Arrivée à Abou Dhabi © Vatican Media

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Abou Dhabi, huit cents ans après la rencontre du sultan avec François d'Assise, par Andrea Tornielli

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Comprendre « à la lumière des pontificats précédents »

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« Huit cents ans après, une nouvelle accolade et un engagement en signe de paix »: sous ce titre, Andrea Tornielli, directeur éditorial du Dicastère pour la communication, salue la rencontre et la déclaration d’Abou Dhabi pour la « fraternité humaine ». Il invite ainsi à interpréter les parole set les gestes du pape François aux Emirats arabes unis (3-5 février 2019) dans une perspective historique – il est historien – et à les interpréter  « à la lumière des pontificats précédents ».
Rappelons que saint François s’est rendu à Damiette (Egypte), au cours de la cinquième croisade, quittant Assise en juin 1219, pour se rendre auprès des musulmans. Il a embarqué sur un bateau rempli de soldats, de marchands, avec quelques religieux. Il a débarqué à  Saint-Jean-d’Acre, la capitale des croisés depuis la prise de Jérusalem par Saladin en 1187.
Mais son but était de « sortir du camp chrétien et de rencontrer l’ennemi apocalyptique de l’époque, non avec les armes mais avec le coeur »: « il débarqua au milieu de la guerre, à Damiette, dans la vallée du Nil et, pendant une trêve, il réussit à passer les lignes et même à rencontrer le sultan Al-Malik-al-Khamîl ». Il  voulait « clamer dans le climat épouvantable des relations islamo-chrétiennes que Jésus était venu nous dire que nous sommes tous frères ».
Le neveu de Saladin le reçut avec beaucoup de courtoisie, et il fera ensuite escorter « celui qui est venu non de la part des croisés » mais du « Dieu créateur de tous les hommes ».

Dans un éditorial de ce lundi 4 février, après le grand discours du pape François, Tornielli écrit: « Huit cents ans après la rencontre entre François d’Assise et le sultan Al-Malik Al-Kamil, le Pape qui porte le nom du saint d’Assise se présente à ses «frères» musulmans comme un «croyant assoiffé de paix». Et avec le grand imam d’Al-Azhar, il signe une déclaration destinée à marquer non seulement l’histoire des relations entre christianisme et islam, mais aussi l’histoire du monde islamique lui-même. Le pape François, inventeur de l’expression «guerre mondiale en morceaux», par ce voyage et ce geste s’insère dans le chemin tracé par ses prédécesseurs. »
Jean-Paul II et l’esprit d’Assise
Tornielli rappelle d’abord « l’esprit d’Assise » et les pèlerinages des religions pour la paix lancés par Jean-Paul II auprès du saint, notamment après le « 11 septembre », pour refuser le terrorisme avec les responsables d’autres religions et démasquer sa prétention d’agir au Nom de Dieu:  « Jean-Paul II, déjà, à partir de la rencontre d’Assise en 1986 – alors que la menace nucléaire qui pesait sur le monde, revient malheureusement aujourd’hui – avait impliqué les responsables religieux pour souligner que les religions les plus diverses devaient promouvoir la paix, la cohabitation et la fraternité. Après le 11 septembre 2001, lorsque le fondamentalisme terroriste est revenu sur la scène internationale de manière brutale, le Pontife polonais a redoublé d’efforts pour supprimer toute justification religieuse de l’abus du nom de Dieu pour justifier la violence, le terrorisme, l’assassinat d’hommes, de femmes et d’enfants innocents. »
La Communauté de Sant’Egidio n’a pas cessé ensuite d’organiser ces rencontres des religions pour la paix, dans l’esprit d’Assise, et son président, Marco Impagliazzo, a pris la parole lui aussi à Abou Dhabi.
Benoît XVI et le refus de la violence
Tornielli évoque ensuite le – si mal compris – discours de Ratisbonne prononcé par le pape François Benoît XVI, dans un allemand d’universitaires, sur le rapport entre foi et raison: la foi sans raison devient un fondamentalisme menaçant, la raison sans la foi se retrouve incapable de dialoguer avec la très grande majorité de la planète, faite de croyants. L’historien cite ce passage: « Benoît XVI a également emprunté le même chemin tout au long de son pontificat. En septembre 2006, le Pape allemand avait déclaré aux dirigeants des pays musulmans: «Il est nécessaire que, fidèles aux enseignements de leurs traditions religieuses respectives, chrétiens et musulmans apprennent à travailler ensemble, comme cela se produit déjà dans plusieurs expériences communes, afin d’éviter toute forme d’intolérance et de s’opposer à toute manifestation de violence». »
La Déclaration sur la fraternité humaine
L’historient en vient à la Déclaration d’Abou Dhabi sur la fraternité humaine, la liberté, la paix, la dignité de la femme, signée par le pape François ce 4 février, et par le grand imam  de Al-Azar, Mohamed Al-Tayeb. Le pape et l’imam ont souhaité qu’elle soit enseignée aux enfants. Tornielli souligne qu’elle est très exigeante: « Aujourd’hui, le pape François signe un document où non seulement toute justification de la violence commise au nom de Dieu est rejetée, mais aussi où sont faites des affirmations importantes et contraignantes concernant l’Islam et certaines de ses interprétations. Cette déclaration contient des passages exigeants concernant le respect des différents croyants, la condamnation de toute discrimination, la nécessité de protéger tous les lieux de culte et le droit à la liberté de religion, ainsi que la reconnaissance des droits des femmes. »
« Non! » à la troisième guerre mondiale
La déclaration indique des causes du « terrorisme nihiliste », souligne Andrea Tornielli: « L’accent est également mis, et c’est significatif, sur l’une des racines les plus profondes du terrorisme nihiliste, qui découle de la mauvaise interprétation des textes religieux, mais aussi d’une «détérioration de l’éthique qui conditionne l’action internationale et un affaiblissement des valeurs spirituelles et du sens des responsabilités». »
Son objectif principal est d’être un nouveau rempart contre la guerre, explique encore Tornielli: « Autant d’éléments qui favorisent la frustration et le désespoir, «conduisant beaucoup à tomber dans le vortex de l’extrémisme athée et agnostique, ou dans l’intégrisme religieux, l’extrémisme et le fondamentalisme aveugle». Occident et Orient, croyants de religions différentes qui se considèrent comme des frères – ont déclaré l’évêque de Rome et le grand imam d’Al-Azhar – peuvent s’entraider pour tenter d’éviter l’explosion d’une guerre mondiale en morceaux dans toute sa puissance destructrice. »
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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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