Prière interreligieuse pour la paix, Dacca, Bangladesh © L'Osservatore Romano

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Dialogue interreligieux: il est possible de vivre ensemble, affirme le card. Tauran

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Entretien dans L’Osservatore Romano

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Entre les religions, « malgré les positions qui peuvent parfois sembler distantes, il faut promouvoir des espaces de dialogue sincère. Malgré tout, nous sommes vraiment convaincus qu’il est possible de vivre ensemble ». C’est ce qu’affirme le cardinal Jean-Louis Tauran dans un entretien à L’Osservatore Romano en italien daté du 29 décembre 2017.
En fin d’année, il tire le bilan des activités du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, qu’il préside. Alors que la « question de Jérusalem » revient sous les projecteurs des médias, le cardinal invite à « une autre direction que celle de la propagation de la haine et de la colère ».
Voici notre traduction intégrale de cet entretien publié avec l’aimable autorisation du quotidien du Vatican.
Les récents choix de l’administration Trump ont rallumé les tensions, jamais oubliées, dans la ville sainte. Y a-t-il encore de l’espoir pour une paix stable au Moyen orient ?
Je pense vraiment que oui. Le dialogue doit se poursuivre à tous les niveaux. Il suffit de penser à ce qu’il s’est passé par simple coïncidence le 6 décembre dernier, quand la décision de la Maison Blanche a été rendue publique. Ce matin-là le pape a reçu avant l’audience générale les participants à une réunion entre notre dicastère et la commission pour l dialogue interreligieux de l’Etat de Palestine. Le pape a exhorté cette délégation de haut rang, conduite par le cheik Mahmoud Al-Habbash, juge suprême, à collaborer. Une exhortation qui s’est soldée par la signature d’un mémorandum d’entente pour l’institution d’un groupe de travail permanent. Il s’agissait en somme d’un exemple de témoignage interreligieux très significatif, un prudent rapprochement sous le signe de l’amitié, dans une autre direction que celle de la propagation de la haine et de la colère.
Donc en se rencontrant et se parlant tout est possible ?
Nous y croyons : au fond, malgré les positions qui peuvent parfois sembler distantes, il faut promouvoir des espaces de dialogue sincère. Malgré tout, nous sommes vraiment convaincus qu’il est possible de vivre ensemble ; comme le montre le pape qui, quotidiennement, continue de souligner l’importance du respect mutuel avec les fidèles d’autres traditions. Et pas seulement avec l’islam, mais aussi avec les bouddhistes, par exemple, comme il l’a fait durant son récent voyage en Asie.
Ou comme il fait dans les rencontres qui précèdent parfois les audiences générales ?
C’est devenu comme une sorte d’habitude : François reçoit de petites délégations que nous accompagnons. Je me souviens de la rencontre, en mars, avec les directions irakiennes pour les chiites et les sunnites et celle pour les chrétiens, les yézidis, les sabéens/mandéens : « Nous sommes tous frères, et là où il y a la fraternité, il y a la paix », a déclaré le pape à cette occasion, en recourant à l’image des doigts de la main : « Il y a cinq doigts mais tous différents ». Plus récemment, il y a eu en septembre l’audience avec le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, Muhammad Al-Issa, et en octobre avec la World Conference of religions for peace, au cours de laquelle le pape a relevé l’importance « de la coopération interreligieuse pour s’opposer aux conflits et faire progresser le développement». Ce que fait d’ailleurs notre dicastère à travers l’organisation de séminaires à Rome ou la participation à des conférences internationales.
Quelles ont été les rendez-vous les plus importants de cette année ?
L’année 2017 s’est ouverte par la rencontre annuelle avec les membres du Bureau pour le dialogue interreligieux ou la coopération du conseil oecuménique des Eglises (COE), organisée dans nos murs, au lendemain de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. En février, je me suis rendu au Caire pour un symposium organisé par l’université d’al-Azhar sur le rôle du Grand imam et du Vatican pour lutter contre les phénomènes du fanatisme et de l’extrémisme au nom de la religion. Et en mai, je suis allé à Rabat pour une journée d’étude organisée par l’académie royale du Maroc. Enfin, en novembre s’est tenu à Taiwan le sixième colloque bouddhiste-chrétien sur le thème de la non violence : le sous-secrétaire Mgr Indunil Kodithuwakku est intervenu aux travaux et moi à la fin pour les conclusions. Enfin, rappelons ma participation, sur invitation de la communauté de Sant’Egidio à la conférence « Chemins de paix » qui m’a donné l’occasion, le 6 novembre, de partager des moments de fraternité avec le Grand imam d’al-Azhar.
Le secrétaire, Mgr Miguel Ángel Ayuso Guixot, a beaucoup voyagé: en mars au Qatar pour la cinquième conférence du Research center for islamic legislation and ethics sur le thème « Conflit et résistance éthique: vers une compréhension critique du jihad et de la « guerre juste »» et en juillet d’abord en Egypte, pour étudier, au siège de la nonciature apostolique, un document d’entente avec al-Azhar sur une future collaboration commune, puis au Cameroun pour la onzième assemblée plénière de l’association des Conférences épiscopales de la région d’Afrique centrale (ACERAC). En août, le missionnaire combonien s’est envolé au Japon, pour la trentième rencontre de prière pour la paix organisée sur le mont Hiei, à Kyoto, puis au Chili, pour la seconde conférence: « Amérique en dialogue. Notre maison commune ». Enfin, il s’est rendu à Berkeley, en Californie, avec Mgr Khaled Akasheh, chef de bureau pour l’islam, au quatrième séminaire du forum catholique-musulman, né de la fameuse lettre des 138 « Une Parole commune ».
Et au milieu de l’année, comme un tour de bouée idéal, il y a eu l’assemblée plénière du Conseil pontifical consacrée au rôle des femmes dans l’éducation à la fraternité universelle. Un thème nouveau ?
C’est une clef de lecture qui s’inspire du magistère pontifical. François a toujours demandé de mettre en valeur la présence des femmes en leur donnant plus d’espace. Et en nous recevant au terme des travaux, il a réaffirmé que « la femme, possédant des caractéristiques particulières, peut offrir un bel apport au dialogue avec sa capacité d’écouter, d’accueillir et de s’ouvrir généreusement aux autres ».
Quelle signification donner aux messages que vous envoyez pour les fêtes des autres religions ?
Ce sont des gestes de courtoisie, pour dire que nous nous unissons aux moments de joie vécus par les fidèles dans les différentes régions du monde. Il suffit de penser au message que nous adressons, depuis cinquante ans, aux musulmans pour le mois du Ramadan, centré en cette année 2017 sur les soins à donner à notre maison commune. Pour le Vesakh/Hanamatsuri nous avons demandé aux bouddhistes de parcourir ensemble le chemin de la non-violence, alors que pour le Diwali nous avons exhorté les hindous à aller au-delà de la tolérance. J’ai par ailleurs écrit aussi une lettre à l’occasion des travaux de la Christian-Confucian consultation en Corée.
Y a-t-il une image symbole qui, à votre avis, résume tout le travail de cette année ?
Peut-être celle de L’Osservatore Romano publiée en Une à l’occasion de l’audience du pape, le 7 novembre, avec le Grand imam d’al-Azhar, Ahmed Muhammad al-Tayeb. Au terme de l’audience François a invité le cheik à déjeuner à la Maison Sainte-Marthe. Ils y sont allés à pied, conversant ensemble durant tout le trajet. Donc les efforts du pape et les nôtres se sont concrétisés dans cette fructueuse visite du leader religieux de l’islam sunnite qui s’est déroulée dans une ambiance chaleureuse et sympathique. Tout cela montre l’importance pour nous chrétiens de rester ancrés avec cohérence à notre foi, dans les difficultés d’un monde si pluriel, sans céder au découragement : pour une meilleure compréhension des défis qui sont le propre d’une réalité multiculturelle et pour témoigner qu’il est possible de cohabiter, avec cette conviction que l’amour est la seule force capable de rendre le monde meilleur pour tous.
Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Rédaction

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