Foyer San José, Medellin (Colombia) 09/09/2017 © L'Osservatore Romano

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Dieu veut apporter la vie là où il y a la mort

Dialogue avec des jeunes Roumains orphelins (Traduction intégrale)

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Dieu « veut apporter la vie là où il y a la mort », a affirmé le pape François à un groupe de jeunes Roumains hébergés dans un orphelinat, aidés par l’ONG « FDP Protagonistes dans l’éducation », le 4 janvier 2018. Dans le dialogue publié le 19 février par le Saint-Siège, le pape a fait observer que « dans la vie, il y a beaucoup de ‘pourquoi ?’ auxquels nous ne pouvons pas répondre… Nous pouvons seulement regarder, écouter, souffrir et pleurer ».

Le pape a notamment répondu à la question « à quoi cela sert-il d’aller à l’église ? » : « Cela sert à nous mettre devant Dieu tels que nous sommes… sans maquillage. À dire : ‘Me voici Seigneur, je suis pécheur et je te demande pardon. Aie pitié de moi’. Si je vais à l’église pour faire semblant d’être une bonne personne, cela ne sert à rien. Si je à l’église parce que j’aime entendre la musique ou parce que je m’y sens bien, cela ne sert à rien ». En revanche, si l’on s’y rend sans maquillage, « Dieu travaille notre cœur ».
Au fil du long dialogue, le pape a assuré que « Dieu veut emmener tout le monde au paradis sans exclure personne » : « Personne d’entre nous ne peut dire qu’une personne n’est pas allée au ciel. Je te dis quelque chose qui t’étonnera peut-être : nous ne pouvons même pas dire cela de Judas. »
Enfin, il a encouragé un jeune qui exprimait sa souffrance d’avoir été abandonné par sa mère, qu’il avait retrouvée mais qui ne lui avait pas montré d’affection ; « La pauvreté spirituelle endurcit les cœurs et provoque ce qui semble impossible, qu’une mère abandonne son enfant : c’est le fruit de la misère matérielle et spirituelle, fruit d’un système social erroné, inhumain, qui endurcit les cœurs, qui entraîne à se tromper, qui fait que nous ne trouvons pas le bon chemin… Ta maman t’aime mais elle ne sait pas comment le faire, elle ne sait pas comment l’exprimer. Elle ne peut pas parce que la vie est dure, elle est injuste… Je te promets de prier pour qu’un jour, elle puisse te montrer cet amour. Ne sois pas sceptique, aie l’espérance. »

Voici notre traduction des réponses que le pape a apportées aux questions des jeunes.

AK
Dialogue avec le pape François

Chers jeunes, chers frères et sœurs,

Je vous remercie pour cette rencontre et pour la confiance avec laquelle vous m’avez adressé vos questions, où l’on sent la réalité de votre vie.
J’ai ici vos questions que j’ai déjà lues. Mais avant de vous répondre, je voudrais remercier avec vous le Seigneur parce que vous êtes ici, parce que lui, avec la collaboration de nombreux amis, vous a aidés à aller de l’avant et à grandir. Et ensemble, souvenons-nous de tous les enfants et tous les jeunes qui sont allés au ciel : prions pour eux ; et prions pour ceux qui vivent dans des situations de grande difficulté, en Roumanie et dans d’autres pays du monde. Confions-les à Dieu et à la Vierge Mère de tous les enfants, les garçons et les filles, les jeunes qui souffrent de maladie, des guerres et des esclavages d’aujourd’hui.

Et maintenant je voudrais répondre à vos questions. Je le ferai comme je peux, parce qu’on ne peut jamais répondre complètement à une question qui vient du cœur. Dans ces questions, le mot que vous employez le plus est « pourquoi ? » : il y a beaucoup de « pourquoi ? ». À certains de ces « pourquoi ? », je peux donner une réponse, à d’autres non, seul Dieu peut la donner. Dans la vie, il y a beaucoup de « pourquoi ? » auxquels nous ne pouvons pas répondre. Nous pouvons seulement regarder, écouter, souffrir et pleurer.

Première question : Pourquoi la vie est-elle si difficile et pourquoi nous disputons-nous souvent entre amis ? Et nous nous trompons ? Vous, les prêtres, vous nous dites d’aller à l’église mais dès que nous en sortons, nous nous trompons et nous commettons des péchés. Alors, pourquoi suis-je entré dans l’église ? Si je considère que Dieu est dans mon âme, pourquoi est-il important d’aller à l’église ?

Pape François : Tes « pourquoi ? » ont une réponse : c’est le péché, l’égoïsme humain : c’est pourquoi, comme tu le dis, « nous nous disputons souvent », « nous nous faisons du mal, nous nous trompons ». Tu as reconnu toi-même que même si nous allons à l’église, ensuite nous nous trompons encore, nous restons toujours des pécheurs. Et alors tu te demandes à juste titre : à quoi cela sert-il d’aller à l’église ? Cela sert à nous mettre devant Dieu tels que nous sommes, sans « nous maquiller », tels que nous sommes devant Dieu, sans maquillage. À dire : « Me voici Seigneur, je suis pécheur et je te demande pardon. Aie pitié de moi ». Si je vais à l’église pour faire semblant d’être une bonne personne, cela ne sert à rien. Si je à l’église parce que j’aime entendre la musique ou parce que je m’y sens bien, cela ne sert à rien. Cela sert si, au début, quand j’entre dans l’église, je peux dire : « Me voici, Seigneur. Tu m’aimes et je suis un pécheur. Aie pitié de nous. Jésus nous dit que si nous faisons cela, nous rentrons chez nous pardonnés. Caressés par lui, plus aimés par lui en sentant cette caresse, cet amour. Ainsi, tout doucement, Dieu transforme notre cœur par sa miséricorde et il transforme aussi notre vie. Nous ne restons pas toujours les mêmes, mais nous sommes « travaillés ». Dieu travaille notre cœur, c’est lui, et nous sommes travaillés comme l’argile dans les mains du potier ; et l’amour de Dieu prend la place de notre égoïsme. Voilà pourquoi je crois qu’il est important d’aller à l’église : pas seulement regarder Dieu, se laisser regarder par lui. Voilà ce que je pense. Merci.

Deuxième question : Pourquoi y a-t-il des parents qui aiment les enfants sains et qui, en revanche, n’aiment pas ceux qui sont malades ou qui ont des problèmes ?

Ta question concerne les parents, leur comportement devant les enfants sains et ceux qui sont malades. Je te dirais ceci : devant la fragilité des autres, comme les maladies, il y a certains adultes qui sont plus faibles, ils n’ont pas la force suffisante pour supporter la fragilité. Et cela parce qu’ils sont eux-mêmes fragiles. Si j’ai une grosse pierre, je ne peux pas l’appuyer sur une boite en carton parce que la pierre écrase le carton. Il y a des adultes qui sont fragiles. N’ayez pas peur de dire cela, de penser cela. Il y a des parents qui sont fragiles, parce qu’ils sont toujours des hommes et des femmes avec leurs limites, leurs péchés et les fragilités qu’ils ont en eux, et peut-être qu’il n’ont pas eu la chance d’être aidés quand ils étaient petits. Et ainsi, avec ces fragilités, ils avancent dans la vie parce qu’ils n’ont pas été aidés, ils n’ont pas eu l’occasion que nous avons eue, nous, de trouver une personne amie qui nous prend par la main et nous enseigne à grandir et à devenir forts pour vaincre cette fragilité. Il est difficile de recevoir de l’aide de la part de parents fragiles et parfois c’est nous qui devons les aider. Au lieu de reprocher à la vie de m’avoir donné des parents fragiles alors que moi je ne suis pas si fragile, pourquoi ne pas inverser les choses et dire merci à Dieu, merci à la vie parce que je peux aider la fragilité de ce parent afin que la pierre n’écrase pas la boite en carton. Tu es d’accord ? Merci.

Troisième question : L’année dernière, un de nos amis qui sont restés à l’orphelinat est mort. Il est mort pendant la semaine sainte, le Jeudi saint. Un prêtre orthodoxe nous a dit qu’il est mort pécheur et que, pour cette raison, il n’ira pas au paradis. Je ne crois pas qu’il en soit ainsi.

Pape François : Ce prêtre ne savait peut-être pas ce qu’il disait, peut-être ce prêtre n’allait-il pas bien ce jour-là, il avait quelque chose sur le cœur qui l’a poussé à répondre ainsi. Personne d’entre nous ne peut dire qu’une personne n’est pas allée au ciel. Je te dis quelque chose qui t’étonnera peut-être : nous ne pouvons même pas dire cela de Judas. Tu as rappelé votre ami qui est mort. Et tu as rappelé qu’il est mort le Jeudi saint. Cela me semble très étrange, ce que tu as entendu dire par ce prêtre, il faudrait mieux comprendre, peut-être cela n’a-t-il pas été bien compris… Quoi qu’il en soit, je te dis que Dieu veut emmener tout le monde au paradis sans exclure personne et que, pendant la semaine sainte, nous célébrons justement ceci : la passion de Jésus qui, comme le Bon Pasteur, a donné sa vie pour nous qui sommes ses brebis. Et si une brebis se perd, il va la chercher jusqu’à ce qu’il la retrouve. C’est comme cela. Dieu ne reste pas assis, il va, comme nous le montre l’Évangile : il est toujours en chemin pour trouver la brebis et il n’est pas effrayé quand il nous trouve, même si nous sommes dans un état de grande fragilité, si nous sommes salis par nos péchés, si nous sommes abandonnés par tout et par la vie, il nous prend dans ses bras et nous embrasse. Le Bon Pasteur pouvait ne pas venir, mais il est venu pour nous. Et si une brebis est perdue, quand il la trouve, il la met sur ses épaules et, plein de joie, il la rapporte à la maison. Je peux te dire une chose : je suis sûr, connaissant Jésus, je suis sûr que c’est ce que le Seigneur a fait pour votre ami, pendant cette semaine sainte.

Quatrième question : Pourquoi avons-nous eu ce destin ? Pourquoi ? Quel sens cela a-t-il ?

Tu sais, il y a des « pourquoi ? » qui n’ont pas de réponse. Par exemple : pourquoi les enfants souffrent-ils ? Qui peut répondre à cela ? Personne. Ton « pourquoi ? » est un de ceux qui n’ont pas de réponse humaine, mais seulement divine. Je ne sais pas te dire pourquoi tu as eu « ce destin ». Nous ne savons pas le « pourquoi » dans le sens du motif. Qu’ai-je fait de mal pour avoir ce destin ? Nous ne le savons pas. Mais nous savons le « pour quoi » dans le sens de la fin que Dieu veut donner à notre destin, et la fin est la guérison – le Seigneur guérit toujours – la guérison et la vie. Jésus le dit dans l’Évangile quand il rencontre un homme aveugle de naissance. Et celui-ci se demandait certainement : « Mais pourquoi suis-je né aveugle ? ». Les disciples demandent à Jésus : « Pourquoi est-il ainsi ? Par sa faute ou celle de ses parents ? » Et Jésus répond : « Non, ce n’est pas sa faute, ni celle de ses parents mais c’est ainsi pour que se manifestent en lui les œuvres de Dieu » (cf. Jn 9,1-3). Cela veut dire que Dieu, devant tant de situations tristes où nous pouvons nous trouver depuis notre enfance, veut les guérir, les soigner, il veut apporter la vie là où il y a la mort.

Voilà ce que fait Jésus, et voilà ce que font aussi les chrétiens qui sont vraiment unis à Jésus. Vous en avez fait l’expérience. Le « pour quoi » est une rencontre qui guérit de la douleur, de la maladie, de la souffrance et qui donne l’étreinte de la guérison. Mais c’est aussi un « pour quoi » pour après, au commencement on ne peut pas savoir. Je ne sais pas le « pour quoi », je ne peux même pas le penser ; je sais que ces « pourquoi » n’ont pas de réponse. Mais si vous avez fait l’expérience de la rencontre avec le Seigneur, avec Jésus qui guérit, qui guérit par un baiser, par les caresses, par l’amour, alors, après tout le mal que vous avez pu vivre, à la fin, vous avez trouvé cela. Voilà « pourquoi ».

Cinquième question : Il arrive que je me sente seule et je ne sais pas quel est le sens de ma vie. Ma petite fille est placée et certaines personnes me jugent en disant que je ne suis pas une bonne maman. Je crois au contraire que ma fille va bien et que j’ai pris la bonne décision, entre autres parce que nous nous voyons souvent.

Je suis d’accord avec toi que le placement peut être une aide dans certaines situations difficiles. L’important est que tout soit fait avec amour, avec le soin pour les personnes, avec un grand respect. Je comprends que tu te sentes souvent seule. Je te conseille de ne pas te renfermer, de chercher la compagnie de la communauté chrétienne : Jésus est venu former une nouvelle famille, sa famille, où personne n’est seul et où nous sommes tous frères et sœurs, enfants de notre Père du ciel et de la Mère que Jésus nous a donnée, la Vierge Marie. Et dans la famille de l’Église, nous pouvons tous nous retrouver, en guérissant nos blessures et en surmontant les manques d’amour qu’il y a souvent dans nos familles humaines. Tu as dit toi-même que tu crois que ta fille va bien dans la Maison familiale entre autres parce que tu sais que là-bas, ils tiennent à ta fille et aussi à toi. Et puis tu as dit : « Nous nous voyons souvent ». Parfois la communauté des frères et des sœurs chrétiens nous aide ainsi. Se confier l’un à l’autre. Pas seulement les enfants. Quand quelqu’un sent quelque chose dans son cœur, il se confie à son amie, à son ami et fait sortir cette douleur de son cœur. Se confier fraternellement les uns aux autres, c’est très beau et c’est Jésus qui nous l’a enseigné. Merci.

Sixième question : Quand j’avais deux mois, ma maman m’a abandonné dans un orphelinat. À 21 ans, j’ai cherché ma mère et je suis resté avec elle deux semaines mais elle ne se comportait pas bien avec moi et je suis donc parti. Mon papa est mort. Quelle est ma faute pour qu’elle ne veuille pas de moi ? Pourquoi ne m’accepte-t-elle pas ?

Cette question, je l’ai bien comprise parce que tu l’as exprimée en italien. Je veux être sincère avec toi. Quand j’ai lu ta question, avant de donner les instructions pour faire le discours, j’ai pleuré. J’ai été proche de toi par mes larmes. Je ne sais pas pourquoi, tu m’as beaucoup donné ; les autres aussi, mais tu m’as peut-être pris là où j’ai moins de défense. Quand on parle de la maman, il y a toujours quelque chose… et à ce moment-là, tu m’as fait pleurer. Ton « pourquoi ? » ressemble à la deuxième question, sur les parents. Ce n’est pas une question de faute, c’est une question de grande fragilité des adultes, due dans votre cas à beaucoup de misère, à de nombreuses injustices sociales qui écrasent les petits et les pauvres et aussi à une grande pauvreté spirituelle. Oui, la pauvreté spirituelle endurcit les cœurs et provoque ce qui semble impossible, qu’une mère abandonne son enfant : c’est le fruit de la misère matérielle et spirituelle, fruit d’un système social erroné, inhumain, qui endurcit les cœurs, qui entraîne à se tromper, qui fait que nous ne trouvons pas le bon chemin. Mais tu sais, cela demandera du temps : tu as cherché quelque chose de plus profond de son cœur. Ta maman t’aime mais elle ne sait pas comment le faire, elle ne sait pas comment l’exprimer. Elle ne peut pas parce que la vie est dure, elle est injuste. Et cet amour qui est enfermé en elle, elle ne sait pas comment le dire et comment te caresser. Je te promets de prier pour qu’un jour, elle puisse te montrer cet amour. Ne sois pas sceptique, aie l’espérance.

Simona Carobene (responsable de l’initiative) : J’ai été extrêmement touchée par le message à l’occasion de la journée des pauvres. Il m’a fait sursauter parce que je me suis demandé : « et moi, comment est-ce que je vois mes jeunes ? ». Parfois je me rends compte que je suis prise par le faire et que j’oublie pourquoi Jésus nous a mis ensemble. Il faut que je fasse encore un chemin de conversion et ce chemin est continuel et ne peut jamais être considéré comme acquis. C’est pourquoi je continue de suivre mes jeunes parce qu’ils sont « mes saints ». Et je reste collée à notre sainte Mère l’Église, à travers le charisme de don Giussani, qui est la modalité concrète qui m’a fait aimer Jésus. Mais en même temps, le rappel de votre message était très concret. Il parlait de véritable partage. J’ai commencé à me demander si le moment n’était pas arrivé pour moi de faire un pas supplémentaire dans ma vie, d’accueil et de partage. C’est un désir du cœur qui naît en moi et que je voudrais vérifier dans la période qui vient.

Quels sont les signes à regarder pour comprendre quel est le dessein pour moi ? Que veut dire vivre la vocation de la pauvreté jusqu’au bout ?

Simona, merci pour ton témoignage. Oui, notre vie est toujours un chemin, un chemin derrière le Seigneur Jésus qui, avec un amour patient et fidèle, ne finit jamais de nous éduquer, de nous faire grandir selon son dessein. Et parfois, il nous fait des surprises, pour briser nos schémas. Ton désir de grandir dans le partage et dans la pauvreté évangélique vient de l’Esprit-Saint : cela ne peut pas s’acheter, se louer, seul l’Esprit est capable de faire cela et il t’aidera à avancer sur ce chemin sur lequel, avec les amis, vous avez fait tant de bien. Vous avez aidé le Seigneur à accomplir ses œuvres pour ses jeunes.

Merci encore à vous tous. Cela m’a fait beaucoup de bien de vous rencontrer. Je vous porte dans ma prière. Et n’oubliez pas, vous aussi priez pour moi parce que j’en ai besoin. Merci !

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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