Antonio Spadaro SJ @ wikimedia commons

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Protection des mineurs: «Appeler la réalité des abus par son nom», par le p. Spadaro (traduction)

Troisième volume des «Accents» de la Civiltà Cattolica

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Troisième volume des « Accents » de La Civiltà Cattolica sur le thème des abus sexuels sur mineurs témoigne « de l’engagement » de la revue des jésuites « d’appeler la réalité des abus par son nom », affirme le père Antonio Spadaro, SJ, directeur de La Civiltà Cattolica.
Il fait référence aux paroles du pape François qui, au Chili, avait invité prêtres et religieux non seulement à « ruminer la désolation », mais à « demander à Dieu qu’il nous donne la lucidité d’appeler la réalité par son nom ».
Les extraits de la présentation par le p. Spadaro du nouvel ouvrage paru dans la collection de monographies numériques de La Civiltà Cattolica ont été publiés par L’Osservatore Romano en italien des 9-10 juillet 2018 (tiré d’une autre publication). L’ouvrage est composé de sept articles écrits récemment sur le thème des abus.
La première partie considère les différentes dimensions du drame des abus : il s’agit, entre autres, du « traumatisme spirituel » subi par les victimes. « Un abus effectué par celui qui, prêtre ou religieux, « représente Dieu », obscurcit l’image même de Dieu chez la victime », affirme le père Spadaro.
La seconde partie propose deux articles sur des conférences organisées et promues par le « Centre for Child Protection » de l’Université pontificale grégorienne (Rome).
« La lutte contre les abus sexuels, écrit le directeur de La Civiltà Cattolica, durera encore longtemps et il faut par conséquent dire adieu à l’illusion selon laquelle la simple introduction de règles ou de lignes-guides est la solution. Elle implique une conversion radicale et une attitude décisive pour rendre justice aux victimes. »
Voici notre traduction de l’italien des extraits de la présentation du père Spadaro publiés par L’Osservatore Romano.
MD
Père Antonio Spadaro, SJ 
Rencontrant en privé les jésuites du Pérou, le pape François a défini le scandale des abus sexuels comme « la désolation la plus grande que l’Église subisse ». « Les abus, a-t-il poursuivi, sont toujours le fruit d’une mentalité liée au pouvoir, qui doit être guérie dans ses mauvaises racines ». Au Chili, il avait invité prêtres et religieux non seulement à « ruminer la désolation », mais à « demander à Dieu qu’il nous donne la lucidité d’appeler la réalité par son nom ». L’ouvrage de la collection Accents que nous présentons se propose de faire ceci : témoignant de l’engagement de La Civiltà Cattolica d’appeler par son nom la réalité des abus, en sélectionnant sept articles écrits récemment sur le thème sur autant d’aspects du problème. La conscience s’est développée dans le temps.
L’éditorial que nous présentons ici et qui est écrit « à chaud » en 2002, c’est-à-dire il y a déjà 16 ans, serait écrit différemment aujourd’hui. Mais même les articles écrits en 2010-2012 répondent à une compréhension différente de la compréhension actuelle. Les auteurs, informés de la publication de cet ouvrage, m’ont dit qu’aujourd’hui, ils seraient plus attentifs à l’usage même du mot « pédophilie », à cause de la conscience que, au sens strict, il s’agit des abus sur des enfants prépubères. Mais ce n’est que la partie modeste, mais dramatique d’un problème plus large des abus sexuels sur les mineurs. Le terme est souvent employé sans l’attention nécessaire. Et pourtant, notre revue considère important de témoigner d’un engagement, et donc aussi d’une plus grande conscience de l’Église. Les pages qui suivent le démontrent et le confirment.
De quoi parle cet éditorial de 2002 que nous republions aujourd’hui ? Il informe avant tout sur la nature de la pédophilie et sur les personnes qui accomplissent de tels actes, en en présentant une typologie. Ensuite, il parle des motifs du mur de silence qui se crée sur les actes pédophiles et de la manière dont on peut le surmonter. Dans une volonté de quantifier de manière très approximative le phénomène, l’éditorial s’arrête sur le tourisme sexuel et sur la diffusion de la pédophilie qui se développe à travers internet et, à cette époque-là, les cassettes vidéo. Puis il accorde une attention particulière aux traumatismes psychiques et physiques que les actes pédophiles causent chez les enfants. Enfin, il relève le devoir grave qui incombe à toute la société de combattre la pédophilie de manière rigoureuse et efficace, faisant aussi référence aux cas dans lesquels sont impliqués des prêtres et des religieux.
Nous présentons ensuite cinq aspects du problème dans autant d’articles signés par Hans Zollner et Giovanni Cucci. Tous deux enseignent la psychologie à l’Université pontificale grégorienne de Rome. Le premier est aussi directeur du « Centre for Child Protection » de la même université, qui promeut la prévention. Il est en outre membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs depuis sa fondation, en 2014 et, depuis, coordinateur du groupe de travail sur l’éducation et la formation du personnel de l’Église. Le second – outre qu’il est membre du Collège des auteurs de La Civiltà Cattolica – est aussi référent pour la Province euro-méditerranéenne des jésuites pour les cas d’abus.
Le premier aspect est abordé avec une contribution – écrite en 2010 avec une double signature – à partir du phénomène des abus sexuels sur des mineurs par des membres du clergé de l’Église catholique, en particulier en Irlande et en Allemagne, à la suite desquels Benoît XVI a écrit une lettre pastorale. L’article se propose de traiter le thème du point de vue psychologique et social, se basant sur les connaissances scientifiques et la compréhension du phénomène que l’on avait alors. Il est important que l’Église reconnaisse la gravité de ce qui s’est passé, non seulement en punissant les auteurs de ces crimes, mais surtout en se demandant comment former les prêtres de manière saine.
Suit – toujours doublement signé – une contribution qui s’arrête plutôt sur certains éléments significatifs qui caractérisent le contexte particulier du débat d’alors sur le thème : l’étrange silence sur ce problème de la part d’éducateurs, de chercheurs, de psychologues et la présence d’une « culture » liée à la pédophilie. Il dénonce aussi le manque de perception de la gravité du phénomène dans la société en général. Puis il s’arrête sur la protection de l’enfance dans l’Église catholique avec un regard sur le monde et sur les différents contextes.
Le point de départ est donné par certaines questions du pape François : « Comme un prêtre, au service du Christ et de son Église, peut-il arriver à causer tant de mal ? Comment un consacré peut-il avoir donné sa vie pour mener les enfants à Dieu et finir au contraire par les dévorer dans ce que j’ai appelé “un sacrifice diabolique”, qui détruit la victime comme la vie de l’Église ? »
Le dernier aspect examiné est lié au fait que, outre les blessures profondes infligées au corps et au psychisme des victimes d’abus sexuels, il existe aussi pour ces personnes un traumatisme spirituel. Un abus effectué par celui qui, prêtre ou religieux, « représente Dieu », obscurcit l’image même de Dieu chez la victime. C’est une implication possible, plus ou moins sous la même forme pour toutes les confessions religieuses, mais qui, dans l’Église catholique, assume des connotations particulières. En ce sens, la tentative de faire taire les faits ou de trouver une Église non disposée à écouter les victimes, peut évidemment être aussi traumatique. Ainsi, pour beaucoup, la possibilité de croire en Dieu ou d’avoir confiance en lui est compromise ou même interrompue.
La seconde partie de l’ouvrage rend compte de deux symposiums importants qui se sont tenus à l’Université grégorienne en 2012 et en 2017. Le premier, intitulé « Vers la guérison et le renouveau », avait pour but de communiquer ce qui se faisait dans l’Église pour affronter les scandales du passé et du présent et pour établir une prévention adéquate. Le second est dédié à « La dignité des mineurs dans le monde numérique », qui est un autre aspect important du problème des abus sexuels d’enfants et d’adolescents, aujourd’hui de plus en plus important.
La lutte contre les abus sexuels durera encore longtemps et il faut par conséquent dire adieu à l’illusion selon laquelle la simple introduction de règles ou de lignes-guides en est la solution. Elle implique une conversion radicale et une attitude décisive pour rendre justice aux victimes. Certes, personne n’est en mesure de vaincre définitivement le mal, pas même celui des abus sur les mineurs – ce serait une présomption fatale – mais on peut faire beaucoup pour en réduire le plus possible le risque et augmenter la prévention. Nous remettons le livre à un lecteur qui désire mieux comprendre le phénomène des abus sexuels et en évaluer les aspects psychologiques et spirituels. C’est notre petite contribution, mais elle représente l’engagement de La Civiltà Cattolica sur un front qui doit être attentivement défendu par l’Église et par la société.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
 

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Hélène Ginabat

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