« La charité n’est pas une prestation stérile ou une simple obole à offrir pour faire taire notre conscience », a déclaré le pape François. « Elle a son origine et son essence en Dieu » et elle est « dans le Christ, le signe et l’instrument de l’amour de Dieu pour l’humanité et pour toute la création, notre maison commune ». « Ce qui est en jeu » dans le service de la charité, a poursuivi le pape, c’est « la vision de l’homme, que l’on ne peut réduire à un seul aspect mais qui implique tout l’être humain en tant que fils de Dieu, créé à son image ».
Le pape François a reçu en audience les participants à la XXIème Assemblée générale de Caritas Internationalis, ce lundi 27 mai 2019, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique du Vatican. L’Assemblée, sur le thème « Une famille humaine, une maison commune », inspiré de l’encyclique Laudato si’, du pape François, se tient du 23 au 28 mai à l’Hôtel Ergife à Rome.
Le pape a développé trois « aspects fondamentaux » pour le service de Caritas International, qui partage « la mission même de l’Église : « charité, développement intégral et communion », exhortant à les vivre « les vivre dans le style de la pauvreté, la gratuité et l’humilité ». « On ne peut pas vivre la charité sans avoir des relations interpersonnelles avec les pauvres », a insisté le pape, car « en vivant avec les pauvres, nous apprenons à pratiquer la charité dans un esprit de pauvreté, nous apprenons que la charité est partage ».
Voici notre traduction du discours du pape François.
HG
Discours prononcé par le pape François
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et sœurs,
Je suis heureux d’avoir cette opportunité de vous rencontrer à l’occasion de votre XXIème Assemblée générale. Je remercie le cardinal Tagle pour les paroles qu’il m’a adressées et je vous adresse mes salutations cordiales à tous, à la grande famille de la Caritas et à ceux qui s’engagent au service de la charité dans vos pays respectifs.
Ces jours-ci, venus de partout dans le monde, vous avez vécu un moment important dans la vie de la Confédération, désireux non seulement de remplir des devoirs statutaires, mais aussi de renforcer les liens de communion réciproque dans l’adhésion au Successeur de Pierre, en raison du lien particulier qui existe entre l’organisation et le Siège apostolique. En effet, saint Jean-Paul II voulut conférer à Caritas Internationalis la personnalité juridique canonique publique, vous appelant à partager la mission même de l’Église au service de la charité.
Aujourd’hui, je voudrais m’arrêter pour réfléchir brièvement avec vous à trois mots clés : charité, développement intégral et communion.
Étant donné la mission que la Caritas est appelée à remplir dans l’Église, il est important de se remettre toujours à réfléchir ensemble sur la signification du mot ‘charité’. La charité n’est pas une prestation stérile ou une simple obole à offrir pour faire taire notre conscience. Ce que nous ne devons jamais oublier, c’est que la charité a son origine et son essence en Dieu (cf. Jn 4, 8) ; la charité est l’étreinte de Dieu notre Père à tout homme, de manière particulière aux plus petits et aux personnes qui souffrent, qui occupent dans son cœur une place préférentielle. Si nous regardions la charité comme une prestation, l’Église deviendrait une agence humanitaire et le service de la charité un de ses « départements de logistique ». Mais l’Église n’est rien de tout cela, c’est quelque chose de différent et de beaucoup plus grand : c’est, dans le Christ, le signe et l’instrument de l’amour de Dieu pour l’humanité et pour toute la création, notre maison commune.
Le deuxième mot est ‘développement intégral’. Dans le service de la charité, ce qui est en jeu, c’est la vision de l’homme, que l’on ne peut réduire à un seul aspect mais qui implique tout l’être humain en tant que fils de Dieu, créé à son image. Les pauvres sont avant tout des personnes et, dans leur visage, se cache celui du Christ. Ils sont sa chair, signes de son corps crucifié, et nous avons le devoir de les rejoindre, y compris dans les périphéries les plus extrêmes et dans les souterrains de l’histoire avec la délicatesse et la tendresse de notre Mère l’Église. Nous devons viser la promotion de tout l’homme et de tous les hommes afin qu’ils soient les auteurs et les protagonistes de leur propre progrès (cf. St Paul VI, enc. Populorum progressio, 34). Le service de la charité doit par conséquent choisir la logique du développement intégral comme antidote à la culture du rebut et de l’indifférence. Et en m’adressant à vous, qui êtes la Caritas, je veux redire que « la pire des discriminations dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle » (Exhort. Ap. Evangelii gaudium, 200). Vous le savez bien : la plus grande partie des pauvres « possèdent une ouverture particulière à la foi ; ils ont besoin de Dieu et nous ne pouvons pas négliger de leur offrir son amitié, sa bénédiction, sa Parole, la célébration des sacrements et la proposition d’un chemin de croissance et de maturation dans la foi » (ibid.). C’est pourquoi, comme nous l’enseigne aussi l’exemple des saints et des saintes de la charité, « l’option préférentielle pour les pauvres doit principalement se traduire dans une attention religieuse privilégiée et prioritaire » ibid.).
Le troisième mot est ‘communion’, qui est central dans l’Église et qui définit son essence. La communion ecclésiale naît de la rencontre avec le Fils de Dieu, Jésus-Christ qui, à travers l’annonce de l’Église, rejoint les hommes et crée la communion avec lui-même et avec le Père et l’Esprit Saint (cf. 1 Jn 1,3). C’est la communion dans le Christ et dans l’Église qui anime, accompagne et soutient le service de la charité dans les communautés elles-mêmes et dans les situations d’urgence dans le monde entier. Ainsi, la diaconie de la charité devient l’instrument visible de la comunion dans l’Église (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, 4). C’est pourquoi, en tant que Confédération, vous êtes accompagnés par le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, que je remercie pour le travail qu’il accomplit d’ordinaire et, en particulier, pour son soutien à la mission ecclésiale de Caritas Internationalis. J’ai dit que vous étiez accompagnés : vous n’êtes pas « au-dessous ».
En reprenant ces trois aspects fondamentaux pour vivre dans la ‘Caritas’, c’est-à-dire la charité, le développement intégral et la communion, je voudrais vous exhorter à les vivre dans le style de la pauvreté, la gratuité et l’humilité.
On ne peut pas vivre la charité sans avoir des relations interpersonnelles avec les pauvres : vivre avec les pauvres et pour les pauvres. Les pauvres ne sont pas des numéros mais des personnes. Parce qu’en vivant avec les pauvres, nous apprenons à pratiquer la charité dans un esprit de pauvreté, nous apprenons que la charité est partage. En réalité, non seulement la charité qui n’arrive pas jusqu’à la poche est une fausse charité, mais la charité qui n’implique pas le coeur, l’âme et tout notre être est une idée de la charité pas encore réalisée.
Il faut toujours être attentifs à ne pas tomber dans la tentation de vivre une charité hypocrite ou trompeuse, une charité qui s’identifie à l’aumône, à la bienfaisance, ou encore comme un « calmant » pour nos consciences inquiètes. Voici pourquoi il faut éviter d’assimiler l’œuvre de la charité à l’efficacité philanthropique ou à l’efficacité planificatrice ou encore à l’organisation exagérée et effervescente.
La charité étant la vertu la plus convoitée à laquelle l’homme puisse aspirer pour pouvoir imiter Dieu, il est scandaleux de voir des acteurs de la charité qui la transforment en business : ils parlent beaucoup de la charité mais ils vivent dans le luxe ou dans la débauche ou encore ils organisent un Forum sur la charité en gaspillant inutilement beaucoup d’argent. Cela fait très mal de constater que certains acteurs de la charité se transforment en fonctionnaires et en bureaucrates.
Voilà pourquoi je voudrais redire que la charité n’est pas une idée ni un pieux sentiment, mais c’est l’expérience d’une rencontre avec le Christ ; c’est vouloir vivre avec le cœur de Dieu qui ne nous demande pas d’avoir pour les pauvres un amour, une affection, une solidarité, etc. génériques, mais de le rencontrer lui-même en eux (cf. Mt 25,31-46) avec le style de la pauvreté.
Chers amis, je vous remercie, au nom de toute l’Église, pour ce que vous faites avec et pour tant de frères et soeurs qui peinent, qui sont laissés en marge, qui sont opprimés par l’esclavage de notre époque, et je vous encourage à avancer ! Puissiez vous tous, en communion avec les communautés ecclésiales auxquelles vous appartenez et dont vous êtes l’expression, continuer à donner avec joie votre contribution pour que grandisse dans le monde le Royaume de Dieu, un Royaume de justice, d’amour et de paix. Que l’Évangile vous nourrisse et vous éclaire toujours, et que l’enseignement et la sollicitude pastorale de notre Mère l’Église vous guide.
Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge Marie vous garde. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat