Mercédaires, 6 déc. 2018 © Vatican Media

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L’Ordre des Mercédaires, un charisme «d’actualité» (traduction complète)

Lutter contre les formes modernes d’esclavage

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« Le charisme mercédaire est d’actualité », a déclaré le pape François « et il est appelé à se laisser interpeller par les nouveaux champs d’action et de « service rédempteur », comme peuvent l’être la promotion de la dignité de la personne humaine, la prévention des esclavages physiques ou spirituels, l’accompagnement et la réinsertion des plus vulnérables de notre société ».
Le pape François a reçu en audience 120 religieux et religieuses de l’Ordre des Mercédaires, ou Notre-Dame-de-la-Merci, à l’occasion du huitième centenaire de la fondation de l’Ordre, ce jeudi 6 décembre 2018.
« Vous êtes appelés à sortir pour sauver les chrétiens qui sont en danger de perdre la foi, qui se voient diminués dans leur dignité en tant que personnes et piégés dans des principes et des systèmes opposés à l’Évangile », leur a encore dit le pape. En effet, « c’est une forme d’esclavage que de finir piégés dans mille choses mondaines ou que vous présente la société elle-même et de ne pas savoir comment en sortir ».
Voici notre traduction de la version italienne du discours prononcé en espagnol.
HG
Discours du pape François
Chers frères,
Je vous souhaite la bienvenue à cette rencontre. Je remercie le p. fra’ Juan Carlos Saavedra Lucho, Maître général de l’Ordre, pour les paroles qu’il m’a adressées et que Dieu lui conserve son enthousiasme. Vous concluez le Jubilé pour le huitième centenaire de la fondation de l’Ordre ; un temps de grâce où vous avez eu l’occasion de faire l’expérience de l’amour miséricordieux de Dieu sur le chemin parcouru, ainsi que d’examiner le présent et d’établir les lignes-guides pour poursuivre avec un esprit renouvelé.
Dans cette rencontre, je désire mettre sous vos yeux cet amour premier que vous exprimez par votre vœu de rédemption. En lui, vous promettez de « donner votre vie, si nécessaire, comme le Christ l’a donnée pour nous, pour sauver les chrétiens qui se trouvent dans le danger extrême de perdre la foi dans les nouvelles formes d’esclavage » (Constitutions, n.14). Il n’y a pas longtemps, j’ai dit à l’une de vous : « Tous ces problèmes que tu as !  – Ben, j’ai le vœu de donner ma vie », m’a-t-elle répondu. Ces paroles nous rappellent à tous, et en particulier aux religieux, que suivre le Christ signifie donner sa vie pour sauver des âmes.
Nous connaissons tous l’importance de la suite du Christ mais parfois, au lieu de le suivre, nous planifions notre vie comme ce c’était lui qui devait nous suivre – ils sont difficiles, les caprices des religieux, mon Dieu, ils sont vraiment difficiles – et qui devait s’adapter aux plans et aux projets que nous faisons et que nous créons. C’est la tentation, non ?
Suivre Jésus n’est pas une question de méthodologie ; c’est le laisser nous précéder et nous donner le temps de cheminer personnellement et en communauté. Le charisme mercédaire est d’actualité et il est appelé à se laisser interpeller par les nouveaux champs d’action et de « service rédempteur », comme peuvent l’être la promotion de la dignité de la personne humaine, la prévention des esclavages physiques ou spirituels, l’accompagnement et la réinsertion des plus vulnérables de notre société. Rédemption de prisonniers, et soyez certains qu’aujourd’hui il y en a beaucoup plus, plus du double de ceux qu’il y avait au temps de la fondation de votre Ordre. La famille mercédaire, consacrés et laïcs, a besoin de se laisser inspirer par cette « créativité de Dieu », même quand cela suppose de devoir rompre nos propres schémas qui, avec le temps, se sont ajoutés au charisme de fondation. Ceci nous arrive toujours avec les charismes de fondation, c’est comme si petit à petit le temps les obscurcissait et créait des carapaces, le charisme devient ensuite le cœur d’un grand cocotier et il est difficile d’y revenir. Il faut enlever ces carapaces du temps pour revenir à l’intuition première, à ce qui est un appel de Dieu.
Qui suit le Christ le fait en donnant sa vie ; ce n’est pas une « sequela » partielle. Le pauvre jeune homme riche voulait faire une « sequela » partielle et il n’a pas pu. Cela nous situe devant la vérité essentielle de notre consécration religieuse. Faire confiance au Seigneur signifie se remettre à lui sans rien garder dans sa poche ; en lui donnant non seulement ce qui est matériel et superflu, mais aussi tout ce que nous considérons comme nous appartenant, jusqu’à nos goûts et nos opinions. Le don de sa vie n’est pas quelque chose d’optionnel, mais c’est la conséquence d’un cœur qui a été « touché » par l’amour de Dieu.
S’il vous plaît, je vous demande de ne pas vous laisser entraîner par la tentation de considérer votre sacrifice et le don de vous-mêmes comme un investissement destiné à votre profit personnel, pour atteindre une position ou une sécurité de vie. Non ! Cela, non ! Efforcez-vous plutôt de traduire dans la réalité cette oblation et cette consécration au service de Dieu et des hommes, en vivant la joie de l’Évangile à travers le charisme de la rédemption. Ceux qui se laissent sauver par le Seigneur sont libérés du péché et surtout de la tristesse, du vide intérieur et de l’isolement (cf. Evangelii gaudium, n.1). Donner sa vie, c’est la trouver en ceux qui ont été rachetés par le Seigneur à travers notre exemple et notre témoignage.
L’Ordre de Notre-Dame-de-la-Merci fait écho à l’Évangile du salut qui dit : « Le Seigneur a visité et racheté son peuple » (Lc 1,68). Ainsi, le geste de « visiter et libérer » marque toute votre vocation et votre action missionnaire. Vous êtes appelés à sortir pour sauver les chrétiens qui sont en danger de perdre la foi, qui se voient diminués dans leur dignité en tant que personnes et piégés dans des principes et des systèmes opposés à l’Évangile. Ce concept de chrétiens piégés, élaborez-le bien, parce que c’est une forme d’esclavage que de finir piégés dans mille choses mondaines ou que vous présente la société elle-même et de ne pas savoir comment en sortir, et libérer aussi les chrétiens piégés.
Aujourd’hui, comme à d’autres époques de l’histoire, le chrétien est menacé par ce triple ennemi : le monde, le démon et la chair. Ce n’est pas quelque chose du passé, c’est quelque chose d’actuel. Ces dangers sont parfois camouflés et nous ne les reconnaissons pas, mais leurs conséquences sont évidentes, ils endorment la conscience et provoquent une paralysie spirituelle qui mène à la mort intérieure. Ces ennemis se présentent parfois devant nous, mais dans la majeure partie des cas ils vont tout doucement, en nous endormant et on ne s’en rend pas compte, on ne s’en rend pas compte, et il faut la grâce de Dieu pour dire : « Où suis-je ? Comment suis-je tombé jusque là ? » C’est une anesthésie. Veillez, veillez pour ne pas finir anesthésiés. Nous aussi, nous devons être attentifs à ne pas tomber dans cet état de manque de vitalité spirituelle. Pensons à la mondanité spirituelle qui entre de manière subtile dans notre vie et tout doucement dissipe la beauté et la force de ce premier amour de Dieu dans nos âmes (cf. Gaudet et exsultate, nn.93-97). Souvenons-nous de l’Apocalypse : « j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour » (2,4). Et les fois où le Seigneur fait des reproches à son peuple : « je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, lorsque tu me suivais au désert », dans Jérémie (cf. 2,2). C’est la mémoire, la mémoire du premier amour. Qu’il ne nous soit pas reproché : « Quel dommage, l’Ordre est bien organisé, tout va bien, mais quel dommage, il a perdu son premier amour ». Que ce reproche ne soit jamais fait. Il y a un certain temps, lors d’une audience sur la place, pendant que je saluais les gens, il y avait un couple d’époux âgés, mais ils avaient l’air jeunes, ils fêtaient soixante ans de mariage, même si cela n’apparaissait pas. Je leur ai demandé : « Est-ce que vous vous aimez encore ? » Il se sont regardés, puis ils m’ont regardé, ils avaient le regard brillant et ils m’ont répondu : « Nous sommes amoureux ». Je vous laisse cette image pour que chacun de vous puisse dire : « Je suis amoureux, je n’ai pas perdu le premier amour ».
En tant que membres d’un Ordre rédempteur, vous devez faire avant tout en vous-mêmes l’expérience de la rédemption du Christ pour aider vos frères à découvrir le Dieu qui sauve. « Rachetés pour racheter », bonne définition de votre vie et de votre vocation. Je vous invite à continuer d’être porteurs de la rédemption du Seigneur aux détenus, aux réfugiés et aux migrants, à ceux qui tombent dans les filets de la traite des êtres humains, aux adultes vulnérables, aux enfants orphelins et exploités… Apportez à tous ceux qui sont rejetés par la société la tendresse et la miséricorde de Dieu.
Chers frères et sœurs, je vous encourage dans votre vocation et dans votre mission, et ne vous lassez pas d’être des instruments de liberté, de joie et d’espérance. Que ce huitième centenaire produise un fruit abondant de grâce et de sainteté et soit un stimulant constant pour suivre le Christ en donnant votre vie pour tous les hommes dans les temps où nous vivons. Que la Vierge de la Merci et saint Pedro Pascual, dont nous célébrons la mémoire aujourd’hui, intercèdent pour vous tous et vous accompagnent sur votre chemin. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.
Merci.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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