Le message de « Pacem in terris » »Ils ont répandu un doux parfum sur la “Terre des roses”. Ils sont passés à travers les épines de l’épreuve pour répandre la fragrance de l’Évangile »: le pape François évoque les martyrs de Bulgarie dans son discours devant le patriarche Néophyte, ce dimanche matin, 5 mai 2019.
La Bulgarie est le 5e pays à majorité orthodoxe qui accueille le pape François.
Le pape a exprimé sa gratitude pour l’accueil qui lui a été réservé: « Je me trouve moi aussi, ici, hôte accueilli avec affection et j’éprouve dans le cœur la nostalgie du frère, cette nostalgie salutaire pour l’unité entre les fils du même Père que le Pape Jean a eu certainement l’occasion de mûrir dans cette ville ».
Le pape a rappelé les progrès des relations notamment grâce à Angelo Giuseppe Roncalli et ensuite Vatican II: « Justement, durant le Concile Vatican II convoqué par lui, l’Église orthodoxe bulgare envoya ses observateurs ».
D’autres jalons ont marqué ces progrès: « Depuis lors les contacts se sont multipliés. Je pense aux visites des délégations bulgares qui, depuis cinquante ans, se rendent au Vatican et que j’ai la joie d’accueillir chaque année; ainsi qu’à la présence à Rome d’une communauté orthodoxe bulgare qui prie dans une église de mon diocèse ».
Il a salué « l’accueil exquis réservé » à ses collaborateurs et la collaboration avec les catholiques: « Je me réjouis de l’accueil exquis réservé, ici, à mes envoyés, dont la présence s’est intensifiée dans les dernières années, et à la collaboration avec la communauté catholique locale, surtout dans le domaine culturel. Je suis confiant que, avec l’aide de Dieu et dans les temps que la Providence disposera, ces contacts pourront avoir des répercussions positives sur de nombreux autres aspects de notre dialogue ».
Comme le pape le recommande souvent l’oecuménisme commence en marchant ensemble, en témoignant du Christ: « En même temps, nous sommes appelés à cheminer et à faire ensemble pour rendre témoignage au Seigneur, en particulier en servant les frères les plus pauvres et oubliés, dans lesquels Il est présent ».
Le pape s’était auparavant recueilli dans la cathédrale Alexandre Nevski auprès de la « chaire » des saint apôtres des slaves, saints patrons de l’Europe, Cyrille et Méthode.
Anticipant sur des interprétations erronées du fait que le programme de la rencontre en comprenne pas de prière en commun, le porte-parole du Saint-Siège, Alessandro Gisotti, avait précisé, vendredi dernier, 3 mai, lors d’un point-presse: « il n’y a jamais eu de demande de prière en commun, il n’est pas correct de dire maintenant qu’il y a eu des pas en arrière ou en arrière ».
Il a précisé que le fait qu’aucune prière commune n’ait été prévue vient de l’interdiction encore en vigueur de la « communicatio in sacris ».
Le directeur par intérim du Bureau de presse du Saint-Siège a précisé que dans une note publiée il y a deux mois, le patriarcat indiquait que l’évêque de Rome avait été invité « par les autorités civiles ».
C’est la raison pour laquelle le pape s’est recueilli seul dans la cathédrale Alexandre Nevski de Sofia, sans signe liturgique.
Il a écrit, sur le livre d’or le titre de l’encyclique de Jean XXIII « Pacem in terris ».
Mais les gestes fraternel ont été multipliés: une accolade, dès l’aéroport avec un représentant du patriarcat, dans la délégation bulgare, l’accolade du patriarche et du pape, et surtout les paroles échangées.
Un tweet posté sur le compte du pape @Pontifex dit, cet après-midi: « Comme disait saint Cyrille : « Je pars avec joie pour la foi chrétienne ; aussi fatigué et physiquement éprouvé que je suis, j’irai avec joie » ».
AB
Discours du pape François
Sainteté, vénérables Métropolites et Évêques, chers frères,
Christos vozkrese!
Dans la joie du Seigneur ressuscité, je vous adresse le salut pascal en ce dimanche, qui, dans l’Orient chrétien, est appelé “dimanche de Saint Thomas”. Contemplons l’Apôtre qui met la main dans le côté du Seigneur et, touchant ses plaies, confesse: «Mon Seigneur et mon Dieu!» (Jn 20, 28). Les plaies, qui, tout au long de l’histoire, se sont ouvertes entre nous chrétiens, sont des déchirures douloureuses infligées au Corps du Christ qu’est l’Église. Aujourd’hui encore, nous en touchons avec la main les conséquences. Mais peut-être que si nous mettons ensemble la main dans ces plaies et confessons que Jésus est ressuscité, et si nous le proclamons notre Seigneur et notre Dieu, si en reconnaissant nos manques, nous nous immergeons dans ses plaies d’amour, nous pouvons retrouver la joie du pardon et avoir un avant-goût du jour où, avec l’aide de Dieu, nous pourrons célébrer sur le même autel le mystère pascal.
Dans ce cheminement, nous sommes soutenus par de nombreux frères et sœurs, à qui je voudrais avant tout rendre hommage: ce sont les témoins de la Pâque. Combien de chrétiens dans ce pays ont souffert pour le nom de Jésus, en particulier durant la persécution du siècle dernier!
L’œcuménisme du sang!
Ils ont répandu un doux parfum sur la “Terre des roses”. Ils sont passés à travers les épines de l’épreuve pour répandre la fragrance de l’Évangile. Ils ont germé dans un terrain fertile et bien travaillé, dans un peuple riche de foi et d’humanité authentique qui leur a donné des racines robustes et profondes: je pense, en particulier, au monachisme qui, de génération en génération, a nourri la foi du peuple. Je crois que ces témoins de la Pâque, frères et sœurs de diverses confessions unis dans le Ciel par la charité divine, nous regardent actuellement comme des semences plantées en terre pour donner du fruit. Et pendant que beaucoup de frères et sœurs dans le monde continuent de souffrir à cause de la foi, ils nous demandent de ne pas demeurer fermés, mais de nous ouvrir, parce c’est seulement de cette manière que les semences portent du fruit.
Sainteté, cette rencontre, que j’ai tant désirée, succède à celle de saint Jean-Paul II avec le Patriarche Maxime durant la première visite d’un Évêque de Rome en Bulgarie et suit les pas de saint Jean XXIII qui, dans les années passées ici, s’est attaché à ce peuple «simple et bon» (Giornale dell’anima, Bologna 1987, n. 325), en en appréciant l’honnêteté, les habitudes laborieuses et la dignité dans les épreuves. Je me trouve moi aussi, ici, hôte accueilli avec affection et j’éprouve dans le cœur la nostalgie du frère, cette nostalgie salutaire pour l’unité entre les fils du même Père que le Pape Jean a eu certainement l’occasion de mûrir dans cette ville. Justement, durant le Concile Vatican II convoqué par lui, l’Église orthodoxe bulgare envoya ses observateurs. Depuis lors les contacts se sont multipliés. Je pense aux visites des délégations bulgares qui, depuis cinquante ans, se rendent au Vatican et que j’ai la joie d’accueillir chaque année; ainsi qu’à la présence à Rome d’une communauté orthodoxe bulgare qui prie dans une église de mon diocèse. Je me réjouis de l’accueil exquis réservé, ici, à mes envoyés, dont la présence s’est intensifiée dans les dernières années, et à la collaboration avec la communauté catholique locale, surtout dans le domaine culturel. Je suis confiant que, avec l’aide de Dieu et dans les temps que la Providence disposera, ces contacts pourront avoir des répercussions positives sur de nombreux autres aspects de notre dialogue. En même temps, nous sommes appelés à cheminer et à faire ensemble pour rendre témoignage au Seigneur, en particulier en servant les frères les plus pauvres et oubliés, dans lesquels Il est présent.
L’œcuménisme du pauvre.
Ce sont surtout les saints Cyrille et Méthode qui nous orientent sur ce chemin. Ils nous ont liés depuis le premier millénaire et leur mémoire vivante dans nos Églises demeure comme une source d’inspiration parce que, malgré les adversités, ils privilégièrent l’annonce du Seigneur, l’appel à la mission. Comme disait saint Cyrille: «Je pars avec joie pour la foi chrétienne; aussi fatigué et physiquement éprouvé que je suis, j’irai avec joie» (Vita Constantini VI, 7; XIV, 9). Et pendant que s’annonçaient les signes prémonitoires des douloureuses divisions qui allaient survenir dans les siècles suivants, ils choisirent la perspective de la communion. Mission et communion: deux paroles toujours déclinées dans la vie des deux Saints et qui peuvent illuminer notre chemin pour croître dans la fraternité.
L’œcuménisme de la mission.
Cyrille et Méthode, byzantins de culture, eurent l’audace de traduire la Bible en une langue accessible aux peuples slaves pour que la Parole divine précédât les paroles humaines. Leur courageux apostolat demeure pour tous un modèle d’évangélisation. L’un des domaines qui nous interpelle dans l’annonce, c’est celui des jeunes générations. Combien il est important, dans le respect des traditions respectives et des particularités, que nous nous aidions et que nous trouvions les moyens pour transmettre la foi selon des langages et des formes qui permettent aux jeunes d’expérimenter la joie d’un Dieu qui les aiment et les appellent! Autrement ils seront tentés de faire confiance aux nombreuses sirènes trompeuses de la société de consommation.
Communion et mission, proximité et annonce, les saints Cyrille et Méthode ont beaucoup à nous dire aussi en ce qui concerne l’avenir de la société européenne. En fait, «ils ont été, dans un sens, les promoteurs d’une Europe unie et d’une paix profonde entre tous les habitants du continent, montrant les fondements d’un nouvel art de vivre ensemble, dans le respect des différences qui ne sont pas absolument un obstacle à l’unité» (St Jean-Paul II, Salut à la Délégation officielle de la Bulgarie, 24 mai 1999: Insegnamenti XXII, n. 1 (1999), 1080). Nous aussi, héritiers de la foi des saints, nous sommes appelés à être artisans de communion, instruments de paix au nom de Jésus. En Bulgarie, «carrefour spirituel, terre de rencontre et de compréhension réciproque» (Id., Discours durant la Cérémonie de bienvenue, Sofia, 23 mai 2002: Insegnamenti XXV, n. 1 (2002), 864), diverses Confessions ont été accueillies, de la Confession arménienne à la Confession évangélique, et diverses expressions religieuses, de la religion juive à la religion musulmane. L’Église catholique trouve accueil et respect, aussi bien dans la tradition latine que dans la tradition byzantino-slave. Je suis reconnaissant à votre Sainteté et au Saint Synode pour cette bienveillance. Dans nos relations aussi, les saints Cyrille et Méthode nous rappellent qu’«une certaine diversité des us et coutumes ne s’oppose pas au minimum à l’unité de l’Église» et que, entre l’Orient et l’Occident, «plusieurs formules théologiques se complètent assez fréquemment, plutôt que de s’opposer» (Conc. Oecum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, nn. 16-17). «Nous pouvons apprendre tant de choses les uns des autres!» (Exhort. Ap. Evangelii Gaudium, n. 246).
Sainteté, bientôt j’aurai la possibilité d’entrer dans la Cathédrale Patriarcale de Saint Alexandre Nevski pour me recueillir dans le souvenir des saints Cyrille et Méthode. Saint Alexandre Nevski de la tradition russe et les Saints frères provenant de la tradition grecque et apôtres des peuples slaves révèlent combien la Bulgarie est un pays-pont. Sainteté, chers Frères, je vous vous assure de ma prière pour vous, pour les fidèles de ce peuple bien-aimé, pour la haute vocation de ce pays, pour notre cheminement dans un œcuménisme du sang, du pauvre et de la mission. A mon tour, je demande une place dans vos prières, dans la certitude que la prière est la porte qui ouvre tout chemin de bien. Je désire renouveler ma gratitude pour l’accueil reçu et vous assurer que je porterai dans mon cœur le souvenir de cette rencontre fraternelle.
Christos vozkrese!
[Texte original: Italien] Copyright: Librairie éditrice du Vatican