« Ce n’est pas la fin de tout, mais la rencontre avec le Tout »: sous ce titre Mgr Francesco Follo propose une lecture des textes bibliques de la messe de dimanche prochain, 18 novembre 2018 (XXXIIIe dimanche du Temps Ordinaire – Année B).
« Avec l’invitation à croire que la fin du monde et notre fin sont la rencontre avec Dieu qui nous aime avec un amour qui donne la vie pour toujours », insiste-t-il.
Comme lecture patristique, l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, propose une homélie de saint Grégoire Palamas (+ 1359).
Ce n’est pas la fin de tout,
mais la rencontre avec le Tout
1.Un futur marqué par la certitude d’une réunion définitive.
L’année liturgique est sur le point de se terminer. Dimanche prochain, nous célébrerons la solennité du Christ Roi et le dimanche suivant sera le Ier dimanche de l’Avent qui commencera la nouvelle année liturgique.
Aujourd’hui, l’Église nous invite à prêter notre attention non pas à la fin de cette année liturgique, mais à la fin du monde qui coïncide avec la fin de notre vie terrestre, pour nous. C’est sur ce dernier point que l’Eglise nous invite tous à y porter la plus grande attention parce que nous serons ensuite soumis au jugement.
La fin du monde n’est pas la destruction de tout, mais la rencontre de tous avec Dieu, le Tout qui nous rencontre définitivement en nous accueillant dans sa miséricorde. Nous rencontrons le Christ, le Visage du Destin, le Fils de l’homme. Lui est le Seigneur qui nous pardonne, l’Époux qui nous aime, le Seigneur du sabbat : c’est lui qui se met dans nos mains et nous donne tout, jusqu’à donner sa vie pour nous.
La fin du monde est pour nous un voleur qui nous vole tout ou une rencontre avec l’Epoux qui nous donne tout ? C’est à cette question que répond un passage du discours de Jésus qui est proposé par la liturgie d’aujourd’hui et qui a un langage que les experts appellent « apocalyptique ». Cet adjectif vient du substantif « apocalypse » qui signifie « révélation ». Toutefois, dans le langage commun, ce terme a perdu sa signification d’origine et, surtout hors du milieu religieux, il indique n’importe quel évènement de grande calamité ou une succession d’évènements désastreux. Ceci est arrivé parce que c’est un langage riche d’images fortes et souvent inquiétantes qui ont pour but d’instaurer une écoute respectueuse et attentive, suscitant la crainte.
En effet, dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus affirme : « 24. En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; 25. les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. 26. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et 27. avec gloire Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. (Mc 13,24-26)
Donc, avec les mots apocalyptiques (c’est à dire révélateurs) des versets 24-25 du chapitre 13 de Marc, le Christ nous dit que le monde et l’humanité qui l’habitent sont fragiles : ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel. Mais dans les versets 26-27, Jésus nous fait comprendre que s’il existe un monde qui meurt, il existe aussi un nouveau monde qui naît par Lui et en Lui. Nous n’allons donc pas vers la fin, vers le rien, mais nous nous préparons à la rencontre définitive avec le Christ, la fin (but) de la vie, l’achèvement du monde. Nous pensons que nous allons mal finir et pour cela nous avons peur et nous cherchons de ne pas compter nos jours. Entre autres, dans ce récit fondamental pour la foi chrétienne, nous voyons la fin de notre histoire personnelle et la rencontre avec le Seigneur.
La fin (but et achèvement) de toute l’histoire est la rencontre avec Lui et toute la création est en route vers cette rencontre. Toute l’histoire humaine, personnelle, et de l’univers n’est rien d’autre que le fait d’aller toujours de l’avant jusqu’ à ce que la gloire du Fils apparaisse dans le monde. Nous sommes des fils et tout ce qui apparaîtra à la fin est notre gloire. Alors, nous verrons le Fils de l’homme venir avec puissance et gloire. Le sens de l’histoire est la révélation du Fils de l’homme et en Lui (le Fils) de chaque homme (le fils) dans la pleine puissance de la vie et dans la gloire même de Dieu.
Le Messie, donc, ne veut pas raconter la fin du monde, mais révéler le sens de l’histoire. Lui, il nous dit que la fin du monde n’est pas la destruction de tout mais la rencontre de nous tous avec le Fils de l’homme. Lui, il est le Seigneur qui pardonne, l’Epoux qui aime. C’est celui qui se met entre nos mains et nous donne tout jusqu’à donner sa vie pour nous. La fin du monde n’est pas semblable à l’arrivée d’un voleur qui nous dérobe tout, mais la rencontre avec l’Epoux qui nous donne tout parce que sur la croix de Jésus, le vieux monde est terminé- le soleil s’est obscurci – et le nouveau monde est né.
Comme chaque être humain, le chrétien sait qu’un jour le soleil s’éteindra, mais il sait aussi que la lumière de Dieu resplendira toujours. La fin du monde n’est pas la destruction de tout, mais la rencontre de nous tous avec le Fils de l’homme, avec le Rédempteur de l’homme et du monde. Lui est le Seigneur qui pardonne et nous sauve pour toujours. En fait, la fin du monde n’est pas le larcin d’un voleur qui me dérobe tout, c’est la rencontre avec l’Epoux qui nous donne tout. Donc, nous n’allons pas vers le néant, vers le vide, l’Apocalypse des deux derniers chapitres représente la rencontre comme celle de l’épouse avec l’époux.
L’Eglise est l’Epouse qui attend l’arrivée de son Epoux. Nous ne devrions pas avoir peur de rencontrer l’Amour qui vient chez nous.
2) La question n’est pas quand, mais comment.
L’Eglise continue à proclamer, en particulier à la fin de l’année liturgique, cette rencontre d’amour à vivre dans l’attente.
En donnant du poids aux paroles du Christ : « Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père » (Mc 13, 32), la Liturgie rappelle, à nous fidèles, que nous sommes appelés à être toujours dans l’attente de celui qui est venu depuis des siècles et qui viendra à la fin des temps, mais qui vient aussi chaque jour dans notre vie, dans notre quotidien. Pour cette raison, un hymne du Bréviaire nous fait chanter : « Nuit, ténèbres et brouillard, fuyez : la lumière, le Christ notre Seigneur entre. Le Soleil de justice transfigure et allume l’univers en attente « (Hymne des Laudes, IIe semaine, mercredi).
En effet, dans cette transfiguration du monde et – aussi et surtout – de nous, notre cœur est ouvert de façon à ce que le Ciel y trouve plus d’espace, et qu’il ait une attention plus vive (dans le sens littéraire du mot de « tension constante ») vers le Seigneur. Lui, Il vient toujours, mais souvent la rencontre n’arrive pas parce que nous vivons une vie superficielle du point de vue spirituel, avec une certaine dissipation. Les choses d’ici-bas nous attirent tellement jusqu’à rendre l’âme indisponible à cette merveilleuse rencontre. Rarement nous nous trouvons dans des conditions spirituelles de façon à percevoir cette « venue » de Dieu. Qu’en sort-il? Certainement pas que le Seigneur change, Lui qui est toujours présent ne change pas. C’est notre âme qui change, pour vivre toujours une attente, un espoir.
La question est, donc, plutôt le « comment » et non le « quand » (parce que Dieu nous rejoint à chaque instant). Aujourd’hui, donc, je me permets de proposer comment répondre à cette question : « Comment attendre la venue définitive du Royaume de Dieu? ».
Deux comportements sont possibles, celui de la peur et celui de l’espoir.
Si nous nous arrêtons à l’intensité dramatique de certaines images de l’Evangile d’aujourd’hui, il semblerait que la peur prévale. Mais le Christ ajoute : « Apprenez de la plante du figuier : lorsque sa branche devient tendre et que les feuilles poussent, sachez que l’été est proche (Mc 13,28). Si d’une part, il y a la description de la destruction, d’autre part, il y a la promesse d’une vie tendre et nouvelle, symbolisée par l’image du figuier dont les nouvelles feuilles nous montrent que la mort de l’hiver est vaincue et la vie de l’été est en train de fleurir et de donner ses fruits de vie.
La peur et l’espoir s’alternent toujours dans la vie de l’homme, du chrétien aussi, jusqu’à former une situation ambigüe et non résolue.
L’espérance humaine est l’attente de quelque chose qui doit venir mais dont on ignore quand il viendra parce qu’aucun être humain ne peut avoir son futur dans les mains.
L’espérance de l’Ancien Testament résidait dans l’attente du Messie qui devait venir.
L’espérance chrétienne rend présent le Royaume de Dieu en nous. Elle implique la présence de Dieu dans notre cœur et cette présence en nous nous rend capables de la vie éternelle. « Avec l’espérance, nous sommes déjà au paradis, même si notre cœur a encore peur » » (Divo Barsotti).
Pour vaincre cette peur, nous pouvons retourner à la Bible qui nous invite à ne pas avoir peur. Par exemple, pensons à Pierre qui marchait sur l’eau vers Jésus. Il céda à la peur du vent et des ondes, et il était en train de se noyer. Il retrouva la main du Christ tendue vers lui. Il le releva, lui pardonna et lui donna une nouvelle force.
Tout cela nous pousse à cultiver l’espérance, et non la peur, la confiance, et non le découragement.
Une manière très importante pour vivre ce « comment » et cette espérance est celles des Vierges consacrées dans le monde. Ces femmes s’engagent à vivre la virginité parce que, de cette façon, elles attendent le Christ avec une pleine espérance. Amoureuses de Jésus, comme des épouses qui ne voient pas l’Epoux depuis longtemps, elles l’attendent chaque jour, non seulement avec espérance, mais aussi avec inquiétude et passion. Chaque jour elles prient pour Le voir revenir, Le rencontrer pour toujours. Ces femmes consacrées vivent la virginité en se consacrant complètement parce que la virginité maintient l’âme dédiée au Christ. Elles se dédient à la prière fréquente, faite dans le silence, pour garder leur cœur vigilant. De cette façon, elles nous témoignent comment toute notre personne doit tendre vers le Seigneur, qui vient à nous, qui se donne à nous et qui fait renaître nos personnes.
Lecture Patristique
Grégoire Palamas (+ 1359)
Homélie 26; PG 151, 340-341.
Ceux qui professent la foi droite en notre Seigneur Jésus Christ et en témoignent dans leurs actions, ceux qui restent vigilants ou, s’ils ont péché, se purifient de leurs souillures par la confession et le repentir, ceux qui combattent les vices en exerçant les vertus de tempérance, de chasteté, de charité, de miséricorde, de justice et de sincérité, tous ceux-là entendront à la résurrection le Roi des cieux en personne leur dire: Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,34). Héritiers d’un royaume céleste, inébranlable, ils régneront ainsi avec le Christ. Ils vivront pour toujours dans la lumière ineffable et sans déclin qu’aucune nuit jamais n’interrompt. Ils demeureront avec les saints d es temps anciens dans des délices inexprimables, auprès d’Abraham, là où il n’y a plus aucune douleur, aucune peine ni aucun gémissement.
Il existe une moisson pour les épis de blé matériels et une autre pour les épis doués de raison, c’est-à-dire le genre humain. Celle-ci, avons-nous dit, s’effectue chez les infidèles et rassemble dans la foi ceux qui accueillent l’annonce de l’évangile. Les ouvriers de cette moisson sont les Apôtres du Christ, puis leurs successeurs, puis, au cours du temps, les docteurs de l’Église. Le Christ a dit à leur sujet ces paroles, que nous avons déjà citées: Le moissonneur reçoit son salaire: il récolte du fruit pour la vie éternelle (Jn 4,36). En effet, les docteurs de la foi obtiendront aussi de Dieu une pareille récompense, parce qu’ils rassemblent pour la vie éternelle ceux qui obéissent.
Et il y a encore une autre moisson: c’est le passage de cette vie à la vie future qui, pour chacun de nous, s’opère par la mort. Les ouvriers de cette moisson-là ne sont pas les Apôtres, mais les anges. Ils ont une plus grande responsabilité que les Apôtres, car ils font le tri qui suit la moisson et ils séparent les méchants des bons, comme on le fait avec l’ivraie et le grain. Ils envoient d’abord les bons dans le Royaume des cieux, puis précipitent Les méchants dans la géhenne de feu.
Nous sommes aujourd’hui le peuple choisi de Dieu, la race sainte, l’Église du Dieu vivant, mise à part de tous les impies et infidèles. Puissions-nous être séparés de l’ivraie de la même manière dans le siècle futur, et agrégés à la foule de ceux qui sont sauvés dans le Christ, notre Seigneur, qui est béni dans les siècles. Amen.
Mgr Francesco Follo 13/12/2017 @Oss_romano
"Ce n’est pas la fin de tout, mais la rencontre avec le Tout", par Mgr Follo
« La fin du monde et notre fin sont la rencontre avec Dieu »