« La protection et la promotion de la vie culturelle, sociale et économique des peuples autochtones » doivent « être reconnues par tous comme un service rendu à la famille humaine de demain. »
C’est ce qu’a déclaré Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, à la 36e session du Conseil des droits de l’homme, lors du Panel sur les peuples autochtones, le 20 septembre 2017.
En effet, a précisé le représentant du Saint-Siège, « dans un monde de plus en plus interconnecté, qui connaît à la fois les bénéfices et les pertes des processus de la mondialisation, la vision traditionnelle autochtone du développement se concentre sur le développement humain dans son intégralité et nous aide à comprendre que la terre et l’environnement sont précieux et bons pour notre utilisation » ; par conséquent, a-t-il poursuivi, « il ne faut pas abuser de ces dons, nécessaires à l’existence humaine ».
Il faut au contraire partager « les riches valeurs humaines et l’ensemble des connaissances avec les générations à venir », ce qui « profite également aux membres de la famille humaine dans l’ère actuelle » tout en facilitant « le dialogue avec les peuples autochtones et crée un partenariat avec eux. »
Voici notre traduction de l’intervention en anglais de Mgr Jurkovic.
HG
Monsieur le Président,
Le dixième anniversaire des Déclarations des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est célébré à un moment opportun où la communauté internationale s’efforce de réaliser les « dix-sept objectifs pour transformer le monde », énoncés dans l’Agenda pour le développement durable de 2030.
Comme nous le savons, l’Agenda 2030 reconnaît, entre autres, la nécessité de renforcer la coopération internationale dans le cadre d’un partenariat mondial, dans le but de faciliter un engagement mondial intensif à l’appui de la mise en œuvre des Buts et cibles inclus dans celui-ci. (1)
Une mise en œuvre vraie, juste et efficace des dix-sept objectifs est basée sur la vision que toutes les personnes deviendront « de dignes acteurs de leur propre destinée, en tenant compte du fait qu’on ne peut imposer le développement humain intégral et l’exercice intégral de la dignité humaine mais permettre qu’ils se déploient pour chaque individu, pour chaque famille, par rapport aux autres et dans une bonne relation avec les domaines dans lesquels la vie sociale humaine se développe ». (2)
Par conséquent, selon le pape François, « il est nécessaire de respecter les droits des peuples et des cultures et d’apprécier le fait que le développement d’un groupe social présuppose un processus historique qui se déroule dans un contexte culturel et exige une implication constante et active des populations locales dans leur propre culture. La notion de qualité de vie ne peut pas non plus être imposée de l’extérieur, car la qualité de vie doit être comprise avec le monde des symboles et des coutumes propres à chaque groupe humain ».
De plus, dans un monde de plus en plus interconnecté, qui connaît à la fois les bénéfices et les pertes des processus de la mondialisation, la vision traditionnelle autochtone du développement se concentre sur le développement humain dans son intégralité et nous aide à comprendre que la terre et l’environnement sont précieux et bons pour notre utilisation ; il ne faut pas abuser de ces dons, nécessaires à l’existence humaine (4).
La protection et la promotion de la vie culturelle, sociale et économique des peuples autochtones doivent donc être reconnues par tous comme un service rendu à la famille humaine de demain. Cela se concrétise en partageant les riches valeurs humaines et l’ensemble des connaissances avec les générations à venir, mais cela profite également aux membres de la famille humaine dans l’ère actuelle, car cela facilite le dialogue avec les peuples autochtones et crée un partenariat avec eux.
Le Saint-Siège favorise et soutient un tel partenariat de différentes façons, par exemple, en construisant des centres de langues autochtones, en surveillant la compilation de livres de grammaire et la mise en service de centaines de traductions dans ces langues, qui sont souvent menacées de disparition. Un large éventail de ces collections sont disponibles pour la recherche dans différentes universités pontificales et instituts d’enseignement supérieur. (5)
Monsieur le Président,
Ma délégation se félicite du travail accompli par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme (HCDH) tel qu’illustré dans le dernier rapport « sur les droits des peuples autochtones » (A / HRC / 36/22), par lequel ledit Bureau a contacté les communautés autochtones dans le monde et a offert de l’aide pour défendre leurs droits politiques, économiques, culturels et sociaux. Il est particulièrement important de souligner l’effort du HCDH pour fournir une « assistance technique aux États membres, aux peuples autochtones, à la société civile et aux organismes des Nations Unies » afin de réformer et mettre en œuvre des « cadres juridiques, des politiques, des stratégies et des plans d’action nationaux » pour favoriser la protection et la participation des communautés autochtones dans les forums nationaux et internationaux.
En outre, le nouveau mandat assigné au Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, tel que prévu dans la Résolution 33/25 du Conseil des droits de l’homme, représente une opportunité pour que la communauté internationale intensifie son engagement à protéger les droits des peuples autochtones.
Monsieur le Président,
En reconnaissant que « le respect des connaissances, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à un développement durable et équitable et à une bonne gestion de l’environnement » (6), la Communauté internationale peut mieux comprendre qu’un développement véritablement durable exige une « attention accrue aux cultures locales lors de l’étude des problèmes environnementaux ». (7)
Un accent particulier devrait être accordé « pour concilier le droit au développement, à la fois social et culturel, avec la protection des caractéristiques particulières des peuples autochtones et de leurs territoires ». (8) Les communautés autochtones « ne sont pas seulement une minorité parmi d’autres, mais devrait être les principaux partenaires de dialogue lorsque de grands projets touchant leurs terres ancestrales sont proposés ». (9)
Le Saint-Siège soutient que la relation problématique entre certaines entreprises transnationales et les groupes autochtones, en particulier dans le domaine des industries extractives, doit être abordée. Un dialogue véritable, transparent et franc doit être établi entre toutes les parties prenantes, en particulier les communautés indigènes touchées, afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé concernant toute mesure susceptible d’avoir un impact important sur leur mode de vie et leur culture.
En conclusion, Monsieur le Président, il est essentiel que la voix de ces peuples soit entendue et protégée au niveau des débats nationaux et internationaux. De telles actions constitueront un outil formidable pour acquérir une compréhension plus profonde et plus large du développement humain authentique et intégral.
Merci, Monsieur le Président.
***
1 Cf. A / RES / 70/1, n. 60.
2 Lettre de l’Observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies adressée au Secrétaire général, en date du 25 septembre 2016, A / 71/430, n. 7.
3 Pape François, Laudato si ‘, n. 144.
4 Déclaration de l’Observateur permanent du Saint-Siège aux Nations Unies, New York, le 20 avril 2010.
5 Ibid.
6 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, PP11.
7 Pape François, Laudato si ‘, n. 143.
8 Pape François, Discours aux participants de la III Réunion mondiale du Forum des peuples autochtones du Fonds international pour le développement agricole, 15 février 2017.
9 Pape François, Laudato si ‘, n. 146.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat