Un message « qui jaillit de mon coeur de père et de frère » : c’est ce que le pape François a désiré transmettre aux habitants de Gênes, un an presque jour pour jour après l’effondrement du Pont Morandi. « Ne laissez pas les épreuves de la vie briser les liens qui tissent votre communauté ni effacer le souvenir de ce qui a rendu son histoire si importante et significative », a écrit le pape pour qui la ville portuaire évoque « la fatigue quotidienne », la « volonté acharnée » et « les espoirs des Génois », mais aussi, plus personnellement, « le lieu d’où est parti mon père ».
Le pape François a adressé un message aux Génois, par l’intermédiaire du quotidien génois Il Secolo XIX, à l’occasion du premier anniversaire de l’effondrement du Pont Morandi. Le message a aussi été publié dans d’autres journaux du groupe Gedi News Network. « Je ne vous ai pas oubliés », déclare le pape qui affirme aussi « Je sais que vous, les Génois, vous êtes capables de grands gestes de solidarité ».
Le pape parle d’une « blessure au coeur de votre ville », d’une « tragédie pour ceux qui ont perdu leurs proches », d’un « drame pour les blessés », d’un événement « de toute façon bouleversant pour ceux qui ont été forcés de quitter leur foyer et d’être évacués ». Mais « vous n’êtes pas seuls », insiste-t-il. Dieu répond à la souffrance par « une présence qui nous accompagne » à travers le Christ qui « pleure avec nous dans les moments les plus difficiles de notre vie ». Et le pape de conseiller : « Regardons-le, confions-lui nos questions, notre souffrance, notre colère ».
Le viaduc, construit dans les années soixante et long de plus d’un kilomètre, s’était effondré sur 200 mètres, le 14 août 2018, vers midi, faisant 43 victimes et une dizaine de blessés. Une trentaine de voitures et des poids-lourds avaient été précipités dans le vide. On avait annoncé quatre jeunes Français parmi les victimes.
Voici notre traduction du message adressé par le pape aux Génois.
HG
Message du pape François envoyé au quotidien génois Il Secolo XIX
Chers frères et soeurs, chers amis,
Une année, ou presque, s’est écoulée depuis l’effondrement du Pont Morandi qui a causé la mort de 43 personnes. Des familles qui partaient en vacances ou qui en revenaient, des hommes et des femmes qui voyageaient pour leur travail. Cela a été une blessure au coeur de votre ville, une tragédie pour ceux qui ont perdu leurs proches, un drame pour les blessés, un événement de toute façon bouleversant pour ceux qui ont été forcés de quitter leur foyer et d’être évacués.
Je veux vous dire que je ne vous ai pas oubliés, que j’ai prié et que je prie pour les victimes, pour leurs proches, pour les blessés, pour les personnes évacuées, pour vous tous, pour Gênes. Devant des événements de ce genre, la souffrance due aux pertes subies est lancinante et n’est pas facile à apaiser et, de même, le sentiment de ne pas pouvoir se résigner devant une catastrophe qui pouvait être évitée est compréhensible.
Je n’ai pas de réponses toute faites à vous donner, parce que face à certaines situations, nos pauvres paroles humaines sont inadéquates. Je n’ai pas de réponses, parce qu’après ces tragédies, il y a des raisons de pleurer, de rester en silence, de s’interroger sur la raison de la fragilité de ce que nous construisons, et il y a surtout des raisons de prier. Mais j’ai un message qui jaillit de mon coeur de père et de frère, et que je voudrais vous adresser. Ne laissez pas les épreuves de la vie briser les liens qui tissent votre communauté ni effacer le souvenir de ce qui a rendu son histoire si importante et significative. Quand je pense à Gênes, je pense toujours au port. Je pense au lieu d’où est parti mon père. Je pense à la fatigue quotidienne, à la volonté acharnée et aux espoirs des Génois.
Aujourd’hui, je tiens à vous dire surtout une chose : sachez que vous n’êtes pas seuls. Sachez que vous n’êtes jamais seuls. Sachez que Dieu notre Père a répondu à notre cri et à notre demande, non pas par des mots, mais par une présence qui nous accompagne, celle de son Fils. Jésus est passé avant nous à travers la souffrance et la mort. Il a pris sur lui toutes nos souffrances. Il a été méprisé, humilié, battu, cloué sur la croix et tué de manière barbare. La réponse de Dieu à notre souffrance a été une proximité, une présence qui nous accompagne, qui ne nous laisse pas seuls. Jésus s’est fait notre égal et c’est pour cela qu’il est à nos côtés, qu’il pleure avec nous dans les moments les plus difficiles de notre vie. Regardons-le, confions-lui nos questions, notre souffrance, notre colère.
Mais je voudrais aussi vous dire que, sur la croix, Jésus n’était pas seul. Sous cette croix, il y avait sa mère, Marie. Stabat Mater, Marie se tenait sous la croix, partageant la souffrance de son Fils. Nous ne sommes pas seuls, nous avons une Mère qui, du Ciel, nous regarde avec amour et qui est à nos côtés. Agrippons-nous à elle et disons-lui : « Maman ! », comme le fait un enfant quand il a peur et qu’il désire être réconforté et rassuré. Comme le fut l’humble paysan Benoît Pareto, en 1490, sur le Mont Figogna, lorsqu’il vit une Dame au visage très beau et très doux, qui se présenta à lui comme la Mère de Jésus, demandant la construction d’une chapelle. Levez les yeux vers la Vierge de la Garde et ayez confiance en son aide maternelle.
Nous sommes des hommes et des femmes pleins de défauts et de faiblesses, mais nous avons un Père miséricordieux à qui nous adresser, un Fils crucifié et ressuscité qui marche avec nous, l’Esprit Saint qui nous assiste et nous accompagne. Nous avons une Mère au Ciel qui continue d’étendre son manteau sur nous sans jamais nous abandonner.
Je voudrais aussi vous dire que vous n’êtes pas seuls parce que la communauté chrétienne, l’Église de Gênes, est avec vous et partage vos souffrances et vos difficultés. Plus nous sommes conscients de notre faiblesse, de la précarité de notre condition humaine, plus nous redécouvrons la beauté des relations humaines, des liens qui nous unissent, en tant que familles, communautés, société civile. Je sais que vous, les Génois, vous êtes capables de grands gestes de solidarité, je sais que vous vous retournez les manches, que vous ne vous rendez vpas, que vous savez rester aux côtés de ceux qui en ont davantage besoin. Je sais aussi qu’après une grande tragédie qui a blessé vos familles et votre ville, vous avez su réagir, vous relever, regarder en avant. Ne perdez pas l’espérance, ne vous la laissez pas voler ! Continuez d’être aux côtés de ceux qui ont été davantage frappés. Je prie pour vous et vous, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Le pont Morandi avant son effondrement, © photo Wikimedia Commons, Bbruno
Le pape François écrit à la ville de Gênes en « père » et en « frère »
Un an après l’effondrement du Pont Morandi