes une seule chose, nous sommes l’Eglise. Et cette unité est celle de l’amour, qui ne nous contraint pas, ne nous humilie pas, ne nous limite pas, mais nous renforce, nous construit tous ensemble et nous rend amis.
Jésus a une très belle expression dans l’Évangile : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé » (Jn 17, 3). C’est Lui-même qui nous dit ainsi que la vraie vie est la rencontre avec Dieu ; et que la rencontre avec Dieu est la connaissance de Dieu.
Ensuite, nous savons par la Bible que l’on ne connaît pas une personne seulement avec la tête, parce que connaître signifie aimer. Et c’est la vie de Dieu qui nous est donnée: l’amour qui devient nôtre, et petit à petit nous fait grandir, grâce à l’Esprit Saint (Rm 5, 5), et éclaire aussi nos petits “merci, s’il te plaît, pardon” de tous les jours.
Même si ces paroles sont inadéquates, on peut dire que la vie nouvelle c’est se découvrir de Quelqu’un, appartenant à Quelqu’un et en Lui appartenir à tous. Appartenir veut dire que chacun est pour l’autre.
Cela me rappelle ce que dit l’épouse du Cantique des cantiques : « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui » (Ct 2, 16). Jour après jour, l’Esprit Saint accomplit la prière de Jésus au Père: « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. » (Jn 17, 20-21).
Une des images les plus anciennes – utilisée déjà par saint Paul – pour exprimer cette appartenance à la vie – est celle du corps, dont le chef est le Christ et dont nous sommes les membres (« Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » 1Cor 12, 27).
Il y a dans le corps humain certaines fonctions essentielles comme le battement du cœur et la respiration.
J’aime imaginer que notre prière personnelle et communautaire de chrétiens est notre respiration, le battement cardiaque de l’Eglise, qui insuffle sa force dans le service de celui qui travaille, de celui qui étudie, de celui qui enseigne; qui rend fécond la connaissance des personnes instruites et l’humilité des personnes simples ; qui donne espérance à la ténacité de celui qui combat l’injustice.
La prière est notre oui au Seigneur, à son amour qui nous rejoint ; c’est accueillir l’Esprit-Saint qui, sans jamais se lasser, reverse l’amour et la vie sur tous.
Saint Séraphin de Sarov, un grand maître spirituel de l’Eglise russe, disait : « Acquérir l’Esprit de Dieu est la véritable fin de notre vie chrétienne, au point que la prière, les veilles, le jeûne, l’aumône et les autres actions vertueuses faites au Nom du Christ ne sont que des moyens pour cette fin » (Séraphin de Sarov, Dialogue avec Motovilov). L’on n’est pas toujours conscient de respirer, mais l’on ne peut pas s’arrêter de respirer.
François
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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