Le pape François a choisi d’ouvrir le Mois missionnaire extraordinaire, ce mardi 1er octobre 2019, en la fête de sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897), carmélite française, docteur de l’Eglise: c’est donc à point nommé qu’Elisabeth de Baudoüin publie son « Thérèse et François » aux éditions Salvator: on saisit alors l’importance de Thérèse de l’Enfant Jésus dans la vie de Jorge Mario Bergoglio, premier pape jésuite.
La préface est de Guzman Qarriquiry Lecour, de l’Uruguay, et la post-face du cardinal canadien Marc Ouellet – préfet de la Congrégation pour les évêques -, soit le vice-président et le président de la Commission pour l’Amérique latine: deux proches du pape François.
Elisabeth de Baudoüin, a bien voulu présenter son « Thérèse et François » en avant-première aux lecteurs de Zenit.
AB
Zenit – Elisabeth de Baudoüin, vous publiez chez Salvator un livre original sur le pape François, intitulé : « Thérèse et François ». Comment vous est venue l’idée de ce livre ?
Rendons à César ce qui est à César : Ce n’est pas mon idée, c’est une commande de mon éditeur, avec qui j’avais réalisé un premier ouvrage (« Les saints nous conduisent à Jésus », entretien avec François-Marie Léthel, ocd, Salvator 2017). Lui-même aurait voulu faire ce livre sur le lien entre le pape argentin et la carmélite française, mais il dut y renoncer, faute de temps. A Rome, quelqu’un appelait aussi de tous ses vœux la parution d’un ouvrage sur ce sujet : Guzmán Carriquiry Lecour, Vice-président de la Commission pour l’Amérique latine, ami de longue date de Jorge Mario Bergoglio. Il pensait qu’un tel livre était important pour faire comprendre la personnalité de François et éclairer son pontificat. C’était aussi l’avis du cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, qui a postfacé cet ouvrage. Restait à trouver quelqu’un qui connaisse au moins un peu à la fois Thérèse et François. C’était mon cas : je « fréquente » Thérèse de Lisieux depuis longtemps et comme journaliste, j’ai suivi François depuis son élection sur le trône de Pierre. A ce titre, je savais qu’il était attaché à la carmélite normande et cela m’intriguait. C’est pourquoi quand on me l’a proposé, j’ai accepté de relever le défi.
Le pape François dit qu’il est » ami de Thérèse de l’Enfant Jésus « . Comment cela se traduit-il ?
Il vit avec elle comme on vit avec une personne vivante – ce qu’elle est pleinement – dans la communion des saints, car elle est au Ciel et lui sur la terre. Il parle avec elle, lui expose ses problèmes – qui sont le plus souvent ceux des autres – et a fréquemment recours à son intercession. Il lui confie toute sorte de causes, notamment à travers la « dévotion des roses », très répandue en Amérique latine. Il a une très grande confiance en elle. Cette amitié n’est pas à sens unique : Thérèse l’exauce et l’aide, comme il l’a rappelé récemment aux carmélites de Madagascar, en s’appuyant sur un épisode de la vie de la carmélite : celui où elle raconte comment elle aide une sœur âgée – sœur Saint-Pierre ! – à se rendre au réfectoire. Le Pape a commenté : autrefois, Thérèse a aidé une vieille religieuse et aujourd’hui, elle aide un vieux… et ce vieux, c’est le Pape, c’est moi !
Qu’est-ce qui les rapproche ?
Beaucoup de choses ! Un même « style », fait de simplicité, d’authenticité et de franchise, le même art de tout positiver. Quand Thérèse dit : « J’ai horreur de la feintise (JEV 61) … moi, je dis la vérité tout entière, qu’on ne vienne pas me trouver, si l’on ne veut pas la savoir (JEV, 23) », on pense d’emblée à François, notamment dans ses rencontres avec les journalistes ! et quand ce dernier déclare : « Dieu nous veut positifs, reconnaissants et pas trop compliqué (Gaudete et Exsultate), Thérèse, simplifiée à l’extrême par l’Esprit Saint, réaffirme du haut du Ciel : « Tout est grâce » ! Ce sont aussi deux audacieux qui rament souvent à « contre-courant », au risque de choquer ou d’être incompris. Mais leurs gestes et paroles se sont révélées ou se révèleront prophétiques. Ils n’ont pas une vision étriquée ni comptable de la foi. Ils voient grand et vont à l’essentiel, en s’appuyant tous deux sur la Miséricorde : celle d’un Dieu qui aime ses enfants d’un amour infini et « pardonne tout », comme l’a dit François lors du premier angélus de son pontificat. Pour autant, tous deux sont enracinés dans le quotidien et ont une vision très concrète de la vie chrétienne. Ce sont aussi deux missionnaires « au sommet » : elle comme patronne des missions, lui comme premier pape jésuite de l’histoire de l’Eglise. C’est un puissant trait d’union, qui les rapproche indéniablement. François le manifeste clairement en lançant, ce 1er octobre jour de sa fête, un Mois missionnaire extraordinaire.
Quel message ces deux grands missionnaires nous délivrent-ils, à travers leur vie et leur enseignement ?
Tous deux auraient voulu être des missionnaires au sens classique du terme : en partant au bout du monde. Leur rêve n’ayant pu se réaliser, Ils se sont en quelque sorte « vengés », en devenant des maîtres et des leaders dans ce domaine ! Ils nous rappellent que la mission n’est pas une option, que tout chrétien, quelle que soit sa vocation et sa place dans l’Eglise, est appelé à être un missionnaire, et qu’il n’est pas nécessaire de partir aux antipodes pour évangéliser : la mission commence « à la maison » et « à genoux ». C’est la grande leçon de Thérèse, qui a même vécu cela de façon exclusive. Entrée au Carmel à 15 ans pour sauver les âmes et prier pour ceux qui évangélisent – les prêtres dont les missionnaires – elle s’y est employée à fond, avec les armes de la prière et du sacrifice. A un degré tellement héroïque, que cette religieuse cloîtrée morte à 24 ans a été déclarée patronne des missions, à l’égal d’un jésuite missionnaire « de terrain », saint François Xavier. François, lui, n’a de cesse de rappeler que la prière et le sacrifice ne sont pas le monopole des contemplatifs, mais l’âme incontournable de tout apostolat. Pas d’évangélisation possible sans une profonde vie spirituelle, insiste-t-il, à temps et à contretemps. Chacun d’eux le dit à sa façon : l’évangélisation se fait par attraction, à travers l’exemple, le témoignage et la communion des saints. François met en garde contre le prosélytisme, Thérèse fait briller ces paroles du Cantique des Cantiques : « Attire-moi, nous courons », qui rappelle que toute âme qui s’élève élève le monde.
Quelle place Thérèse tient-elle dans le ministère du Pasteur de l’Eglise universelle ?
François, qui fréquente Thérèse depuis longtemps, a une connaissance approfondie de sa vie et de sa doctrine. Il considère la trente-troisième docteur de l’Eglise comme une maîtresse de vie spirituelle. Il la cite souvent en ce sens, que ce soit dans ses homélies, ses discours ou ses écrits. Elle est présente, explicitement ou implicitement, dans tous les grands textes de son pontificat, en particulier son exhortation apostolique sur la sainteté, Gaudete et exsultate. François est inspiré par la « petite voie de confiance et d’amour et de sanctification à travers les petites choses » vécue et proposée par la carmélite. Il a à cœur de la promouvoir. Quelque soixante ans après l’appel universel à la sainteté lancé par le concile Vatican II, il la re-propose clairement à toute l’Eglise, comme chemin de sanctification pour tous.
Votre livre est sorti en librairie le 26 septembre dernier. Qu’en pensent les premiers lecteurs ?
On m’a dit qu’il se lit facilement, qu’il donne envie de mieux connaître Thérèse et ses écrits, qu’il montre François sous un jour nouveau et le rend sympathique et attachant. On ne peut pas me faire de plus beaux compliments.
Propos recueillis par Anita Bourdin
"Thérèse et François" © Editions Salvator
Sainte Thérèse de Lisieux et le pape François: entretien avec Elisabeth de Baudoüin
«J’ai horreur de la feintise…, je dis la vérité tout entière»