Veritatis gaudium invite « à une conversion missionnaire dans le domaine des facultés et des universités ecclésiastiques » à l’instar d’Evangelii gaudium, qui exhorte à une conversion pastorale pour que les « structures » soient « plus missionnaires », explique le cardinal Versaldi à propos de la nouvelle constitution apostolique.
C’est Evangelii gaudium, avec le « rêve » du pape François d’un « choix missionnaire capable de transformer toute chose », qui sert de toile de fond à la nouvelle constitution apostolique Veritatis gaudium sur les universités et les facultés ecclésiastiques, présentée à la presse le 29 janvier 2018. Le cardinal Giuseppe Versaldi, préfet de la Congrégation pour l’Éducation catholique, a évoqué les contenus principaux du document dans une interview publiée dans L’Osservatore Romano en italien daté du 31 janvier 2018.
Le cardinal relève quatre critères « pour un renouvellement et une relance de la contribution des études ecclésiastiques à une Église en sortie missionnaire » : la « contemplation » du kérygme pour « retourner à la source », le « dialogue » « pour faire l’expérience communautaire de la joie de la vérité », « l’interdisciplinarité et à la transdisciplinarité exercées avec sagesse et créativité » et enfin « faire réseau » en s’ouvrant sur l’extérieur et en vue de proposer des réponses « concrètes » aux « problèmes de l’humanité ».
Voici notre traduction de l’interview publiée dans L’Osservatore Romano, avec l’aimable autorisation de celui-ci.
HG
Le renvoi au texte programmatique du pontificat sur l’Évangile de la joie apparaît évident dès le titre de cette nouvelle constitution…
Card. Versaldi – Pour en comprendre pleinement la signification, au-delà des normes techniques qui sont aussi importantes, il est nécessaire de garder à l’esprit surtout le numéro 27 d’Evangelii gaudium, où le pape affirme que la réforme des structures exige une conversion pastorale pour que celles-ci soient plus missionnaires. Et en ce sens, Veritatis gaudium est l’application de cette exhortation à une conversion missionnaire dans le domaine des facultés et des universités ecclésiastiques. En effet, dans le préambule de la nouvelle constitution apostolique, au numéro 3, le pape dit que le moment est venu où ce riche patrimoine d’approfondissements et d’orientations doit imprimer aux études ecclésiastiques ce renouvellement sage et courageux qui est demandé par la transformation missionnaire d’une Église « en sortie ». C’est pourquoi le document a une importance historique, parce que c’est le magistère du pape François, d’une Église missionnaire, qui offre les critères aux universités et aux facultés ecclésiastiques.
Quels sont ces critères de fond ?
Les études ecclésiastiques constituent une sorte de laboratoire culturel providentiel où l’Église exerce sa mission. Ceci parce que, à un changement d’époque comme actuellement, il faut une révolution culturelle courageuse, selon le vœu du pape dans Laudato si’. Et dans cet effort, le réseau mondial des universités et des facultés ecclésiastiques est appelé à apporter la contribution décisive du levain, du sel et de la lumière de l’Évangile de Jésus-Christ et de la tradition vivante de l’Église, toujours ouverte à de nouveaux scénarios et à de nouvelles propositions. Par conséquent, le dépôt de la foi demeure, mais renouvelé. Et au numéro 4 du préambule, François indique quatre critères de fond pour un renouvellement et une relance de la contribution des études ecclésiastiques à une Église en sortie missionnaire.
Pouvez-vous nous l’illustrer dans les grands chapitres ?
Le premier est celui de la contemplation et de l’introduction spirituelle, intellectuelle et existentielle au cœur du kerygme, à savoir de la joyeuse nouvelle, toujours nouvelle et fascinante, de l’Évangile de Jésus. En résumé, les universités et les facultés ne doivent pas non plus considérer comme acquis le fait que le fondement soit l’Évangile, mais retourner à la source, au cœur.
Le second est celui du dialogue non pas comme une simple attitude tactique, mais comme une exigence intrinsèque pour faire l’expérience communautaire de la joie de la vérité. Ce qui, en pratique, relance la culture de la rencontre : les universités ne peuvent pas ne pas dialoguer, parce que, comme l’a souligné Benoît XVI, la verité est « logos » qui crée le « dia-logos » et par conséquent communication et communion. C’est pourquoi il faut revoir dans cette optique et dans cet esprit l’architecture et la dynamique méthodique des curriculums d’études proposés. Par conséquent le pape François désire une révision des contenus.
Le troisième critère est très important au niveau scientifique parce qu’il renvoie à l’interdisciplinarité et à la transdisciplinarité exercées avec sagesse et créativité. En substance le pape dit qu’il est juste de diversifier les savoirs, mais qu’il faut ensuite tout rapporter à l’unité et il cite à ce sujet deux auteurs révolutionnaires dans l’histoire de l’Église : John Henry Newman et Antonio Rosmini. Tous deux mettaient en garde contre le risque de la dispersion et en revanche ils redisaient la nécessité de l’unité, pour dépasser la néfaste séparation entre théorie et pratique.
Enfin, le quatrième critère est de « faire réseau » entre les différentes institutions : intraecclésiales, par conséquent entre celles de l’Église, mais aussi en synergie avec les réalités académiques des différents pays et avec celles qui s’inspirent de traditions culturelles et religieuses différentes, c’est-à-dire l’ouverture ad extra dans une société multiculturelle et multireligieuse. En ce sens, il souligne l’impulsion qui doit être donnée à la recherche de nouvelles pistes comme réponse aux problèmes de l’humanité : il faut s’ouvrir au monde non seulement au niveau intellectuel mais cette richesse des diversités des savoirs, des cultures et des religions doit devenir proposition de projets communs. Et ici, le pape cite de nouveau Laudato si’ pour réaffirmer la nécessité que les universités ne se ferment pas au niveau académique mais s’ouvrent à la société, avec un aspect opérationnel, en ne se limitant pas à élaborer seulement des théories mais aussi des projets communs concrets.
Quelles sont les conséquences pratiques de ces prémices ?
Celles qui se trouvent au numéro 5 du préambule, à savoir imprimer une nouvelle impulsion à la recherche scientifique. D’ailleurs, les études ecclésiastiques ne peuvent se limiter à transférer des connaissances, des compétences, des expériences aux hommes et aux femmes de notre temps, mais elles doivent acquérir la tâche urgente d’élaborer des instruments intellectuels en mesure de se proposer comme paradigmes d’action et de pensée, utiles à l’annonce dans un monde marqué par le pluralisme éthico-religieux. D’où la tâche confiée par le pape à la recherche menée dans les université, les facultés et les instituts ecclésiastiques de développer cette apologétique originale indiquée dans Evangelii gaudium afin qu’ils aident à créer les dispositions pour que l’Évangile soit écouté par tous. En somme, il s’agit de sortir du monde de la seule pensée pour ne pas risquer de s’isoler.
Quelles sont les tâches qui attendent maintenant la Congrégation ?
Nous nous emploierons à promouvoir l’esprit du renouveau missionnaire voulu par le pape pour nos institutions académiques, appelées en premier plan à donner des réponses adéquates aux défis du monde contemporain.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat