« Les armes nucléaires offrent un faux sentiment de sécurité », affirme Mgr Gallagher. « La difficile paix promise par la dissuasion nucléaire a toujours été une illusion tragique. Les armes nucléaires ne peuvent pas créer un monde stable et sécurisé. La paix et la stabilité internationale ne peuvent être fondées sur une destruction mutuellement assurée ou sur la menace de l’anéantissement ».
Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États et chef de la délégation au Débat général de la 72e Session de l’Assemblée générale des Nations unies, est intervenu à l’occasion de la dixième Conférence pour faciliter l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, à New York, le 20 septembre 2017.
Mgr Gallagher a fait appel aux autres États dont la ratification est nécessaire pour que le Traité entre en vigueur : « En ratifiant ce traité, ces États ont l’occasion de démontrer leur sagesse, leur leadership courageux et leur engagement envers la paix et le bien commun de tous », a-t-il dit.
« La menace ou l’utilisation de la force militaire n’a pas sa place pour lutter contre la prolifération et la menace ou l’utilisation d’armes nucléaires dans la lutte contre la prolifération nucléaire sont déplorables », a-t-il encore déclaré. « Nous devons mettre derrière nous les menaces nucléaires, la peur, la supériorité militaire, l’idéologie et l’unilatéralisme qui entraînent des efforts de prolifération et de modernisation et rappellent la logique de la guerre froide.
Voici notre traduction de l’intervention en anglais de Mgr Gallagher.
HG
Discours de Mgr Gallagher
Monsieur le Président,
Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) est l’une des pierres angulaires des structures juridiques mises en place pour contrôler la menace mondiale posée par les armes nucléaires et se déplacer progressivement vers un monde exempt d’armes nucléaires. Le Saint-Siège a ratifié le TICE et y adhère, expression de sa conviction de longue date selon laquelle une interdiction des essais nucléaires, une non-prolifération nucléaire et un désarmement nucléaire « sont étroitement liés et doivent être atteints le plus rapidement possible sous un contrôle international efficace ». (1)
Le Saint-Siège est donc préoccupé par le manque continu de progrès dans la réalisation de l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Deux décennies sans l’entrée en vigueur du Traité ont été deux décennies perdues dans notre objectif commun d’un monde sans armes nucléaires. Dans le même temps, le Saint-Siège a le plaisir de participer à cette conférence et de se joindre à d’autres États qui ont ratifié le TICE en réitérant notre appel aux autres États dont la ratification est nécessaire pour que le Traité entre en vigueur. En ratifiant ce traité, ces États ont l’occasion de démontrer leur sagesse, leur leadership courageux et leur engagement envers la paix et le bien commun de tous.
L’entrée en vigueur du TPCE est d’autant plus urgente que l’on considère les menaces contemporaines à la paix, des défis persistants de la prolifération nucléaire jusqu’aux grands programmes de modernisation de certains des États qui possèdent des armes nucléaires. La prolifération nucléaire et les nouveaux programmes de modernisation sont contraires aux objectifs du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et, plus important encore, ils compromettent la sécurité internationale.
Les tensions croissantes sur le programme nucléaire en croissance de la Corée du Nord sont d’une urgence particulière. La communauté internationale doit répondre en cherchant à relancer les négociations. La menace ou l’utilisation de la force militaire n’a pas sa place pour lutter contre la prolifération et la menace ou l’utilisation d’armes nucléaires dans la lutte contre la prolifération nucléaire sont déplorables. Nous devons mettre derrière nous les menaces nucléaires, la peur, la supériorité militaire, l’idéologie et l’unilatéralisme qui entraînent des efforts de prolifération et de modernisation et rappellent la logique de la guerre froide.
Monsieur le Président,
En ce jour où le Traité historique sur l’interdiction des armes nucléaires est ouvert à la signature, je voudrais me centrer spécialement sur le TICE en tant que complément critique aux efforts plus vastes de désarmement nucléaire. Le 25 septembre 2015, le Pape François a exhorté l’Assemblée générale des Nations Unies à « travailler pour un monde exempt d’armes nucléaires, en pleine application du Traité de non-prolifération, dans la lettre et l’esprit, dans le but d’interdire complètement ces armes ». Le pape François a ajouté : « Une éthique et une loi basées sur la menace de la destruction mutuelle – et éventuellement la destruction de toute l’humanité – sont contradictoires et un affront à l’ensemble du cadre des Nations Unies, qui finirait par être des “nations unies par la peur et la méfiance” ».
Dans sa lettre à Son Excellence Elayne Whyte Gómez, présidente de la Conférence des Nations Unies sur une interdiction nucléaire, il a exhorté la communauté internationale à « aller au-delà de la dissuasion nucléaire … [et] à adopter des stratégies prospectives pour promouvoir l’objectif de la paix et de la stabilité et pour éviter les approches à courte vue des problèmes entourant la sécurité nationale et internationale » (2).
Tout en n’ayant aucune illusion sur les défis liés à la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires, les défis posés par le statu quo avant les tensions croissantes, la prolifération continue et les nouveaux programmes de modernisation sont beaucoup plus redoutables. Les armes nucléaires offrent un faux sentiment de sécurité. La difficile paix promise par la dissuasion nucléaire a toujours été une illusion tragique. Les armes nucléaires ne peuvent pas créer un monde stable et sécurisé. La paix et la stabilité internationale ne peuvent être fondées sur une destruction mutuellement assurée ou sur la menace de l’anéantissement.
Monsieur le Président,
La sorte de paix qui repose sur un équilibre de pouvoir, avec des menaces et des contre-menaces, et finalement la peur, est une paix instable et fausse. Afin de répondre adéquatement aux défis du XXIe siècle, il est essentiel de remplacer une logique de peur et de méfiance par une éthique de responsabilité et de favoriser un climat de confiance qui valorise le dialogue multilatéral par une coopération cohérente et responsable entre tous les membres de la communauté internationale. Les normes contenues dans la Charte des Nations Unies, le droit humanitaire, les conventions de contrôle des armements et d’autres éléments du droit international représentent un engagement indispensable à la sécurité coopérative et à l’incarnation juridique de cette éthique de responsabilité globale.
L’entrée en vigueur du TPCE constituerait une manifestation importante de l’engagement envers cette éthique de responsabilité. Attendre deux décennies est trop long pour démontrer cet engagement.
Merci, Monsieur le Président.
- Déclaration du Saint-Siège jointe à l’instrument d’adhésion au TPCE, 24 septembre 1996.
- Lettre du pape François à Son Excellence Elayne Whyte Gómez, présidente de la Conférence des Nations Unies, pour négocier un instrument juridiquement contraignant afin d’interdire les armes nucléaires, en vue de leur élimination totale. 23 mars 2017.