Mgr Bernardito Auza 13/12/2017 © Oss_romano

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ONU: s'engager à nouveau pour les droits de l’homme, par Mgr Auza (traduction complète)

70ème anniversaire de la Déclaration universelle

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« Le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme est l’occasion de renouveler notre engagement à promouvoir et à défendre les droits, les libertés fondamentales et les responsabilités qu’elle énonce », a déclaré Mgr Auza.

Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège, est intervenu sur « La Déclaration universelle des droits de l’homme à 70 ans : Fondations, réalisations et violations », à l’événement parallèle tenu au siège de l’Organisation des Nations Unies, à New York, le 4 décembre 2018.

Après le prix « payé par des millions de nos frères et sœurs » pendant la première moitié du siècle dernier, a-t-il souligné, « la Déclaration universelle a été un grand pas en avant » dans le « processus de développement moral humain » qui s’est révélé nécessaire, a-t-il souligné.

Le représentant du Saint-Siège a tenu a rappeler trois « présupposés fondamentaux » de la Déclaration. 1) Son universalité : enracinés dans la nature humaine, les droits sont « valables à toutes les époques, dans tous les lieux et dans toutes les cultures ». 2) Son objectivité : les droits de l’homme sont « fondés sur l’existence d’une nature objectivement partagée par tous les membres du genre humain par le fait même de leur humanité ». 3) Son unité, car si « certains droits deviennent facultatifs, tous les droits le deviennent ».

Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Auza, prononcée et publiée en anglais.

HG

Intervention de Mgr Bernardito Auza

Excellences, Mesdames et Messieurs les panélistes,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue à l’événement de cet après-midi, en prévision du 70ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme lundi prochain, que le Saint-Siège a l’honneur de parrainer avec ADF International.

Le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme est l’occasion non seulement de la célébrer comme l’une des grandes réalisations de l’histoire des Nations Unies, mais aussi de réaffirmer son importance et de renouveler notre engagement à promouvoir et à défendre les droits, les libertés fondamentales et les responsabilités qu’elle énonce.

Lors de son adoption, il y aura 70 ans lundi prochain, l’un de ses principaux catalyseurs, Eleanor Roosevelt, espérait qu’elle deviendrait la « Magna Carta internationale de tous les hommes dans le monde ».

Lorsque le pape Jean-Paul II s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies en 1979, il l’a appelée le « document fondamental », « l’inspiration fondamentale et la pierre angulaire de l’Organisation des Nations Unies » et « un jalon sur le chemin long et difficile du progrès moral ».

Ce fut un grand triomphe réalisé à un coût énorme, a-t-il dit, « payé par des millions de nos frères et sœurs » qui avaient souffert, avaient été sacrifiés, brutalisés et même soumis à un génocide. Les atrocités des deux guerres mondiales et surtout de l’Holocauste ont révélé qu’il y a des actions si méchantes que personne ne peut ou ne veut les justifier et certaines valeurs fondamentales que personne ne contestera.

Après les horreurs de la première moitié du siècle dernier, il était évident que le progrès humain ne se mesurait pas seulement à l’aune des progrès scientifiques et technologiques, car même ceux-ci pouvaient devenir des armes contre des innocents ; le progrès humain devait plutôt être le développement intégral des personnes et des peuples, en particulier leur développement éthique. La Déclaration universelle a été un grand pas en avant dans ce processus de développement moral humain, devenant « l’une des plus hautes expressions de la conscience humaine de notre temps », comme le disait Jean-Paul II lors de sa deuxième visite à l’ONU en 1995. Son impact durable, cependant, dépend de ce qu’elle reste ou non ce qu’il appelait la « valeur fondamentale » de l’ONU, inspirant et stimulant la conscience des membres de l’ONU et des peuples du monde.

Les droits de l’homme sont au cœur des Nations Unies. Le Préambule de la Charte des Nations Unies affirme solennellement « la foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes et des nations, grandes et petites », mais il ne précise pas quels sont ces droits fondamentaux. Cette tâche incombe à la Commission des droits de l’homme qui, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, a élaboré les droits politiques et civils – y compris la vie, la liberté, la propriété, la liberté d’expression, de religion et de réunion – et les droits économiques, sociaux et culturels, comme le travail, l’éducation et la subsistance de base.

L’élaboration comportait plusieurs éléments :

Les droits qu’elle énonçait étaient pratiques, conçus pour guider l’action. Ils sont nés de la conviction que chaque personne a besoin d’être traitée comme tout autre être humain.

Ils ont été formulés non seulement par rapport à l’État, mais aussi par rapport à divers instituts médiateurs comme la famille, la communauté humaine et les groupes religieux, car les êtres humains sont des personnes solidaires et fraternelles plutôt que des individus isolés.

Les droits étaient « reconnus » par la Déclaration, dans la mesure où les auteurs croyaient qu’ils concernaient des personnes du seul fait qu’elles étaient des personnes, et non des libertés qui leur étaient simplement conférées par le pouvoir en place.

Ses 30 articles laissaient place à des interprétations et des applications différentes selon les contextes locaux ; en fait, son génie était qu’elle avait été rédigée pour être pertinente pour tous les peuples dans un monde pluraliste et qu’elle permettait à différentes cultures, institutions et systèmes juridiques de converger vers un noyau fondamental de valeurs, transcendant les divisions et faisant appel à notre humanité commune.

Bien que la Déclaration en tant que telle ne soit pas assortie d’un mécanisme d’application, ce qui avait été prévu et corrigé dans les deux Pactes relatifs aux droits de l’homme de 1966, nombre de ses principes ont acquis force de loi par incorporation dans les systèmes juridiques nationaux.

Alors que nous célébrons ce 70ème anniversaire, je voudrais souligner trois de ses présupposés fondamentaux qui, en raison des changements culturels, ne sont peut-être pas aussi largement et profondément appréciés aujourd’hui qu’ils l’étaient par les auteurs et les délégués qui ont voté en faveur de son adoption.

Le premier concerne son universalité. La Déclaration s’est efforcée de formuler des droits qui seraient valables à toutes les époques, dans tous les lieux et dans toutes les cultures. Elle a présumé qu’il existe effectivement des droits de l’homme universels, enracinés dans la nature humaine. Partout et à tout moment, les personnes humaines ont non seulement une dignité sous-jacente qui ne peut jamais être piétinée à juste titre, mais aussi un substrat éthique ou une conscience sous-jacente qui peut reconnaître cette dignité en elles-mêmes et chez les autres.

Cette universalité a parfois été contestée par ceux qui ont soutenu que la Déclaration est excessivement le fruit d’idées occidentales, ou par ceux qui pensent que toute vérité, y compris éthique, est relative au contexte, ou par des gouvernements ou des groupes qui veulent violer les droits des autres, mais elle est sans conteste présupposée dans la Déclaration.

Le deuxième présupposé concerne l’objectivité. Les auteurs pensaient que la nature humaine était évidemment la même partout et que tous les êtres humains étaient capables, par une réflexion rationnelle, de comprendre certaines vérités fondamentales sur la nature, la dignité et les droits humains. L’éloignement des droits de l’homme de cet ancrage objectif au profit de conceptions subjectivistes ou relativistes sape en fait les droits eux-mêmes, permettant de nier leur universalité pour des raisons culturelles, politiques, sociales, philosophiques ou religieuses.

Les auteurs ont pu parler des droits de la personne parce qu’ils avaient une notion riche et objective de ce que signifie être humain. La tentation contemporaine est d’accentuer le mot « droits » tout en négligeant le mot encore plus important « humains », mais les droits de l’homme sont fondés sur l’existence d’une nature objectivement partagée par tous les membres du genre humain par le fait même de leur humanité. De cette nature découle la dignité humaine, qui se réfère à la valeur intrinsèque de la personne, quelle que soit sa situation, qu’elle soit jeune ou âgée, riche ou pauvre, forte ou vulnérable, saine ou malade, désirée ou non, économiquement productive ou handicapée, politiquement influente ou insignifiante. Parce que la dignité est innée et objective, tous les êtres humains sont égaux en valeur, et les droits de l’homme ne peuvent être donnés ou enlevés par l’État ou par tout autre acteur. Une vision réductrice de la personne humaine, d’autre part – une vision qui traite la personne comme une monade isolée sans nature sociale ou en tant qu’être social sans dignité individuelle – ouvre la voie à la croissance de l’injustice, des inégalités sociales et de la corruption.

Le troisième présupposé concerne l’unité des droits reconnus dans la Déclaration universelle. Certains considèrent aujourd’hui la Déclaration comme une liste de garanties distinctes que l’on peut choisir de défendre ou de rejeter. Non seulement ce n’était pas la compréhension des auteurs de la Déclaration, mais dans la pratique, cela sape tous les droits énoncés dans la Déclaration, car une fois que certains droits deviennent facultatifs, tous les droits le deviennent.

Lorsque le Pape Benoît XVI s’est adressé à l’Assemblée générale de l’ONU en 2008, à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration, il a parlé de l’importance de cette unité. Aujourd’hui, a-t-il dit, « des pressions s’exercent pour réinterpréter les fondements de la Déclaration et compromettre son unité intérieure afin de faciliter un passage de la protection de la dignité humaine à la satisfaction de simples intérêts, souvent des intérêts particuliers. La Déclaration, a-t-il poursuivi, a été adoptée en tant qu’ « idéal commun » [comme l’indique son préambule] et ne peut être appliquée à la pièce, selon des tendances ou des choix sélectifs qui risquent simplement de contredire l’unité de la personne humaine et donc l’indivisibilité des droits humains ».

La Déclaration, disait-il, n’est pas, et ne peut pas devenir, un menu de droits parmi lesquels on peut choisir en fonction de ses goûts personnels, nationaux ou internationaux.

Alors que nous célébrons le 70ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, nous pouvons voir certaines des conséquences du fait de ne pas respecter son universalité, son objectivité et son unité.

Bon nombre des dispositions si clairement énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ne sont toujours pas reconnues. Le Rapport 2018 du Secrétaire général sur l’activité de l’Organisation souligne que, bien qu’il y ait eu beaucoup de « progrès dans la promotion des droits de l’homme au niveau mondial… les défis à la protection des droits de l’homme sont un phénomène mondial ». Le rapport note qu’un enfant sur dix est encore soumis au travail des enfants, qu’une personne sur trois actuellement en détention est détenue sans procès, que 29 % des enfants de moins de cinq ans ne sont pas enregistrés à l’état civil et que 250 millions de femmes sont mariées avant l’âge de 15 ans, tous en violation directe des droits reconnus dans la Déclaration.De plus, l’article 4 stipule que « nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude », et pourtant des dizaines de millions de personnes sont piégées par diverses formes d’esclavage dites modernes.

L’article 3 affirme que « toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne », et pourtant, dans de nombreux endroits, non seulement ces droits ne sont pas respectés, mais leurs violations sont même célébrées, même dans les institutions des Nations Unies. L’article 18 consacre le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit de changer de religion ou de conviction et la liberté de manifester, seul ou en commun avec d’autres, en public ou en privé, sa religion ou sa conviction dans l’enseignement, les pratiques, le culte et l’observance ; pourtant ces droits sont violés, limités ou niés et dans tant de lieux changer de religion ou même pratiquer sa propre foi est toujours une condamnation à mort ou un motif de subir une discrimination.

Le Pape François, s’adressant en janvier aux diplomates accrédités auprès du Saint-Siège, a déclaré : « À une distance de soixante-dix ans, il est douloureux de voir combien de droits fondamentaux continuent d’être violés aujourd’hui », comme il l’a déjà mentionné, ainsi que les violations des droits des migrants et des réfugiés dans le cadre des Global Compacts.

La partie peut-être la plus digne d’intérêt des remarques du pape François en janvier, cependant, concernait sa préoccupation quant à la façon dont le langage des droits de l’homme et même dont les mécanismes de surveillance des droits de l’homme sont utilisés pour promouvoir de nouveaux droits revendiqués qui non seulement ne bénéficient pas d’un accord international mais, dans de nombreux cas, ré-interprètent la Déclaration dans des termes contraires aux droits qui sont explicitement défendus.

« Au fil des ans, a déclaré le pape François aux diplomates, notamment à la suite des bouleversements sociaux des années 1960, l’interprétation de certains droits a progressivement changé, avec l’inclusion d’un certain nombre de “nouveaux droits” qui sont souvent en conflit les uns avec les autres. Paradoxalement, au nom même des droits de l’homme, on risque d’assister à la montée des formes modernes de colonisation idéologique par les plus forts et les plus riches, au détriment des plus pauvres et des plus vulnérables, au mépris du respect des droits fondamentaux proclamés par la Déclaration universelle des droits de l’homme », a-t-il poursuivi.

L’argument du pape François est que les droits de l’homme en général, et la Déclaration universelle en particulier, n’étaient pas destinés à servir d’armes pour faire avancer des programmes politiques, économiques, militaires ou culturels contraires aux droits humains fondamentaux. Les droits de l’homme ne peuvent pas être traités comme des termes ouverts dont le sens peut être modifié par différents acteurs en fonction de leurs objectifs. Sinon, cette pratique affaiblira progressivement le respect universel de la Déclaration et des droits de l’homme, aggravant ainsi la situation dans le monde et rendant les populations beaucoup plus vulnérables.

Ce 70ème anniversaire est l’occasion pour nous, avec les mots de la Charte des Nations Unies, de « réaffirmer notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme (et) dans la dignité de la personne humaine » et de nous engager pour la promotion et la défense des droits contenus dans la Déclaration universelle et pour le travail urgent qui consiste à assurer les droits humains pour tous.

Lors de sa deuxième visite aux Nations Unies, Jean-Paul II a déclaré que les États qui ont fondé les Nations Unies en 1945 et adopté la Déclaration universelle trois ans plus tard « ont vraiment allumé une lampe dont la lumière peut dissiper l’obscurité causée par la tyrannie – une lumière qui peut montrer la voie de la liberté, de la paix et de la solidarité ».

Le moment est venu pour nous de mettre de l’huile dans cette lampe et de l’allumer à nouveau dans chaque salle de cette institution, dans tous les organismes internationaux et nationaux, dans les universités, les écoles et les foyers, et dans chacune de nos têtes et chacun de nos cœurs, afin que la Déclaration, obtenue à un prix si élevé, demeure « l’une des plus hautes expressions de la conscience humaine de notre temps », comme elle l’était dans l’esprit et le cœur des auteurs et des peuples du monde il y a sept décennies.

Je vous remercie beaucoup.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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