Card. Oswald Gracias @Vatican Media

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Protection des mineurs: pour "une culture de la correction fraternelle", par le card. Gracias (texte complet)

Une tâche de l’Eglise, dans son ensemble

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Pour le cardinal Gracias, « l’Église entière doit considérer honnêtement [le phénomène des abus], entreprendre un discernement rigoureux, puis agir de manière décisive pour empêcher que des abus ne se produisent à l’avenir et faire tout ce qui est possible pour favoriser la guérison des victimes ». Prévention et guérison qui impliquent, entre autres, une « culture de la correction fraternelle ».
Le cardinal Oswald Gracias (Bombay, Inde) est intervenu ce vendredi 22 février 2019, à 10h, au deuxième jour de la rencontre mondiale des évêques réunis par le pape François au Vatican sur le thème de la Protection des mineurs (21-24 février).
Un témoignage de victime a été lu par le p. Hans Zollner SJ, au cours de la prière du matin. Il révélait la solitude de la victime: « Quand Jésus était sur le point de mourir, sa mère était avec lui. Quand j’ai été abusé par un prêtre, l’Eglise ma mère m’a abandonné. Quand j’avais besoin de quelqu’un à qui parler dans l’Église de ma blessure et de ma solitude, ils se sont tous cachés, ainsi je me suis senti encore plus seul parce que je n’avais personne vers qui me tourner. »
Ce deuxième jour est en effet consacré à la « collégialité » et à la responsabilité « ensemble » de tout le corps ecclésial. Et le titre de l’intervention du cardinal Oswald Gracias est: « La responsabilité dans une Eglise collégiale et synodale ».
Il invite à refuser et la solitude des victimes et l’isolement des évêques: « Aucun évêque ne devrait se dire à soi-même : « Je fais face à ces problèmes et à ces défis tout seul. » Parce que nous appartenons au collège des évêques en union avec le Saint-Père, nous partageons tous le devoir de rendre compte et la responsabilité. La collégialité est un contexte essentiel pour traiter les blessures d’abus infligés aux victimes et à l’Église en général. »
Il a évoqué la pratique de la correction fraternelle évangélique: « Est-ce que nous engageons vraiment une conversation ouverte et le faisons-nous remarquer honnêtement à nos frères évêques ou prêtres quand nous remarquons chez eux un comportement problématique? Nous devons cultiver une culture de la correction fraternelle (correctio fraterna, dans le texte, ndlr), qui permette cela sans nous offenser les uns les autres, et en même temps reconnaître la critique d’un frère comme une opportunité pour mieux remplir nos tâches. »
Cela suppose aussi, a-t-il fait observer, « d’admettre personnellement des erreurs, et de demander de l’aide, sans ressentir le besoin de maintenir la prétention de notre perfection »: « Avons-nous vraiment ce genre de relations fraternelles, grâce auxquelles dans de tels cas, nous n’avons pas à nous soucier de nous nuire à nous-mêmes, tout simplement parce que nous montrons notre faiblesse ? »
Et en ce jour de la fête de ma Chaire de Saint-Pierre, il a interrogé sur le lien vivant avec « Pierre » et avec les autres évêques: « Pour un évêque, la relation avec le Saint-Père est d’une valeur constitutive. Chaque évêque est obligé d’obéir directement et de suivre le Saint-Père. Nous devrions nous demander honnêtement si, sur cette base, nous ne pensons pas parfois que notre relation avec les autres évêques n’est pas si importante, surtout si nos frères ont une opinion différente, et/ou s’ils ressentent le besoin de nous corriger. Ignorons-nous peut être l’apport de nos frères, parce qu’en fin de compte seulement le pape peut nous donner des ordres en tout cas, et donc la collégialité est facile à ignorer, ou, dans de tels cas elle n’a pas de poids pertinent ? »
Pour le processus de guérison, le cardinal Gracias ne mâche pas ses mots: « Ignorer ou minimiser ce que les victimes ont expérimenté exacerbe leur douleur et retarde leur guérison. »
Il a aussi abordé la question du rapport aux autorités civiles, là non plus, pas d’isolement: « L’abus sexuel des mineurs et d’autres personnes vulnérables non seulement enfreint le droit divin et ecclésiastique, mais il s’agit aussi d’un comportement criminel public. L’Église ne vit pas solitairement dans un monde isolé de sa propre fabrication. L’Eglise vit dans le monde et avec le monde. Ceux qui sont coupables d’un comportement criminel sont à juste titre responsables devant l’autorité civile de ce comportement. Bien que l’Église ne soit pas un agent de l’État, l’Église reconnaît l’autorité légitime du droit civil et de l’État. Par conséquent, l’Église coopère avec les autorités civiles dans ces domaines pour porter justice aux survivants et à l’ordre civil. » Il n’a pas ignoré les cas de mauvaises relations entre l’Eglise et l’Etat.
Voici la traduction, rapide, de travail, de cette intervention prononcée en anglais.
AB
La responsabilité dans une Eglise collégiale et synodale
L’abus sexuel dans l’Église Catholique et l’échec subséquent de l’aborder de manière ouverte, responsable et efficace ont provoqué une crise multidimensionnelle qui a saisi et blessé l’Église, sans parler de ceux qui ont été abusés. Bien que l’expérience des abus semble dramatiquement présente dans certaines parties du monde, ce n’est pas un phénomène limité. Sans aucun doute, l’Église entière doit le considérer honnêtement, entreprendre un discernement rigoureux, puis agir de manière décisive pour empêcher que des abus ne se produisent à l’avenir et faire tout ce qui est possible pour favoriser la guérison des victimes.
L’importance et la portée universelle de ce défi ont incité le pape François à nous convoquer à cette réunion, soulignant son engagement et celui de l’église à s’attaquer à cette crise. Plus encore, en invitant les présidents des Conférences Nationales des évêques, il signale comment l’Église doit s’attaquer à cette crise. Pour lui et pour ceux d’entre nous réunis avec lui, ce sera le chemin de la collégialité et de la synodalité. Cette façon d’être l’Église pourra ensuite, avec l’aide de Dieu, façonner et définir comment toute l’Église aux niveaux régional, national, local-diocésain et même paroissial assumera la tâche de traiter les abus sexuels dans l’Église. Ainsi, la synodalité peut véritablement être vécue, en incorporant toutes les décisions et les mesures qui en résultent à tous ces différents niveaux – sur une base contraignante. Cela inclut l’implication des laïcs, hommes et femmes. Ce faisant, nous devrions rester honnête, et nous demander à nous-mêmes : voulons-nous vraiment cela ? Que faisons-nous actuellement en ce sens ? Prenonsnous seulement des mesures d’alibi pour une Église synodale, et en réalité, nous souhaitons rester entre nous comme évêques dans « nos » conférences, dans « nos » commissions, dans « nos » réunions, dans lesquelles ceux qui ne sont ni évêques et ni du clergé ne jouent qu’un rôle insignifiant ? Ce n’est pas le moment et le lieu d’aller dans le détail, mais si nous ne parlons pas seulement d’une Église synodale, mais nous voulons aussi la vivre, nous devons aussi apprendre à pratiquer d’autres formes de gestion, et apprendre comment nous pouvons mener des processus synodaux. Si nous ne faisons pas tout cela, alors le discours de la synodalité dans le contexte du sujet de l’abus ne sert qu’à dissimuler un comportement incohérent, c’est-à-dire dans le domaine critique et difficile de l’abus, déporter la responsabilité sur les laïcs (hommes et femmes), mais autrement leur déniant la possibilité de prendre des responsabilités.
Permettez-moi d’articuler cela dans une perspective personnelle. Aucun évêque ne devrait se dire à soi-même : « je fais tout seul face à ces problèmes et à ces défis. » Parce que nous appartenons au collège des évêques en union avec le Saint-Père, nous partageons tous le devoir de rendre compte et la responsabilité. La collégialité est un contexte essentiel pour traiter les blessures d’abus infligés aux victimes et à l’Église en général. Nous, évêques, avons souvent besoin de retourner à l’enseignement du Concile Vatican II, afin de nous replacer nous-mêmes dans la plus large mission et le ministère de l’Église. Considérez ces mots de Lumen Gentium : « Les évêques, pris à part, placés à la tête de chacune des Églises particulières, exercent leur autorité pastorale sur la portion du Peuple de Dieu qui leur a été confiée … Mais, comme membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des Apôtres, ils sont tous tenus, à l’égard de l’Église universelle, de par l’institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude, pour l’Église universelle. (n. 23)
Le point est clair. Aucun évêque ne peut se dire à lui-même, « ce problème d’abus dans l’Église ne me préoccupe pas, parce que les choses sont différentes dans ma partie du monde.» Nous sommes tous responsables de toute l’Église. Nous détenons la responsabilité ensemble. Nous étendons notre inquiétude au-delà de notre église locale pour embrasser toutes les églises avec lesquelles nous sommes en communion.
Alors que nous assumons notre sens collégial et collectif de la responsabilité, nous rencontrerons inévitablement une certaine dialectique. Car notre collégialité exprime en effet la variété et l’universalité du Peuple de Dieu, mais aussi l’unité du troupeau du Christ. Il y a, en d’autres termes, un besoin constant d’apprécier la grande diversité de l’expérience vécue des églises répandues dans le monde entier en raison de leur histoire, culture et coutumes. Dans le même temps, nous devons aussi apprécier et renforcer notre unité, notre mission unique et notre objectif qui doit être «… dans la nature du sacrement, – un signe et un instrument, c’est-à-dire de communion avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » (LG, n. 1) Dans notre Église, nous avons besoin d’urgence de développer davantage les compétences interculturelles, qui, en fin de compte, doivent prouver leur valeur par une communication interculturelle réussie et une prise de décision bien fondée.
Concrètement, cela signifie que, lorsque nous abordes le fléau de l’abus sexuel ensemble, c’est-à-dire collégialement, nous devons le faire avec une vision singulière et unifiée ainsi qu’avec la souplesse et l’adaptabilité qui découlent de la diversité des personnes et des situations dans notre cure universelle.
Dans ce contexte, nous devons aussi nous demander fondamentalement si nous vivons adéquatement ce que l’on entend par les notions de collégialité et de synodalité. La collégialité et la synodalité ne doivent pas seulement rester des notions théoriques, qui sont largement définies, mais qui ne sont pas mises en pratique. À cet égard, je vois encore beaucoup de possibilités pour de futurs développements. Peut-être pouvons-nous faire des progrès si nous savons clarifier les points suivants.
• On ne peut pas ignorer qu’il a été difficile pour nous, dans l’Église, de traiter le sujet de l’abus de manière juste, pour diverses raisons. Nous, en tant qu’évêques aussi assumons une responsabilité pour cela. Pour moi, cela soulève la question : est-ce que nous nous engageons vraiment dans une conversation ouverte et le faisons-nous remarquer honnêtement à nos frères évêques ou prêtres quand nous remarquons un comportement problématique en eux? Nous devons cultiver une culture de la correction fraternelle, qui permette cela sans nous offenser les uns les autres, et en même temps reconnaître la critique d’un frère comme une opportunité pour mieux remplir nos tâches.
• Étroitement liée à ce point est la volonté d’admettre personnellement des erreurs, et de demander de l’aide, sans ressentir le besoin de maintenir la prétention de notre perfection. Avons-nous vraiment ce genre de relations fraternelles, grâce auxquelles dans de tels cas, nous n’avons pas à nous soucier de nous nuire à nous-mêmes, tout simplement parce que nous montrons notre faiblesse ?
• Pour un évêque, la relation avec le Saint-Père est d’une valeur constitutive. Chaque évêque est obligé d’obéir directement et de suivre le Saint-Père. Nous devrions nous demander honnêtement si, sur cette base, nous ne pensons pas parfois que notre relation avec les autres évêques n’est pas si importante, surtout si nos frères ont une opinion différente, et/ou s’ils ressentent le besoin de nous corriger. Ignorons-nous peut être l’apport de nos frères, parce qu’en fin de compte seulement le pape peut nous donner des ordres en tout cas, et donc la collégialité est facile à ignorer, ou dans de tels cas elle n’a pas de poids pertinent ?
• Si, dans de tels contextes, nous nous référons toujours à Rome, ne devrions-nous pas nous étonner qu’un certain centralisme romain ne prenne pas suffisamment en compte la diversité dans notre fraternité, et que les compétences de nos églises locales et nos capacités comme bergers responsables de nos églises locales ne soient pas utilisées de manière appropriée, et ainsi la collégialité pratiquement vécue souffre. Si nous voulons et devons revitaliser notre collégialité, nous avons alors besoin d’une discussion entre la Curie romaine et nos conférences épiscopales. Nous pouvons toujours seulement assumer la responsabilité de quelque chose dans la mesure où nous sommes autorisés à le faire, et plus la responsabilité nous est accordée, mieux nous pouvons servir notre propre troupeau.
• Qu’il s’agisse de la relation entre nous les évêques locaux et Rome, ou la relation des évêques entre eux, un aspect important doit être clair. La collégialité ne peut être vécue et pratiquée que sur la base de la communication. Nous devons nous demander si nous utilisons vraiment toutes les formes de communication moderne, régulière et durable, ou si nous sommes encore en retard. En toute honnêteté, je crois que nous pourrions nous améliorer sur ce point, par exemple en termes de rapidité d’échange d’informations, ainsi que dans les formes de participation à la formation d’opinion, et les formes de discussion.
Je suis fermement convaincu qu’il n’y a pas de véritables alternatives à la collégialité et à la synodalité dans notre interaction. Mais avant de pointer quelques conséquences pratiques pour aborder l’abus sexuel dans l’Église d’un point de vue collégial, permettez-moi de résumer le défi que nous rencontrons ensemble.
Le défi de l’abus sexuel dans l’Église
L’abus sexuel des mineurs et des adultes vulnérables dans l’église révèle une toile complexe de facteurs interconnectés, y compris : la psychopathologie, les peccamineuses décisions morales, les environnements sociaux qui permettent à l’abus de se produire, et souvent des réponses institutionnelles et pastorales inadéquates ou manifestement nuisibles, ou un manque de réponse. L’abus perpétré par les clercs (évêques, prêtres, diacres) et d’autres personnes qui servent dans l’Église (par exemple, les enseignants, les catéchistes, les entraîneurs) entraîne des dommages incalculables qui sont à la fois directs et indirects. Plus important encore, l’abus inflige des dégâts aux survivants. Ces dommages directs peuvent être physiques. Inévitablement psychologique avec toutes les conséquences à long terme de tout traumatisme émotionnel grave, lié à une profonde trahison de la confiance. Très souvent, c’est une forme de dommage spirituels direct qui ébranle la foi et perturbe durement le cheminement spirituel de ceux qui souffrent d’abus, parfois dans la spirale dans le désespoir.
Le dommage indirect de l’abus résulte souvent de l’échec ou d’une réponse institutionnelle inadaptée à l’abus sexuel. Ce genre de réponse indirecte et dommageable pourrait être: le fait de ne pas écouter les victimes ou de ne prendre au sérieux leurs revendications, de ne pas étendre les soins et le soutien aux victimes et à leurs familles, en accordant la priorité aux préoccupations institutionnelles et financières (par exemple, en «cachant» les abus et les agresseurs) au-delà des soins des victimes, l’omission de soustraire les agresseurs des situations qui leur permettraient d’abuser d’autres victimes, et de ne pas offrir de programmes de formation et de dépistage pour ceux qui travaillent avec des enfants et adultes vulnérables. Aussi grave que l’abus direct des enfants et des adultes vulnérables, les dommages indirects infligés par ceux qui ont la responsabilité de directive au sein de l’église peuvent être pires en rendant de nouveau victimes ceux qui ont déjà souffert d’abus.
La lutte contre les abus sexuels dans l’église représente un défi complexe et multiforme, peut-être sans précédent dans l’histoire de l’église à cause des communications et des connexions mondiales d’aujourd’hui. Cela rend la collégialité encore plus décisive dans notre situation actuelle. Mais comment une Église collégiale doit-elle répondre à ce défi ? Si nous utilisons les éléments de la collégialité comme prisme pour voir et aborder la crise, nous pouvons peut-être commencer à faire quelques progrès. Certes, aborder la crise ne signifie pas une résolution rapide ou définitive. Nous avons besoin de commencer courageusement et persévérer résolument sur la route ensemble.
Pour l’instant, je veux indiquer trois thèmes que je considère particulièrement importants pour notre réflexion : la justice, la guérison et le pèlerinage.
Justice
L’abus sexuel des autres, en particulier des mineurs, est enraciné dans une perception injuste du droit : « j’ai des privilèges sur cette personne pour mon usage et mon abus. » Bien que l’abus sexuel comporte beaucoup de choses, comme une violation et une trahison de la confiance, il est à la racine un acte d’injustice grave. Les victimes-survivantes parlent de leur sentiment d’être injustement violées. Une tâche fondamentale qui appartient à chacun d’entre nous individuellement et de façon collégiale est de rétablir la justice envers ceux qui ont été violés. Il y a plusieurs niveaux à mettre en œuvre dans ce processus de restauration. Bien sûr, nous devons défendre et promouvoir la justice de Dieu et mettre en œuvre les normes de justice qui appartiennent à notre communauté ecclésiale. Le droit et le processus ecclésiastiques doivent être mis en œuvre équitablement et efficacement. Il y a, cependant, plus à l’histoire.
L’abus sexuel des mineurs et d’autres personnes vulnérables non seulement enfreint le droit divin et ecclésiastique, mais il s’agit aussi d’un comportement criminel public. L’Église ne vit pas solitairement dans un monde isolé de sa propre fabrication. L’église vit dans le monde et avec le monde. Ceux qui sont coupables d’un comportement criminel sont à juste titre responsables devant l’autorité civile de ce comportement. Bien que l’Église ne soit pas un agent de l’État, l’Église reconnaît l’autorité légitime du droit civil et de l’État. Par conséquent, l’Église coopère avec les autorités civiles dans ces domaines pour porter justice aux survivants et à l’ordre civil.
Les complications s’ensuivent quand il y a des relations antagonistes entre l’église et l’État ou, encore plus dramatiquement, lorsque l’État persécute ou se tient prêt à persécuter l’Église. Ce genre de circonstances souligne l’importance de la collégialité. Ce n’est que dans un réseau de relations fortes entre les évêques et les Églises locales qui travaillent ensemble que l’Église peut naviguer dans les eaux turbulentes du conflit État- Église et, dans le même temps, traiter de manière appropriée le crime d’abus sexuels. Il y a un double besoin que seule la collégialité peut aborder : la nécessité d’une sagesse partagée et la nécessité d’un soutien encourageant.
Guérison
En plus de se tenir debout pour la justice, une Église collégiale est synonyme de guérison. Certes, cette guérison doit atteindre les victimes d’abus. Elle doit également s’étendre à d’autres personnes affectées, y compris les communautés dont la confiance a été trahie ou sévèrement éprouvée.
Le premier message, destiné en particulier aux victimes, est une approche respectueuse et une reconnaissance honnête de leur douleur et de leur souffrance. Bien que cela semble évident, ce n’est pas toujours ce qui a été communiqué. Ignorer ou minimiser ce que les victimes ont expérimenté exacerbe leur douleur et retarde leur guérison. Dans une Église collégiale, nous pouvons nous rappeler mutuellement à l’attention et à la compassion qui nous permettent de faire cette sensibilisation et cette reconnaissance.
Le second message doit être une offre de guérison. Il y a beaucoup d’étapes vers la guérison, de la consultation professionnelle aux groupes de soutien de pairs et bien d’autres moyens aussi. Dans une Église collégiale, nous pouvons renforcer notre imagination et développer ces différents chemins de guérison que nous pouvons opportunément communiquer à ceux qui souffrent.
Un troisième message important est d’identifier et de mettre en œuvre des mesures pour protéger les jeunes et les personnes vulnérables contre les futurs abus. Encore une fois, il faut une sagesse collective et une imagination partagée pour développer les moyens de protéger les jeunes et éviter la tragédie de l’abus. Cela peut se produire dans une Église collégiale qui assume la responsabilité pour l’avenir.
Un quatrième et dernier message est adressé à la société en général. Notre Saint-Père a dit avec sagesse et justesse que l’abus est un problème humain. Il n’est pas, bien sûr, limité à l’Église. En fait, c’est une réalité omniprésente et triste dans tous les secteurs de la vie. En dehors de ce moment particulièrement important dans la vie de l’Église, nous pouvons, de nouveau dans un contexte collégial, puiser et développer des ressources qui peuvent être d’un grand service pour un monde plus vaste. La grâce de ce moment peut réellement être notre capacité à servir un grand besoin dans le monde à partir de notre expérience dans l’Église.
Pèlerinage
Alors que nous sommes confrontés à la tragédie de l’abus sexuel dans l’Église, alors que nous rencontrons la souffrance des victimes, nous ne sommes jamais plus conscients de notre statut de peuple de Dieu en pèlerinage. Nous savons que nous ne sommes pas encore arrivés à notre destination. Nous sommes conscients que notre voyage ne s’est pas effectué le long d’une ligne droite. Le Concile Vatican II a bien dépeint cela dans Lumen Gentium: « Ainsi donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous. Le renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en réalité, anticipé dès maintenant : en effet, déjà sur terre l’Église est parée d’une sainteté encore imparfaite mais déjà véritable. Cependant, jusqu’à l’heure où seront réalisés les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite, l’Église en pèlerinage porte dans ses sacrements et ses institutions, qui relèvent de ce temps, la figure du siècle qui passe ; elle a sa place parmi les créatures qui gémissent présentement encore dans les douleurs de l’enfantement, attendant la manifestation des fils et des filles de Dieu (n°48).
Être le peuple pèlerin de Dieu ne signifie pas simplement que nous avons un certain statut non-fini, bien que ce soit effectivement le cas. Être le peuple pèlerin de Dieu signifie que nous sommes une communauté qui est appelée à un continuel repentir et un discernement continuel. Nous devons nous repentir – et le faire ensemble, collégialement – parce que le long de notre chemin, nous avons échoué. Nous devons demander pardon. Nous devons également être dans un processus continue de discernement. En d’autres termes, ensemble ou collégialement, nous avons besoin de guetter, d’attendre, d’observer et de découvrir la direction que Dieu nous donne dans les circonstances de nos vies. Il y a plus devant de nous. Au fur et à mesure que la crise des abus s’est déroulée, nous avons su qu’il n’y avait pas de solution facile ou rapide. Nous sommes alertés pour avancer étape par étape et ensemble. Cela nécessite le discernement.
Conclusion
Récemment, dans un contexte très différent, les évêques du Congo se sont réunis et ont agi de façon collégiale. Avec beaucoup de courage et de détermination, ils ont abordé les défis sociaux et politiques de leur nation. Ils l’ont fait, pas un par un, mais plutôt ensemble, collégialement. Dans leur soutien mutuel et partagé, ils ont mis en avant un témoignage de ce que la collégialité vécue peut signifier et à quel point elle peut être efficace.
Alors que nous réfléchissons à la crise de l’abus qui a affligé l’Eglise, nous faisons bien de nous inspirer de leur exemple et de reconnaître le pouvoir de la collégialité en abordant les questions les plus difficiles que nous confrontons.
Pour aller de l’avant avec un sens clair de la responsabilisation et de la responsabilité dans un contexte de collégialité, il y a, – comme je le vois,- au moins quatre conditions que j’offre à votre considération.
Pour s’appuyer sur la collégialité afin de répondre à notre responsabilité, nous devons:
• revendiquer, ou mieux récupérer, notre identité dans le Collège apostolique Uni au successeur de Pierre, et nous devons le faire avec humilité et ouverture ;
• invoquez le courage et la force, parce que le chemin à parcourir n’est pas tracé avec un grand détail et une précision de coupe claire ;
• embrasser la voie du discernement pratique, parce que nous voulons accomplir ce que Dieu veut de nous dans les circonstances concrètes de nos vies ;
• être disposé à payer le prix de suivre la volonté de Dieu dans des circonstances incertaines et douloureuses.
Si nous faisons ces choses, nous pourrons progresser de façon collégiale sur une voie de la responsabilisation et de la responsabilité. Mais remarquez que toutes ces actions ne sont pas simplement nos actions, elles sont l’œuvre de l’Esprit Saint : revendiquer l’identité ou savoir qui nous sommes, vivre avec courage et force, discerner, et être généreux dans le service.
Donc, laissez le dernier mot être Veni, Sancte Spiritus, Veni.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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