Mgr Francesco Follo 06/11/2017 @ Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

Mgr Francesco Follo 06/11/2017 @ Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

Humilité, chemin vers la vraie grandeur, par Mgr Follo

Nous sommes poussière, mais aimés de Dieu

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Humble vient de « humus » mot latin qui signifie terre. Etre humbles, c’est reconnaître que nous sommes poussière de terre aimée par Dieu.
XXIIème dimanche du Temps Ordinaire – Année C – 1er septembre 2019
Sir 3, 19-21.30-31; Ps 67; Hb 12, 18-19.22-24; Lc 14, 1. 7-14
 
1) L’humilité : le chemin vers la vraie grandeur.
           La phrase du Pape François : « Pour être grand, il faut d’abord savoir être petits, humbles, parce que l’humilité est la base de toute vraie grandeur », nous aide à bien comprendre la liturgie de la Parole de ce dimanche qui dans la première lecture tirée du livre de Ben Sirac le Sage nous offre une recommandation paternelle : avoir une attitude d’attention et de docilité, une attitude de disciples, face à celui qui nous parle comme un père.
Non seulement reconnaîtra-t-il en lui l’homme riche d’expérience, mais il aura confiance en ses conseils dictés par sa sollicitude paternelle. La douceur conduit à être aimé (v. 17), l’humilité ouvre l’homme aux dons de Dieu (v. 18), le place devant Dieu, devant la grandeur de sa puissance (v. 20) parce qu’elle le dirige vers le lieu qui lui appartient et le rend témoin de Dieu et de sa grâce.
En bref, Ben Sirac le Sage expose les avantages de l’humilité et de la douceur par rapport à la présomption intellectuelle et à l’insipidité de l’orgueilleux.
« Faites votre travail avec douceur », c’est-à-dire soyez conscients de vos limites avec sincérité, ne cherchez pas un niveau de vie luxueux ni des honneurs et privilèges sociaux. La douceur rend l’homme plus aimant aux yeux de Dieu qu’une personne très généreuse. Il est humble celui qui n’est pas fier, présomptueux, ambitieux ou autoritaire envers son frère. « Plus tu vieillis, plus tu deviens humble ».
En réfléchissant maintenant sur l’Évangile de Luc, nous observons tout d’abord qu’il présente un fait qui s’est passé à Jésus. En étant arrivé chez un chef des pharisiens, le Christ observe les hôtes qui s’agitent pour s’assurer les premières places à table. Il s’agit de personnes qui sont convaincues d’avoir droit à la place d’honneur. Alors le Rédempteur raconte une parabole par laquelle il n’entend pas rappeler une simple règle de bonne créance mais offrir une règle religieuse, c’est-à-dire sur l’attitude à avoir avec Dieu et, par conséquence, avec les hommes.
Pour donner son enseignement religieux, le Christ affirme : « Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, car on peut avoir invité quelqu’un de plus important que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendrait te dire : ‘Cède-lui ta place’, et tu irais, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14,7-14).
Il y a deux textes dans le Nouveau Testament qui peuvent éclairer cette parabole.
Le premier est la lettre de Saint Paul aux Philippiens 2, 3-11, où la phrase centrale est l’invitation : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus… qui s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé » La vérité de la parole de Jésus sur l’humilité se m manifeste dans le fait que Lui-même a vécu cette parole dans sa propre personne et, en cette manière, il a validé sa mission et sa prédication : quitter la première place pour prendre la dernière è le sens de son incarnation.
Le deuxième texte est le Magnificat (Lc. 1,46-55) : «  Dieu a jeté les yeux[1] sur l’humilité (abaissement) de sa servante… ». Ces deux termes (humilité et servante) indiquent clairement que l’extraordinaire et unique mission confiée par Dieu à Marie a eu origine dans sa même humilité vécue avec simplicité et joie, ouverte et disponible à la volonté de Dieu.
Demandons à la Vierge Marie de comprendre davantage que la place la meilleure dans la vie ce n’est pas la première mais la dernière, là où l’on descend pour servir, là où il y a le Christ, où l’on peut vivre l’amour gratuit du Christ. Que la Vierge Marie, humble servante du Seigneur, nous aide à être humbles et à nous abandonner en toute confiance au Christ et à l’Église. Le grand danger, le grand ennemi est toujours l’orgueil, et Jésus insiste sur la vertu de l’humilité, car devant l’Infini on ne peut qu’être humble : l’humilité est vérité et est aussi signe d’intelligence et source de sérénité.
            2) A l’école de l’humilité.
Allons à l’école de Marie, pour apprendre de cette Mère humble à suivre son Fils, pour nous identifier avec le même Seigneur Jésus (qui de sa condition de Fils de Dieu s’est abaissé, humilié devenant semblable aux hommes cfr Phil 2, 3-11), pour pouvoir avec Lui et en Lui parvenir à la gloire de la Résurrection.
En la Vierge Marie, mais on peut dire cela de chaque chrétien, l’humilité ne concerne pas l’estime de soi-même mais le rapport avec Dieu qui regard en bas, vers la servante bien aimée, dont l’amour est humble parce qu’il se met au service de l’Amour et accepte d’appartenir à l’Amour en Lui donnant sa chair.
Donc l’humilité[2] enseignée et pratiquée par la Mère de Dieu est le point focal où Dieu fixe Son regard, où Dieu peut établir un rapport profond et Il appelle l’humble avec le nom d’ « ami ».
L’ami n’est pas le connaissant (Bekante), le complice, il est – comme Marie – l’humble fidèle de la Parole du Père. Donc, suivons la Vierge Marie pour nous identifier en elle qui, comme humble servante, a accepté de devenir la demeure du Verbe de Vie, de la garder dans son cœur et dans son corps, et de l’offrir à toute l’humanité.
Si Notre Dame n’avait pas été humble, « petite », elle n’aurait pas pu accueillir la « grandeur » de Dieu. Ce petit qu’elle apporta dans ses entrailles est une « chose grande » que nous, aujourd’hui et toujours, pouvons et devons accueillir comme le bien le plus grand à partager gratuitement.
Prenons toujours (ou au mois le plus fréquemment possible) l’Eucharistie avec un cœur pur et humble, donc entièrement libre et disponible à accueillir le Dieu vivant e à Lui donner la vie par notre fragile chaire rédimée (rachetée) par Lui. Le Christ est l’événement où l’alliance voulue par Dieu avec chacun de nous s’accomplit sous nos yeux de manière exemplaire. Dieu avec l’homme, Dieu en l’homme et par l’homme devient un personnage concret de notre histoire et nous libère.
3) Gratuité sans frontières.
Après avoir parlé aux invités Jésus dit un mot aussi au maître de la maison : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins …Quand tu donnes un festin, invite des pauvres …et tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre … » Pourquoi inviter seulement les parents et les amis ? On reste toujours à l’intérieur d’un amour intéressé, à l’intérieur d’une conception close, enfermée de la vie : on s’invite entre amis, entre personnes égales : « aujourd’hui je t’invite et demain tu m’invites ». Et les autres, surtout les pauvre restent toujours dehors, toujours exclus. L’Evangile, au contraire, veut une fraternité avec deux caractéristiques précises : la gratuité et l’universalité.
Nous sommes appelés à donner à ceux où nous ne pouvons rien espérer en change. Jésus est en train de penser à sa future communauté : il la rêve comme un lieu d’hospitalité pour tous les exclus. Il ne s’agit pas d’un enseignement nouveau. Jésus l’a déjà donné à tous dans le discours de la montagne (Lc 6.32-34): si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, quel est votre mérite ? Les pécheurs aussi font de même, et aiment ceux qui les aiment. Il y a la béatitude pour celui qui est pauvre (« heureux vous, les pauvres parce que le Royaume de Dieu est à vous ») et il y a aussi la béatitude pour celui qui transforme ses bien à l’occasion de l’hospitalité, mais il faut qu’il s’agisse d’une hospitalité envers les exclus aussi (« tu seras heureux parce qu’ils n’ont rien à te rendre »).
Mais cette hospitalité est possible seulement si nous accueillons l’autre, comme la Vierge Marie a accueilli virginalement l’Autre avec une foi et un amour si grands que ses yeux et son cœur se sont ouverts à la charité de Dieu et « le Verbe s’est fait chair et a établi sa demeure parmi nous »
La vie chrétienne, donc, ne consiste pas dans le fait de méditer et de pratiquer les vertus, mais dans le fait d’héberger et vivre de la présence du Christ qui nous aime d’un amour infini.
Si nous vivons la réalité de ce mystère de charité, nous vivons déjà au Paradis. Les personnes consacrées vivent déjà au Paradis. En effet la vie religieuse dans la théologie catholique a été toujours considérée comme une anticipation de la vie du ciel. On dit que les sœurs de vie contemplative vivent cloitrées. Ce n’est pas vrai parce qu’une moniale qui vit intégralement pour Dieu, vit la liberté pure d’une âme qui se meut dans l’immensité divine.
Ceci vaut aussi pour les femmes qui appartiennent à l’Ordo Virginum : leur lieu est l’infinité de Dieu, qui aime les cœurs libres et purs et y demeure avec l’immensité de son Amour (cf. RCV n. 24). Elles sont seulement enfermées physiquement dans leurs maisons et leurs lieux de travail. Les nomades, les vagabonds dans le monde sont enfermés, prisonnier de leur monde. Ceux-ci vivent leur petite et courte vie dans un petit monde, petit grain de poussière de l’Univers. L’âme de ces femmes consacrées respire l’infini. Elles vivent en Dieu et Dieu est l’Immense. Elles vivent dans le Christ et le Christ est l’amour infini fait chair. “Dieu est le Dieu du cœur humain” (Saint François de Sales[3], Philothée – Traité de l’Amour de Dieu, I, XV).
 
Saint François de Sales
PHILOTHEE – Traité de l’amour de Dieu
Introduction – partie III
Chapitre V
DE L’HUMILITÉ PLUS INTÉRIEURE
Mais vous désirez, Philothée, que je vous conduise plus avant dans l’humilité; car à faire comme j’ai dit c’est quasi plutôt sagesse qu’humilité; maintenant donc je passe outre. Plusieurs ne veulent ni n’osent penser et considérer les grâces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoi certes ils se trompent; car puisque, comme dit le grand Docteur Angélique, le vrai moyen d’atteindre à l’amour de Dieu, c’est la considération de ses bienfaits, plus nous les connaîtrons, plus nous l’aimerons; et comme les bénéfices particuliers émeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ils être considérés plus attentivement.
Certes, rien ne peut tant humilier devant la miséricorde de Dieu que la multitude de ses bienfaits, ni rien tant humilier devant sa justice, que la multitude de nos méfaits. Considérons ce qu’il a fait pour nous et ce que nous avons fait contre lui ; et comme nous considérons par le menu nos péchés, considérons aussi par le menu ses grâces. Il ne faut pas craindre que la connaissance de ce qu’il a mis en nous nous enfle, pourvu que nous soyons attentifs à cette vérité, que ce qui est de bon en nous n’est pas de nous. Hélas! les mulets laissent-ils d’être lourdes et puantes bêtes, pour être chargés des meubles précieux et parfumés du prince? Qu’avons-nous de bon que nous n’ayons reçu? et si nous l’avons reçu, pourquoi nous en voulons-nous enorgueillir ? Au contraire, la vive considération des grâces reçues nous rend humbles; car la connaissance engendre la reconnaissance. Mais si voyant les grâces que Dieu nous a faites, quelque sorte de vanité nous venait chatouiller, le remède infaillible sera de recourir à la considération de nos ingratitudes, de nos imperfections, de nos misères:
si nous considérons ce que nous avons fait quand lieu n’a pas été avec nous, nous connaîtrons bien que ce que nous faisons quand il est avec nous n’est pas de notre façon ni de notre crû; nous en jouirons vraiment et nous en réjouirons parce que nous l’avons, mais nous en glorifierons Dieu seul, parce qu’il en est l’auteur. Ainsi la Sainte Vierge confesse que Dieu lui fait choses très grandes, mais ce n’est que pour s’en humilier et magnifier Dieu : « Mon âme, dit-elle, magnifie le Seigneur, parce qu’il m’a fait choses grandes. »
Nous disons maintes fois que nous ne sommes rien, que nous sommes la misère même et l’ordure du monde ; mais nous serions bien marris qu’on nous prît au mot et que l’on nous publiât tels que nous disons. Au contraire, nous faisons semblant de fuir et de nous cacher, afin qu’on nous coure après et qu’on nous cherche; nous faisons contenance de vouloir être les derniers et assis au bas bout de la table, mais c’est afin de passer plus avantageusement au haut bout. La vraie humilité ne fait pas semblant de l’être et ne dit guère de paroles d’humilité, car elle ne désire pas seulement de cacher les autres vertus, mais encore et principalement elle souhaite de se cacher soi-même; et s’il lui était loisible de mentir, de feindre, ou de scandaliser le prochain, elle produirait des actions d’arrogance et de fierté, afin de se recéler sous icelles et y vivre du tout inconnue et à couvert.
Voici donc mon avis, Philothée : ou ne disons point de paroles d’humilité, ou disons-les avec un vrai sentiment intérieur, conforme à ce que nous prononçons extérieurement~ n’abaissons jamais les yeux qu’en humiliant nos coeurs; ne faisons pas semblant de vouloir être des derniers, que de bon coeur nous ne voulussions l’être. Or, je tiens cette règle si générale que je n’y apporte nulle exception: seulement j’ajoute que la civilité requiert que nous présentions quelquefois l’avantage à ceux qui manifestement ne le prendront pas, et ce n’est pourtant pas ni duplicité, ni fausse humilité; car alors la seule offre de l’avantage est un commencement d’honneur, et puisqu’on ne peut le leur donner entier, on ne fait pas mal de leur en donner le commencement. J’en dis de même de quelques paroles d’honneur ou de respect qui, à la rigueur, ne semblent pas véritables; car elles le sont néanmoins assez, pourvu que le coeur de celui qui les prononce ait une vraie intention d’honorer et respecter celui pour lequel il les dit; car encore que les mots signifient avec quelque excès ce que nous disons, nous ne faisons pas mal de les employer quand l’usage commun le requiert. Il est vrai qu’encore voudrais-je que les paroles fussent ajustées à nos affections au plus près qu’il nous serait possible, pour suivre en tout et partout la simplicité et candeur cordiale.
L’homme vraiment humble aimerait mieux qu’un autre dît de lui qu’il est misérable, qu’il n’est rien, qu’il ne vaut rien, que non pas de le dire lui-même: au moins, s’il sait qu’on le dit, il ne contredit point, mais acquiesce de bon coeur; car croyant fermement cela, il est bien aise qu’on suive son opinion.
Plusieurs disent qu’ils laissent l’oraison mentale pour les parfaits, et qu’eux ne sont pas dignes de la faire; les autres protestent qu’ils n’osent pas souvent communier, parce qu’ils ne se sentent pas assez purs ; les autres, qu’ils craignent de faire honte à la dévotion s’ils s’en mêlent, à cause de leur grande misère et fragilité ; et les autres refusent d’employer leur talent au service de Dieu et du prochain parce, disent-ils, qu’ils connaissent leur faiblesse et qu’ils ont peur de s’enorgueillir s’ils sont instruments de quelque bien, et qu’en éclairant les autres ils se consument. Tout cela n’est qu’artifice et une sorte d’humilité non seulement fausse, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blâmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d’un prétexte d’humilité l’amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse. « Demande à Dieu un signe au ciel d’en haut ou au profond de la mer en bas, » dit le Prophète au malheureux Achaz, et il répondit : « Non, je ne le demanderai point, et ne tenterai point le Seigneur. » O le méchant! il fait semblant de porter grande révérence à Dieu, et sous couleur d’humilité s’excuse d’aspirer à la grâce de laquelle sa divine Bonté lui fait semonce. Mais ne voit-il pas que, quand Dieu nous veut gratifier, c’est orgueil de refuser ? que les dons de Dieu nous obligent à les recevoir, et que c’est humilité d’obéir et suivre au plus près que nous pouvons ses désirs? Or, le désir de Dieu est que nous soyons parfaits, nous unissant à lui et l’imitant au plus près que nous pouvons. Le superbe qui se fie en soi-même a bien occasion de n’oser rien entreprendre; mais l’humble est d’autant plus courageux qu’il se reconnaît plus impuissant : et à mesure qu’il s’estime chétif il devient plus hardi parce qu’il a toute sa confiance en Dieu, qui se plaît à magnifier sa toute-puissance en notre infirmité, et élever sa miséricorde sur notre misère. Il faut donc humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre à notre avancement par ceux qui conduisent nos âmes.
Penser savoir ce qu’on ne sait pas, c’est une sottise expresse ; vouloir faire le savant de ce qu’on connaît bien que l’on ne sait pas, c’est une vanité insupportable : pour moi, je ne voudrais pas même faire le savant de ce que je saurais, comme au contraire je n’en voudrais non plus faire l’ignorant. Quand la charité le requiert, il faut communiquer rondement et doucement avec le prochain, non seulement ce qui lui est nécessaire pour son instruction, mais aussi ce qui lui est utile pour sa consolation; car l’humilité qui cache et couvre les vertus pour les conserver, les fait néanmoins paraître quand la charité le commande, pour les accroître, agrandir et perfectionner. En quoi elle ressemble à cet arbre des îles de Tylos, lequel la nuit resserre et tient closes ses belles fleurs incarnates et ne les ouvre qu’au soleil levant, de sorte que les habitants du pays disent que ces fleurs dorment de nuit. Car ainsi l’humilité couvre et cache toutes nos vertus et perfections humaines, et ne les fait jamais paraître que pour la charité, qui étant une vertu non point humaine mais céleste, non point morale mais divine, elle est le vrai soleil des vertus, sur lesquelles elle doit toujours dominer : si que les humilités qui préjudicient à la charité sont indubitablement fausses.
Je ne voudrais ni faire du fol ni faire du sage: car si l’humilité m’empêche de faire le sage, la simplicité et rondeur m’empêcheront aussi de faire le fol; et si la vanité est contraire à l’humilité, l’artifice, l’afféterie et feintise est contraire à la rondeur et simplicité. Que si quelques grands serviteurs de Dieu ont fait semblant d’être fols pour se rendre plus abjects devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter ; car ils ont eu des motifs pour passer à cet excès, qui leur ont été si particuliers et extraordinaires, que personne n’en doit tirer aucune conséquence pour soi. Et quant à David, s’il dansa et sauta un peu plus que l’ordinaire bienséance ne requérait devant l’arche de l’alliance, ce n’était pas qu’il voulût faire le fol; mais tout simplement et sans artifice, il faisait ces mouvements extérieurs conformes à l’extraordinaire et démesurée allégresse qu’il sentait en son coeur. Il est vrai que quand Michol, sa femme, lui en fit reproche comme d’une folie, il ne fut pas marri de se voir avili : ains persévérant en la naïve et véritable représentation de sa joie, il témoigna d’être bien aise de recevoir un peu d’opprobre pour son Dieu. En suite de quoi je vous dirai que si pour les actions d’une vraie et naïve dévotion, on vous estime vile, abjecte ou folle, l’humilité vous fera réjouir de ce bienheureux opprobre, duquel la cause n’est pas en vous, mais en ceux qui le font.
[1] Le verbe grec utilisé par l’Evangile de Luc devrait être traduit à la lettre comme ça : « Il a regardé en bas », vers l’abaissement de son humble esclave (du grec doulos)
[2] De humus, parole latine qui signifie terre. Etre humble est reconnaître que nous sommes poussière de terre aimée par Dieu.
[3] Dieu est le Dieu du coeur humain” (Traité de l’Amour de Dieu, I, XV): en ces paroles à l’apparence simple nous pouvons y voir l’empreinte de la spiritualité d’un grand maitre spirituel, Saint François de Sales, Evêque et Docteur de l’Eglise. Né en 1567 et mort 1622, dans un région de frontière, au cheval de deus siècles, XVème et XVIème, il recueilli en soi le mieux des enseignement et des conquêtes culturelles du siècle qui s’achevait en réconciliant l’héritage de l’humanisme avec la poussée ver l’absolu typique des courtent mystique du XVIème siècle. Parmi ses écrit je signale aussi un des livres les plus lus de l’Age moderne : l’Introduction à la vie dévote.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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