« Fragilité », « mère » et « servante »: le pape François commente et approfondit ces trois « piliers » de la vie religieuse, en reprenant les mots d’une soeur de Sainte-Anne.
Le pape François a reçu en audience au Vatican les participantes à la Rencontre de l’Union internationale des Supérieures générales (UISG), le 10 mai 2019, dans la Salle Paul VI, à l’occasion de la XXIème Assemblée plénière, intitulée « Semeuses d’espérance prophétique », à laquelle ont participé environ 850 Supérieures générales provenant de 80 pays différents, du 6 au 10 mai, à Rome.
Après avoir fait remettre aux personnes présentes le discours préparé pour l’occasion, le pape a parlé d’abondance de cœur aux participants à l’audience (cf. Discours, traduit par Zenit), répondant ensuite aux questions qui lui ont été adressées par quelques religieuses.
Voici notre traduction de la deuxième question et de la deuxième réponse.
AB
Deuxième question
Je m’appelle sœur Francesca, je suis des Sœurs de Sainte-Anne. Je veux avant tout vous dire un immense merci parce que, chaque fois que nous faisons l’assemblée plénière, vous réservez cet espace de rencontre avec nous. C’est un désir impossible à réaliser, que vous soyez présent à l’assemblée plénière, parce que dans cette assemblée, sont venues toutes les semences d’espérance, le sens de la vie religieuse féminine dans ce monde, dans ce monde d’aujourd’hui. Ce n’est pas seulement émouvant, c’est stimulant, cela donne de la force, de percevoir toutes ces semences, avec des habits différents, avec les divers charismes, les missions différentes, nous sommes présentes là où il y a des fragilités, des fragilités humaines, des enfants violés, des hommes qui ont quitté leur patrie et bien souvent nous sommes là, y compris sur les lieux de guerre, là où c’est difficile et écouter ces témoignages, y compris sur le soin de la planète, à partir des petites choses, on disait : « un papillon à la fois », une personne à la fois. Oui, la vie religieuse féminine n’a peut-être pas une grande visibilité dans le monde d’aujourd’hui, mais elle est là et il y a beaucoup de petites semences. En somme, je veux dire, mais personnellement, nous n’avons pas besoin d’occuper des espaces cléricaux pour que ce service soit visible, parce qu’il est déjà là, il est là et il continuera d’y être et c’est pourquoi ce serait beau que, dans l’assemblée plénière de l’UISG, il y ait aussi quelques hommes, comme auditeurs, pour qu’ils entendent la réalité vivante, qu’ils ne la lisent pas seulement sur le papier, qu’ils l’entendent de la bouche des sœurs, et c’est ce que nous avons partagé autour des tables. C’est cela, la vie, c’est réel, elle est là, c’est la semence qui souvent meurt et nous, supérieures générales, nous faisons l’expérience de tant de morts, mais nous savons que c’est la voie pour la vie et dans notre service en tant que mères, nous est donnée l’expérience de la grâce de témoigner, d’être les témoins oculaires de tant de vie. Une question. Nous sommes toutes des mères, ici : pouvez-vous nous donner quelques indications concrètes, de celles que vous savez donner, pour que nous soyons servantes, non pas des diacres, des servantes, des mères, dans notre monde d’aujourd’hui. Avant tout servantes de nos sœurs parce que les fragilités sont aussi à l’intérieur, et avant tout nous sommes des instruments, servantes des servantes de Jésus que sont nos sœurs. Merci pour votre proximité avec chacune d’entre nous.
Pape François
Merci à toi. Ce serait important qu’il y ait des observateurs masculins à la prochaine… C’est important, pour comprendre ces nuances qui ne sortent jamais dans un résumé… Ce serait une belle idée. Vous avez employé trois mots, trois piliers : « fragilité », « mère » et « servante ».
La maternité de l’Église. Je reviens sur le même point : l’Église est femme, elle est mère. Nous le disons : je crois dans notre sainte mère l’Église. À propos de fragilité, le point de rencontre avec la fragilité est le point qui nous fait comprendre ce qui s’est passé quand Dieu a envoyé son Fils : Dieu rencontre la plus grande fragilité, la plus grande. La fragilité humaine, et il prend la fragilité la plus grande, il prend notre humanité. N’ayez pas peur des fragilités, au contraire, approchez-vous de la fragilité humaine. Et s’approcher de la fragilité humaine n’est pas un acte de bienfaisance sociale, non, c’est un acte théologique, c’est aller au point de la rencontre entre Dieu et une femme, il s’est incarné…
Ce matin, à la messe, il y avait 25 sœurs du Cottolengo qui fêtaient leur cinquantième anniversaire de vie consacrée et elles, par vocation, elles vivent dans la fragilité parce qu’elles travaillent avec des personnes handicapées, continuellement, certaines personnes très gravement handicapées… Mais un bonheur ! Elles se sentent mères. Cet enfant, ce jeune garçon, ne serait-il pas plus utile qu’il soit soigné par une infirmière de l’État ? Non, une sœur, elles sentent cette vocation envers la fragilité. Et pas seulement elles, beaucoup… Vous, supérieures, combien de fois devez-vous caresser les fragilités des sœurs ! Porter sur vos épaules les fragilités de vos communautés ; et là, dans cette souffrance, parler avec une sœur qui veut s’en aller, parler avec cette autre qui ne va pas bien, la comprendre, entrer dans son cœur, aller de l’avant…
Le ministère avec la fragilité… Nous aussi, nous en avons. Mais il ne faut pas avoir peur, parce que c’est le miroir de l’incarnation du Seigneur. Et puis être mères. Mères et servantes. Nous pouvons être servantes, oui, les hommes peuvent être serviteurs, mais mères, non. Pères oui, mais mères non. La maternité de l’Église et la maternité de la Vierge Marie ont un reflet chez la femme consacrée, un reflet total. Une mère de famille aussi la reflète, mais la consacrée est le reflet total : qui voit une sœur voit l’Église et voit Marie. Dans la fragilité, parce qu’elle est mère dans la fragilité, parce qu’elle est mère dans la fragilité, consacrée, sans enfanter son propre fils… Ce renoncement… Je ne voudrais pas trop parler…
Commentaire de la modératrice
Je voudrais simplement dire que, pendant cette semaine, nous avons eu quelques personnes qui ont dit ce qu’elles font. Il y en a une qui travaille en République centrafricaine et qui a rapporté cette question qu’on leur pose : « Voulez-vous partir vous aussi d’ici ? » parce qu’elles sont dans des zones qui sont troublées par la guerre. Et je pense que cette question dit cette fragilité à laquelle nous participons. Si nous ne sommes pas dans les zones fragiles, nous ne pouvons pas non plus être vraiment des mères, peut-être.
Pape François
C’est vrai, ce que tu dis. Cette question : « Voulez-vous partir vous aussi ? », c’est le peuple désespéré qui ne veut pas rester sans mère. C’est beau, non ?
(c) Traduction de Zenit, Hélène Ginabat