Mgr Bruno Forte @ wikimedia commons / Medan / 2006

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Abus sexuels : la société tout entière doit être vigilante, par Mgr Bruno Forte

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Grandeur, courage et confiance du pape François

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La lettre du pape François au peuple de Dieu, publiée le 20 août dernier, montre « sa grandeur morale, le courage qu’il a à chercher la vérité et à obéir à celle-ci à n’importe quel prix, et la confiance qu’il met dans l’œuvre du Seigneur dans son Église, malgré les limites et les péchés des baptisés », estime Mgr Bruno Forte.
Dans un article intitulé « L’horreur de la pédophilie. Ce cri qui monte jusqu’au ciel », publié dans le quotidien italien Il Sole 24 Ore, ce dimanche 2 septembre 2018, Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, cite un passage de cette lettre : « Nous demandons pardon pour nos propres péchés et pour ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaître les erreurs, les délits et les blessures procurées dans le passé et nous permet de nous ouvrir et de nous engager davantage dans le présent sur un chemin de conversion renouvelée. »
Évoquant le phénomène des abus contre les mineurs, répandus dans la société en général, l’archevêque italien appelle à un réveil de la société qu’il invite à être vigilante « à l’égard des phénomènes de détérioration éthique » et à s’engager « en faveur du bien moral dans les cadres de vie les plus variés ». Ces maux, dit-il, exigent « une réaction morale déterminée, de laquelle personne ne doit se sentir étranger ou exonéré, surtout si l’on a à faire avec les adolescents et les jeunes dans des rôles de formation ».
Voici notre traduction de l’article de Mgr Bruno Forte.
HG
Article de Mgr Bruno Forte publié dans Il Sole 24 Ore du 2 septembre 2018
 
L’horreur de la pédophilie. Ce cri qui monte jusqu’au ciel.
La lettre adressée par le pape François au peuple de Dieu le 20 août dernier et ses interventions à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles à Dublin, rythmées par des demandes de pardon réitérées pour les fautes de pédophilie commises par certains membres du clergé, montrent sa grandeur morale, le courage qu’il a à chercher la vérité et à obéir à celle-ci à n’importe quel prix, et la confiance qu’il met dans l’œuvre du Seigneur dans son Église, malgré les limites et les péchés des baptisés. Des aspects d’autant plus lumineux et crédibles qu’ils sont comparés aux critiques avancées par des voix qui lui sont opposées. Pour l’observer, il suffit de citer quelques passages de ce que le pape a écrit à propos des victimes des abus sexuels de pouvoir et de conscience, commis par des prêtres ou des personnes consacrées :
« La douleur de ces victimes est une plainte qui monte jusqu’au ciel, qui touche l’âme et qui a été, pendant longtemps, ignorée, cachée ou que l’on a fait taire. Mais ce cri a été plus fort que toutes les mesures qui ont cherché à le faire taire ou même qui ont prétendu le résoudre avec des décisions qui en ont augmenté la gravité en tombant dans la complicité… Avec honte et repentir, en tant que communauté ecclésiale, nous admettons que nous n’avons pas su être là où nous devions être, que nous n’avons pas agi à temps en reconnaissant la dimension et la gravité du tort qui était causé à tant de vies. Nous avons négligé et abandonné les petits… Il est indispensable qu’en tant qu’Église nous reconnaissions et condamnions avec douleur et honte les atrocités commises par des personnes consacrées, des clercs et aussi par tous ceux qui avaient la mission de veiller sur les plus vulnérables et de les protéger. Nous demandons pardon pour nos propres péchés et pour ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaître les erreurs, les délits et les blessures procurées dans le passé et nous permet de nous ouvrir et de nous engager davantage dans le présent sur un chemin de conversion renouvelée ».
Par ces paroles, il dénonce sans mâcher ses mots la gravité des fautes commises et souligne celle, non moindre, de responsables de la vie ecclésiale qui ont couvert de telles atrocités : poursuivant en particulier l’œuvre de Benoît XVI de nettoyage à l’intérieur de la communauté des fidèles, le pape François enfonce le clou à propos de l’abime inacceptable du mal commis et de l’exigence absolue de réparation et de purification. Tout cela ne peut que susciter partage, admiration et confiance. Deux observations me semblent toutefois nécessaires pour que l’action du pape soit un stimulant à tous les niveaux, dans le peuple de Dieu comme dans toute la société : la première est que, malheureusement, le clergé n’est pas la seule catégorie de personnes qui ait, même selon un pourcentage peu élevé, commis des offenses. D’après des statistiques du domaine public, le nombre des abus commis sur des mineurs dans différentes sphères est tragiquement élevé et ceux-ci surviennent en premier lieu dans leur propre foyer, avec pour protagonistes les parents et les proches. C’est seulement après une douzaine de catégories de sujets coupables que sont signalés certains membres du clergé.
Cette observation, très attristante, lance aussi un appel nécessaire : dans la société, qui doit élever la voix pour dénoncer ce mal lacérant, comme l’a fait le pape dans l’Église ? Pourquoi n’entend-on pas de dénonciations tout aussi fortes et localisées ? Qui couvre l’horreur ? Quels mécanismes induisent les média à insister sur les fautes des membres de l’Église et à ne pas relever avec autant de détermination celles présentes dans la société civile, jusque dans les milieux insoupçonnables comme le monde éducatif et scolaire ? Il faut promouvoir une alliance pour la défense des plus faibles, qui implique les familles, les éducateurs, les acteurs des médias, les « influencers » et « faiseurs d’opinion » (comme on appelle aujourd’hui ceux qui peuvent influencer les comportements collectifs). Surtout, il faut que notre société réveille en elle sa vigilance à l’égard des phénomènes de détérioration éthique et son engagement en faveur du bien moral dans les cadres de vie les plus variés. Les maux dénoncés et ceux qui devront et qui pourront l’être exigent une réaction morale déterminée, de laquelle personne ne doit se sentir étranger ou exonéré, surtout si l’on a à faire avec les adolescents et les jeunes dans des rôles de formation.
Il faut aussi garder présente une dernière considération : la dénonciation du mal ne doit pas faire oublier ou obscurcir tout le bien qui a été fait et qui continue de l’être  chaque jour. Pour parler de l’Église, que l’on pense à l’engagement quotidien d’innombrables prêtres et consacrés, de catéchistes et d’éducateurs, de parents croyants et de familles entières au service de la formation et dans des charges caritatives et de justice sociale inspirées de l’Évangile. Mais le bien se trouve aussi dans bien d’autres endroits : comme le dit le pape François dans l’exhortation « Gaudete et exsultate » sur l’appel à la sainteté dans le monde contemporain (19 mars 2018), « en dehors de l’Église catholique aussi et dans des cadres de vie très différents, l’Esprit suscite des signes de sa présence qui aident les disciples du Christ eux-mêmes » (n.9). Dans le domaine social, que l’on pense à tous ceux qui œuvrent  avec dévouement et sacrifice à l’école et à l’université, dans les hôpitaux et dans les centres d’aide pour les plus démunis, dans les maisons d’accueil pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées, et aussi à ceux (et nous voudrions qu’ils soient nombreux et toujours plus…) qui vivent l’action politique comme un service généreux et désintéressé du bien commun. À tous, il est demandé un engagement à faire grandir dans les esprits et dans les cœurs la détermination à agir au service de ceux qui en ont besoin et à diffuser la conviction que faire le bien n’est pas seulement bien mais fait du bien, à soi-même et à toute la société. La racine de tout mal possible réside dans le fait de se soustraire à un tel appel. Le commencement d’un nouveau lendemain pour tous consiste à y répondre sans lenteurs ni hésitations.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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