« Les espoirs d’un monde plus pacifique et plus sûr sont gravement menacés par la production toujours croissante d’armes et leur grande puissance destructrice, y compris les armes nucléaires et autres armes de destruction massive », avertit Mgr Auza. « Le fossé qui sépare les engagements et les actions dans le domaine du désarmement et du contrôle des armements s’est creusé de plus en plus », déplore-t-il.
Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, est intervenu lors du débat général de la première commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, sur le thème du désarmement, à New York, le 10 octobre 2017.
Mgr Auza a souligné l’inquiétude du Saint-Siège devant « l’absence de mouvement pour maintenir les accords existants tels que le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires ou pour mettre en vigueur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires ». Évoquant les tensions avec la Corée du nord, il a transmis les « encouragements » du Saint-Siège à l’égard des « États dont les ratifications sont nécessaires à l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires pour qu’ils ratifient rapidement le Traité ».
Voici notre traduction de la déclaration en anglais de Mgr Auza.
HG
Monsieur le Président,
Ma délégation vous félicite, vous et vos collaborateurs, pour la présidence de cette session de la première commission de l’Assemblée générale et promet sa pleine coopération pour faire avancer nos travaux.
Je voudrais d’emblée adresser mes sincères félicitations à la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) et aux nombreuses organisations de la société civile qui y sont associées pour avoir reçu le Prix Nobel de la paix de cette année. Ma délégation leur souhaite beaucoup de succès pour relever les défis à venir.
Les formidables espoirs d’un monde meilleur engendrés par la fin de la guerre froide et la libération de nombreux pays des régimes totalitaires ont été anéantis par la conflagration de nombreux conflits violents dans de nombreuses régions et pays du monde. Ils ont été assombris par la situation désespérée de centaines de millions de réfugiés, de migrants forcés et de personnes déplacées. Ils ont presque été éteints par des groupes terroristes extrêmement violents qui agissent avec un mépris total pour toutes les formes de décence humaine.
Les espoirs d’un monde plus pacifique et plus sûr sont gravement menacés par la production toujours croissante d’armes et leur grande puissance destructrice, y compris les armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Le commerce des armes, à la fois licite et illicite, continue de se développer. De plus en plus de pays sont devenus des fabricants d’armes. La prolifération des armes, y compris des armes de destruction massive, entre groupes terroristes et autres acteurs non étatiques a conduit à une situation extrêmement menaçante.
Ces tendances profondément troublantes menacent de plus en plus l’architecture actuelle du contrôle des armements et de la non-prolifération, ce qui rend l’objectif ultime du désarmement général et complet encore plus lointain. Ils posent de plus grands obstacles et barrières à la réalisation de la paix et de la sécurité, à la pleine jouissance des droits de l’homme fondamentaux et à un développement humain intégral. Ces tendances révèlent que le fossé qui sépare les engagements et les actions dans le domaine du désarmement et du contrôle des armements s’est creusé de plus en plus.
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège a signé et ratifié le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires au cours de la cérémonie de signature du 20 septembre, estimant qu’il s’agit d’une contribution importante à l’effort global de non-prolifération nucléaire et de désarmement nucléaire et un pas en avant vers la réalisation de l’engagement des États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire ». Le traité est un pas de plus vers l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe : « De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. » (Isaïe 2,4).
L’adoption du Traité montre qu’une majorité écrasante d’États et de nombreuses autres parties prenantes veulent des progrès plus rapides vers un monde libéré de la menace de la destruction nucléaire. Bien que le Traité constitue un jalon dans le domaine de la sécurité mondiale, il reste encore beaucoup à faire pour qu’il fasse réellement la différence et réalise pleinement ses promesses, notamment en engageant les États dotés d’armes nucléaires et les États sous dissuasion nucléaire élargie, et en établissant une autorité internationale compétente pour superviser le démantèlement des systèmes d’armes nucléaires. Nous devons continuer à poursuivre ces objectifs et progresser vers un désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.
Nous ne devons toutefois pas ignorer le rythme des progrès accomplis dans le cadre d’autres traités et le travail nécessaire pour faire progresser les objectifs de l’article VI du TNP. Le Saint-Siège note avec inquiétude l’absence de mouvement pour maintenir les accords existants tels que le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires ou pour mettre en vigueur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, à l’égard duquel une conférence consacrée à cet objectif vient d’avoir lieu ici le 20 septembre. Il est difficile d’envisager de nouvelles étapes ou d’établir des éléments supplémentaires dans l’édifice du contrôle des armes nucléaires lorsqu’un accord existant est sous la contrainte et que les ratifications nécessaires pour aboutir à des traités négociés laborieusement ne sont pas recherchées.
Le Saint-Siège réitère ses encouragements aux États dont les ratifications sont nécessaires à l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires pour qu’ils ratifient rapidement le Traité, rendant ainsi plus crédibles et plus énergiques tous les efforts pour convaincre la Corée du Nord de mettre fin à son programme d’armement nucléaire et de la convaincre de ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. L’évolution inquiétante de la péninsule coréenne démontre une fois de plus l’importance du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires ainsi que de tous les autres efforts en faveur de la non-prolifération nucléaire et du désarmement nucléaire.
À cet égard, le Saint-Siège se félicite de la mise en œuvre réussie du nouveau Traité START entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique, de la récente réunion bilatérale de haut niveau à Helsinki et des consultations d’experts sur la maîtrise des armes nucléaires. De même, les parties au TNP sont profondément engagées pour faire en sorte que la Conférence d’examen du TNP de 2020 puisse aboutir à des résultats substantiels échappant à la Conférence d’examen du TNP de 2015. Il est à espérer que de nouvelles étapes vers le désarmement nucléaire seront reconnues lors de la Conférence d’examen du TNP de 2020.
Dans le même temps, l’utilisation des armes à sous-munitions et des produits chimiques toxiques contre les populations civiles n’a pas cessé malgré la Convention sur les armes à sous-munitions et la Convention sur les armes chimiques ; en effet, cette situation est en augmentation dans certaines régions, comme le montrent les attaques fréquentes contre les populations civiles. De plus, les risques que ces armes meurtrières tombent entre les mains de terroristes et d’acteurs non étatiques radicaux sont réels et présents. Nous devons donc respecter les obligations établies par ces traités, afin que les civils partout dans le monde soient protégés de ces armes qui ont un impact et des conséquences humanitaires catastrophiques.
Monsieur le Président,
L’année dernière, cette Commission et l’Assemblée générale ont adopté par consensus la Résolution 71/62 sur la relation entre le désarmement et le développement. Il est encourageant que la Commission ait pris note de « l’importance de la relation symbiotique entre le désarmement et le développement et du rôle important de la sécurité à cet égard et de l’augmentation des dépenses militaires mondiales qui pourraient autrement être consacrées aux besoins de développement ».
Les paragraphes du dispositif de la résolution sont très conformes à la position du Saint-Siège, notamment en ce qui concerne l’attribution des ressources, économisées par le désarmement et par les accords de limitation des armements, au développement économique et social. En particulier, l’objectif 16 des objectifs de développement durable souligne cette « relation symbiotique » entre la sécurité et le développement. Il vise à « promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, à assurer l’accès à la justice pour tous et à créer des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux ». Ce travail a été fait par la Commission pour atteindre cet objectif.
Monsieur le Président,
Nous vivons dans des moments importants. Le Saint-Siège appuie donc pleinement les travaux de cette Commission et l’encourage à être plus déterminée que jamais à œuvrer pour atteindre, avec toujours plus d’urgence et de détermination, son objectif ultime, à savoir parvenir à un monde pacifique et stable.
Merci, Monsieur le Président.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
La fleur contre les armes © prieraucoeurdumonde.net
ONU: la paix est gravement menacée par la production croissante d'armes
Intervention de Mgr Auza (Traduction intégrale)