« L’héritage de Mandela est devenu synonyme de promotion de la paix et de la non-violence, de réconciliation et de guérison, de non-discrimination et de promotion des droits de l’homme », a déclaré Mgr Gallagher, qui a tiré deux leçons de la vie de Nelson Mandela. La première est que « l’humilité dans la victoire est une promesse de réconciliation » et la seconde, que « la paix est consolidée lorsque les nations peuvent discuter sur un pied d’égalité ».
Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Relations avec les États et chef de la délégation du Saint-Siège à la soixante-treizième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, est intervenu au Sommet de la paix Nelson Mandela, à New York, le 24 septembre 2018.
Exprimant la nécessité d’une « conversion de l’esprit et du cœur », le représentant du Saint-Siège a emprunté à Jean-Paul II l’idée de « famille des nations », afin de « reconnaître dans l’autre un frère ou une sœur de qui prendre soin et avec qui travailler pour construire une vie épanouissante pour tous ». Il a aussi cité le chef d’État sud-africain qui affirmait que pour faire la paix avec son ennemi, il fallait travailler avec lui et en faire un « partenaire ».
Voici notre traduction du discours de Mgr Paul Richard Gallagher.
HG
Discours de Mgr Paul Richard Gallagher
Madame la Présidente,
Cette réunion plénière de haut niveau offre une occasion propice d’honorer le centenaire de la naissance de Nelson Mandela et de réfléchir à son héritage.
L’héritage de Mandela est devenu synonyme de promotion de la paix et de la non-violence, de réconciliation et de guérison, de non-discrimination et de promotion des droits de l’homme. Dans un télégramme pour exprimer ses condoléances pour le décès de Nelson Mandela, le pape François a rendu hommage à son « engagement indéfectible […] pour promouvoir la dignité humaine de tous les citoyens des nations et forger une nouvelle Afrique du Sud fondée sur la non-violence, la réconciliation et la vérité ». (1)
Le centenaire de la naissance de Mandela nous rappelle un autre centenaire : celui de la fin de la première guerre mondiale, un conflit qui a violemment défiguré le visage de l’Europe. En réfléchissant à la Grande Guerre et à la vie de Nelson Mandela, deux grandes leçons se dégagent qui pourraient servir de règles d’or pour favoriser la paix.
La première leçon est que la victoire ne signifie jamais humilier un ennemi vaincu. La paix ne se construit pas en vantant le pouvoir du vainqueur sur le vaincu. La fierté hautaine du vainqueur sème la graine de la rancœur qui se traduirait en vengeance à la première occasion, tandis que l’humilité dans la victoire est une promesse de réconciliation. Après vingt-sept ans d’emprisonnement, les sacrifices de Mandela ont été justifiés par la fin de l’apartheid et son accession à la présidence de l’Afrique du Sud. Il était digne et généreux dans la victoire et, devant les acclamations du monde, il restait humble. Sa sagesse l’a conduit à rejeter les récriminations en faveur de la réconciliation et à tendre une main amicale à ceux qui l’avaient fait souffrir, convaincu que l’avenir exigeait de dépasser le passé.
La deuxième leçon est que la paix est consolidée lorsque les nations peuvent discuter sur un pied d’égalité. Il y a une raison pour laquelle la Société des Nations est née après la Grande Guerre et les Nations Unies dans les braises mourantes de la Seconde Guerre mondiale : le multilatéralisme efficace est une expression concrète de la « famille des nations ». Comme l’a affirmé le pape Jean-Paul II dans son discours devant l’Assemblée générale le 5 octobre 1995 : « L’Organisation des Nations Unies doit s’élever de plus en plus au-dessus du statut froid d’institution administrative et devenir un centre moral où toutes les nations du monde se sentent chez elles et développent une conscience commune d’être, pour ainsi dire, une « famille de nations ». L’idée de « famille » évoque immédiatement quelque chose de plus que de simples relations fonctionnelles ou une simple convergence d’intérêts. La famille est par nature une communauté fondée sur la confiance mutuelle, le soutien mutuel et le respect sincère. Dans une famille authentique, les forts ne dominent pas ; au contraire, les membres les plus faibles, à cause justement de leur faiblesse, sont d’autant plus accueillis et servis. »
Dans l’héritage de Nelson Mandela, nous trouvons cette idée dans le concept très riche d’Ubuntu, selon lequel « les gens sont ce qu’ils sont grâce à d’autres personnes », nous sommes une humanité dont les liens sont si forts en son sein que nous ne prospérons que si nous aidons les gens autour de nous à s’épanouir.
Madame la Présidente,
La Déclaration politique, adoptée au début de ce Sommet de la paix, reconnaît que nous devons « rechercher la conversion du cœur et de l’esprit qui peut faire la différence ». Une conversion des cœurs est en effet nécessaire; nous devons reconnaître dans l’autre un frère ou une sœur de qui prendre soin et avec qui travailler pour construire une vie épanouissante pour tous. C’est l’esprit qui inspire de nombreuses initiatives de la société civile, y compris des organisations religieuses, dans la promotion de la paix.
Chaque année, au Nouvel An, l’Église catholique célèbre la « Journée mondiale de la paix » afin d’attirer l’attention sur l’immense et universel bien de la paix. Le Sommet d’aujourd’hui est aussi une sorte de « Journée mondiale de la paix », dans laquelle nous proclamons que la paix est un don de Dieu qui nous est confié à tous. C’est notre tâche de nous en occuper. Le Saint-Siège s’associe aux efforts des États membres pour œuvrer activement en faveur d’une paix véritable et exprime l’espoir que « l’engagement quotidien de tous continuera à porter ses fruits et qu’il y aura une application efficace dans le droit international du droit à la paix en tant que droit de l’homme fondamental et condition préalable nécessaire à tout autre droit. » (2)
Ce serait le type de conversion de l’esprit et du cœur, à savoir s’épanouir en aidant les autres à prospérer dans la paix et la liberté, que nous célébrons dans la vie magnanime de Nelson Mandela. Comme le conseille Mandela dans son autobiographie « Un long chemin vers la liberté » : « Si vous voulez faire la paix avec votre ennemi, vous devez travailler avec votre ennemi. Il devient alors votre partenaire. » Puisse la persévérance exaltante de Mandela dans la recherche de la justice, de la liberté et de la paix, inciter cette « famille des nations » à redoubler d’efforts et de dévouement pour un monde plus juste et pacifique.
Merci, Madame la Présidente.
1. Pape François, Message au Président de la République d’Afrique du Sud, 6 décembre 2013.
2. Pape François, Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2014.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Mgr Gallagher @ eclj.org
ONU : les deux leçons à tirer de la vie de Nelson Mandela, par Mgr Gallagher
Intervention au Sommet de la paix Nelson Mandela (Traduction intégrale)