Désert du Taklamakan en Chine © Wikimedia commons /By 6-A04-W96-K38-S41-V38

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Le Carême de Jésus et le nôtre, par Mgr Follo

Lectures du dimanche 18 février 2018

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« Le Carême de Jésus et le nôtre ». C’est le thème de la méditation de Mgr Francesco Follo sur les lectures de la messe du dimanche 18 février 2018 (Premier dimanche de Carême – Année B – Gn 9, 8-15 ; Ps 24; 1 P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15).
« En ce début de Carême, ces paroles, “convertissez-vous et croyez en l’Évangile” sont adressées à chacun de nous. Il ne s’agit pas d’une injonction qui naît de l’arbitraire mais d’une indication qui jaillit de l’amour », écrit l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris : « Jésus vient pour annoncer une loi qui libère. »
 
« Le Sauveur ne se contente pas de gémir et de pleurer sur nos péchés. Il les expie par la souffrance de son propre corps », souligne-t-il encore.
 

  • Se convertir à la vérité de l’amour.

Ce premier dimanche de Carême – année B – nous offre le récit de la tentation de Jésus dans le désert d’après l’évangile de Saint Marc qui par rapport à celui de Saint Matthieu et de Saint Luc, se caractérise par une grande brièveté. Avec le style sobre et concis de Saint Marc, l’Évangile nous introduit dans le climat de ce temps liturgique: « Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan » (Mc 1, 12) « et les anges le servaient » (Mc 1, 13).
Ces deux versets résument les deux aspects qui caractérisent la conception biblique du désert. D’un côté, le désert est vu comme le lieu de la tentation, quand il est dit que l’Esprit poussa Jésus dans le désert où il resta quarante jours (comme les quarante ans du peuple hébreux dans le désert) tenté par Satan. D’un autre côté, le désert fait référence au lieu privilégié de l’expérience de l’Alliance, c’est à dire de l’amour du Seigneur, avec les anges qui servent le Christ. Cela rappelle, sans aucun doute, les paroles du prophète Osée: “C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur” (2,16).
Dans ce jardin de pierres qu’est le désert, nouveau jardin d’Éden devenu lieu de mort à cause du péché, Jésus remporte la victoire : il nous aide à regarder la vie d’un regard neuf, saint et plein d’amour et non plus de nos vieux yeux éteints se posant sur ce qui les séduit.
Après avoir reçu le baptême de Jean, Jésus entre dans le désert conduit par le même Esprit Saint qui s’était posé sur lui en le consacrant et en le révélant comme le fils de Dieu.
Dans ce lieu solitaire, lieu de l’épreuve, comme le montre l’expérience du peuple d’Israël, apparaît de façon dramatique la réalité du renoncement du Christ qui s’est dépouillé de sa condition divine (cf Ph 2, 6-7). Lui qui n’a pas péché et ne peut pas pécher, il se laisse éprouver et peut ainsi compatir à nos faiblesses (cf He 4,15). Il se laisse tenter par Satan, l’adversaire, qui depuis le début s’est toujours opposé au dessein salvifique de Dieu en faveur des hommes.
A ces hommes, le Christ annonce la bonne nouvelle: Dieu est proche, “convertissez-vous et croyez à l’Évangile.” Croyez en l’amour.
En ce début de Carême, ces paroles, “convertissez-vous et croyez en l’Évangile” sont adressées à chacun de nous. Il ne s’agit pas d’une injonction qui naît de l’arbitraire mais d’une indication qui jaillit de l’amour.
Jésus vient pour annoncer une loi qui libère et non pour dénoncer en suivant une loi qui rend esclave. Son annonce est un “oui” qui crée une nouvelle alliance de vie, et non pas un « non » qui punit de mort. Si à son « oui » nous répondons avec notre « oui », alors nous vivrons une vie bonne, belle et heureuse comme la sienne.
Pour pouvoir dire ce « oui », nous devons nous convertir et croire à l’Évangile. Ce « oui » nous met sur la route de la charité avec le Christ. N’oublions pas cependant que pour emprunter et vivre sur la route de l’amour, il y a une condition indispensable : se convertir, c’est à dire abandonner sa volonté propre à travers l’humilité. Saint Bernard de Chiaravalle le découvrit en lisant dans l’Évangile le passage où Jésus recommande aux disciples: “En vérité je vous le dis, si vous ne devenez pas comme les enfants, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux”. Et  que signifie devenir comme des enfants – se demande Saint Bernard – si ce n’est devenir humble ?” (Sur le carême II, 1). Se convertir se résume donc à apprendre l’art difficile de l’humilité.
La conversion est l’humble « oui », le « oui » total de celui qui donne son existence à l’Évangile en répondant librement au Christ, Lui qui, le premier, s’est donné à l’homme comme le chemin, la vérité et la vie, comme le seul qui peut le libérer et le sauver. C’est vraiment la signification des premières paroles avec lesquelles, d’après l’évangéliste Marc, Jésus commence la prédication de l’Évangile de Dieu: « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 15).

  • Pénitence et conversion.

Se convertir signifie changer de direction sur le chemin de la vie: cependant ce n’est seulement pas un petit ajustement, mais un retour à la maison comme celui du fils prodigue.
Se convertir, c’est tourner son esprit et son cœur vers Dieu qui s’est fait proche dans le Christ.
Se convertir, c’est accueillir le don de la proximité de Dieu. A mon avis, la Parole la plus forte et la plus riche de signification que Jésus prononce aujourd’hui dans l’Évangile est celle-ci: le royaume de Dieu est proche. Ce qui signifie que la souveraineté de Dieu est présente dans la personne et dans les œuvres de Jésus Christ et qu’elle est proche parce qu’elle a commencée et qu’elle croît au milieu des hommes par la présence de Jésus. La conversion c’est s’approcher de cette présence, c’est se faire rattraper par l’Esprit alors que l’on se sent loin, orphelin de Dieu.
Pendant ces quarante jours, l’Église nous demande de nous adonner à une prière intense, à une pénitence sincère dans la contrition et à une aumône généreuse où la compassion envers les pauvres n’est pas seulement une émotion mais un vrai partage des biens.
Les efforts de carême que l’Église nous demande sont au nombre de trois: la prière, la pénitence et l’aumône. Aujourd’hui je m’arrêterai sur la pénitence pour nous aider à célébrer le grand mystère de Pâques, purifiés et complètement renouvelés dans notre âme et dans notre esprit.
La pénitence comporte deux éléments essentiels: la contrition du cœur et la mortification du corps. Il ne faut pas oublier que si c’est le cœur de l’homme à vouloir le mal, souvent c’est le corps qui l’aide à le commettre.
Mais le principe d’une vraie pénitence est dans le cœur: nous le voyons dans l’évangile avec les exemples du fils prodigue, de la pécheresse qui lave les pieds du Christ de ses larmes, de Zachée le publicain et de Saint Pierre qui offre au Christ sa souffrance alors que celui-ci le confirme dans son amour.
Pendant le carême, le chrétien doit s’exercer à la pénitence du cœur et la considérer comme la base essentielle de tous les actes propres à ce temps de grâce. Mais il serait illusoire de ne pas ajouter l’hommage du corps aux sentiments intérieurs que cette pénitence du cœur inspire.
Le Sauveur ne se contente pas de gémir et de pleurer sur nos péchés. Il les expie par la souffrance de son propre corps. L’Église qui est sa fidèle interprète nous avertit que la pénitence de notre cœur ne sera pas reçue si nous n’y unissons pas l’exacte observance de l’abstinence, les vendredis de carême, et du jeûne, le mercredi des cendres et le vendredi saint. Le diable tente à partir de la sensualité et de la gourmandise. C’est pour cela que pendant le carême, il nous est demandé de pratiquer non seulement la prière mais aussi l’abstinence et le jeûne.
A ce point, il est légitime de se demander quelle pénitence faire, quel sacrifice offrir au Seigneur pour bien vivre cette période particulière du Carême et la vie de tous les jours en général pour expier nos propres péchés et cheminer avec le Christ.
La réponse qui nous vient de la Bible et de la tradition est celle-ci: “Faire toujours en tout et de façon parfaite, la volonté de Dieu.” Celui qui offre un acte de jeûne, offre au Seigneur une partie de lui. Qui offre au Seigneur l’adhésion de sa propre volonté à la sienne, lui offre en revanche toute sa personne. Pour cela, nous avons l’exemple des vierges consacrées. Ces femmes, en se donnant corps et âme au Christ, accomplissent un acte d’amour parfait. Chacune d’elles dit: “Seigneur, j’aime ce que tu aimes et je déteste ce que tu détestes. J’aime la vertu et je déteste le péché.” Mais elles nous montrent que cela ne suffit pas. Elles aiment comme Dieu le veut, d’un amour authentique, joyeux et reconnaissant.
En effet, si l’amour anime la vie de ces femmes authentiques, alors le Seigneur vient établir son Royaume en elles et leur offre sa joie (cf Pape François). La vie de la consacrée exprime aussi concrètement l’importance de tout donner à Dieu avec joie et simplicité. En outre, elles témoignent que le fait de se donner à Dieu avec gratitude est signe de maturité : elles sont reconnaissantes de l’expérience qu’elles font du soutien que Dieu leur offre à travers la lumière de son visage. Enfin elles montrent qu’un cœur reconnaissant est un cœur fidèle.
En Terre Sainte, à l’ouest du fleuve Jourdain et de l’oasis de Jéricho, se trouve le désert de Judée qui, dépassant une dénivellation de 1000 mètres environ de vallées rocailleuses, monte jusqu’à Jérusalem.
2) Le terme grec que Saint Marc met dans la bouche du Christ pour inviter à la conversion est metanoia (littéralement « changement de mentalité »). Il n’indique pas un simple changement d’opinion mais une mutation radicale de la vie imposée par la présence du royaume de Dieu. La demande la plus importante est celle de la foi.
 
Lecture patristique
Lansperge le Chartreux (+ 1539)
Sermon 2 sur le premier dimanche de carême,
Opera omnia, t 1, 180
Tout ce que le Seigneur Jésus a voulu faire aussi bien que souffrir, il l’a fait pour nous instruire, nous reprendre et nous être utile. Puisqu’il savait que nous en tirerions beaucoup de fruit pour notre instruction et notre réconfort, il n’a voulu rien omettre de ce qui pourrait nous profiter. C’est pourquoi il fut conduit au désert, et il n’y a pas de doute que ce fut par l’Esprit Saint. En effet, l’Esprit Saint a voulu le conduire là où le démon pourrait le trouver et oserait s’approcher de lui pour le tenter. Car le tentateur était provoqué à le mettre à l’épreuve par des circonstances favorables, c’est-à-dire la solitude, la prière, la mortification corporelle, le jeûne et la faim. Ainsi le démon aurait-il la possibilité d’apprendre de Jésus s’il était le Christ et le Fils de Dieu.
La première chose que nous apprenons ici, c’est que la vie de l’homme sur la terre est une vie de combat (Jb 7,1). Et aussi que le chrétien doit s’attendre à être d’emblée tenté par le démon. Qu’il se prépare donc à la tentation, selon l’Écriture: Si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l’épreuve (Si 2,1). C’est pourquoi le Seigneur a voulu réconforter par ses exemples tout nouveau baptisé, tout nouveau converti, pour qu’il n’ait pas peur et ne devienne pas timoré, si après sa conversion ou son baptême, ayant été tenté par le démon plus fortement qu’auparavant, pu s’il souffre davantage de la persécution, il lit dans l’Évangile que le Christ lui-même a été tenté par le démon aussitôt après son baptême.
La deuxième leçon que le Christ a voulu nous donner par son exemple, c’est que nous ne cherchions pas facilement à nous exposer à la tentation. Conscients de notre faiblesse, veillons plutôt à ne pas entrer en tentation, prions et évitons les occasions d’être tentés.

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Rédaction

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